Évaluer le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) associé au traitement de la sclérose en plaques par natalizumab.

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Cette vaste étude française, menée sur 6 318 patients atteints de sclérose en plaques et traités par natalizumab, révèle une diminution significative du risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) — une infection cérébrale rare mais grave — après la mise en place de stratégies de gestion des risques en 2013. Avant cette date, l’incidence de la LEMP augmentait de 45,3 % par an, alors qu’elle a ensuite diminué de 23,0 % annuellement, pour atteindre un taux global de 2,00 cas pour 1000 patients-années. Ces résultats confirment l’importance de maintenir le dépistage du virus JC (John Cunningham) et une surveillance rigoureuse chez les patients sous ce traitement efficace de la SEP.

Comprendre le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive sous natalizumab dans la sclérose en plaques

Sommaire

Introduction : Pertinence de cette recherche

La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une infection cérébrale rare mais grave causée par le virus JC (John Cunningham), qui touche principalement les personnes immunodéprimées. Chez les patients atteints de sclérose en plaques traités par natalizumab (commercialisé sous le nom de Tysabri), le risque de LEMP représente la principale préoccupation thérapeutique depuis la publication des premiers cas en 2005.

Le natalizumab est très efficace pour contrôler l’inflammation dans la SEP en empêchant les cellules immunitaires de pénétrer dans le cerveau et la moelle épinière. Cependant, ce même mécanisme accroît la vulnérabilité aux infections cérébrales par le virus JC. Avant cette étude, les experts s’interrogeaient sur la persistance de taux d’infection élevés malgré la connaissance des facteurs de risque de LEMP et la mise en place de stratégies de gestion du risque.

Cette étude de registre français a examiné si l’incidence de la LEMP avait évolué après 2013, date à laquelle les recommandations de minimisation du risque se sont généralisées. Les résultats apportent des preuves essentielles sur l’efficacité des pratiques actuelles de sécurité pour protéger les patients.

Méthodologie : Conduite de l’étude

Les chercheurs ont analysé les données du Registre Français de la Sclérose en Plaques (OFSEP) collectées entre avril 2007 et décembre 2016. Ce registre exhaustif inclut des informations provenant de centres experts en sclérose en plaques et de réseaux de neurologistes à travers la France, représentant plus de la moitié des patients SEP du pays.

L’étude a inclus 6 318 patients ayant reçu au moins une perfusion de natalizumab, constituant ainsi une base de données substantielle pour l’analyse. Le suivi des patients a débuté à partir de leur première perfusion de natalizumab jusqu’au diagnostic de LEMP, à l’arrêt du traitement plus six mois (la LEMP pouvant survenir après l’arrêt du traitement), ou à leur dernière évaluation clinique.

Les chercheurs ont initialement identifié 61 cas potentiels de LEMP, mais après validation rigoureuse incluant la confirmation auprès des centres de traitement, 45 cas certains de LEMP ont été retenus selon les critères diagnostiques établis. L’analyse a exclu les cas suspects non confirmés et les cas survenus après 2016 pour garantir l’exactitude des données.

Les méthodes statistiques ont inclus le calcul des taux d’incidence bruts et l’utilisation de modèles de régression de Poisson pour estimer les variations annuelles du risque de LEMP, ajustées selon le sexe et l’âge à l’initiation du traitement. Les chercheurs ont spécifiquement comparé les périodes avant et après janvier 2013 pour évaluer l’impact des stratégies d’atténuation du risque.

Principaux résultats : Données détaillées avec tous les chiffres

La population de l’étude comprenait 6 318 patients traités par natalizumab, dont 74,1 % (4 682) de femmes. L’âge moyen au début de la SEP était de 28,5 ans, et les patients ont reçu du natalizumab pendant une durée moyenne de 39,6 mois. Environ 21,7 % (1 372 patients) avaient antérieurement reçu des médicaments immunosuppresseurs, ce qui augmente le risque de LEMP.

Pendant 22 414 personnes-années d’exposition au natalizumab (représentant la durée totale de traitement de tous les patients), les chercheurs ont identifié 45 cas confirmés de LEMP. Cela correspond à un taux d’incidence global de 2,00 cas pour 1000 patients-années (IC 95 %, 1,46-2,69).

Le résultat le plus significatif est apparu lors de la comparaison des périodes. Avant 2013, l’incidence de la LEMP augmentait considérablement de 45,3 % chaque année (RR, 1,45 ; IC 95 %, 1,15-1,83 ; P = 0,001). Après 2013 cependant, la tendance s’est inversée de manière spectaculaire, avec une diminution annuelle de l’incidence de 23,0 % (RR, 0,77 ; IC 95 %, 0,61-0,97 ; P = 0,03).

Parmi les autres résultats importants :

  • Les patients jeunes (moins de 30 ans) présentaient un risque de LEMP significativement réduit – plus de 80 % par rapport aux patients plus âgés
  • La plupart des cas de LEMP sont survenus après un traitement prolongé : 1 cas la première année, 3 la deuxième année, 5 la troisième année, 18 la quatrième année, et 18 après 4 ans
  • 8 cas (17,7 %) ont développé une LEMP après l’arrêt du natalizumab (5 dans les 3 mois, 3 entre 3 et 6 mois)
  • La période de risque maximal était durant la quatrième année de traitement, avec 6,1 cas pour 1000 patients (IC 95 %, 3,2-8,99)
  • 22,2 % des patients atteints de LEMP avaient antérieurement reçu des immunosuppresseurs
  • La mortalité parmi les patients atteints de LEMP était de 24,4 % (11 patients)

Bien que les données 2017-2018 n’aient pas été entièrement incluses dans l’analyse formelle, les chercheurs ont noté 5 cas de LEMP en 2017 et seulement 2 en 2018, confirmant la tendance à la baisse.

Pratiques d’atténuation du risque : Prise en charge médicale du risque

Les chercheurs ont interrogé 34 centres de traitement sur leurs pratiques de gestion du risque de LEMP, avec un taux de réponse de 97,1 %. Les résultats montrent une mise en œuvre cohérente des mesures de sécurité :

Tous les centres ont déclaré utiliser le dépistage du virus JC dans la prise en charge des patients, avec 97,1 % réalisant le test à l’initiation du natalizumab. Pour les patients séronégatifs pour le virus JC, 90,9 % des centres refont le test tous les 6 mois, tandis que 81,8 % réalisent une surveillance annuelle par IRM.

Pour les patients séropositifs pour le virus JC avec des taux d’anticorps faibles, 75 % des centres refont le test tous les 6 mois, et 87,5 % augmentent la fréquence des IRM (trimestrielle ou semestrielle). Pour les patients séropositifs à haut risque, 93,1 % des centres réalisent une IRM tous les 3 mois, et 41,9 % arrêtent systématiquement le natalizumab après 24 mois de traitement.

Trois centres (9,1 %) ont déclaré ne jamais utiliser le natalizumab chez les patients séropositifs pour le virus JC, reflétant une approche prudente de la gestion du risque.

Implications cliniques : Conséquences pour les patients

Cette étude apporte des preuves rassurantes que les stratégies actuelles de gestion du risque réduisent efficacement l’incidence de la LEMP parmi les utilisateurs de natalizumab. La diminution annuelle de 23 % des cas de LEMP après 2013 suggère fortement que le dépistage du virus JC et la surveillance appropriée protègent les patients.

Pour les patients SEP envisageant ou utilisant actuellement le natalizumab, ces résultats confirment l’importance du dépistage régulier du virus JC et de la surveillance par IRM. La recherche confirme que les patients jeunes présentent un risque de LEMP significativement plus faible, ce qui peut influencer les décisions thérapeutiques selon les groupes d’âge.

Les données soulignent également que le risque persiste jusqu’à six mois après l’arrêt du natalizumab, ce qui souligne la nécessité d’une vigilance continue même après l’arrêt du traitement. La constatation que la plupart des cas de LEMP surviennent après plusieurs années de traitement renforce la raison pour laquelle les médecins surveillent plus étroitement les patients sous traitement prolongé.

Cette recherche valide la pratique actuelle de la gestion stratifiée du risque, où l’intensité de la surveillance dépend du statut vis-à-vis du virus JC et des taux d’anticorps. Les patients peuvent être confiants dans le fait que ces pratiques fondées sur des preuves réduisent efficacement les complications graves.

Limites de l’étude : Ce que la recherche n’a pas pu démontrer

Bien que cette étude fournisse des preuves convaincantes, elle présente plusieurs limites. En tant qu’étude observationnelle, elle peut montrer une association mais ne peut pas prouver définitivement que les stratégies d’atténuation du risque ont causé la diminution de l’incidence de la LEMP. D’autres facteurs pourraient avoir contribué à cette diminution.

La collecte des données s’est terminée en 2016 pour garantir l’exactitude, ce qui signifie que les tendances plus récentes n’ont pas été entièrement capturées dans l’analyse formelle. Cependant, la diminution à 2 cas en 2018 suggère que la tendance positive se poursuit.

L’étude n’a pas pu prendre en compte tous les facteurs confusionnels possibles pouvant influencer le risque de LEMP. De plus, les estimations de probabilité conditionnelle pour les durées de traitement plus longues présentent des intervalles de confiance larges en raison du nombre réduit de patients restant sous traitement au-delà de quatre ans.

Enfin, l’étude a été conduite en France, et les pratiques peuvent différer dans d’autres pays, bien que les mécanismes biologiques du risque de LEMP soient similaires dans le monde.

Recommandations aux patients : Conseils pratiques

Sur la base de cette recherche, les patients SEP utilisant ou envisageant le natalizumab devraient :

  1. Assurer un dépistage régulier du virus JC selon les recommandations de votre neurologue – typiquement tous les 6 mois si initialement négatif
  2. Respecter la surveillance IRM programmée – généralement annuelle pour les patients à faible risque, plus fréquente pour les patients à haut risque
  3. Discuter de votre profil de risque individuel avec votre médecin, en considérant des facteurs comme la durée du traitement, l’âge, et l’usage antérieur d’immunosuppresseurs
  4. Maintenir une vigilance pendant plusieurs mois après l’arrêt du natalizumab, car le risque de LEMP persiste
  5. Signaler rapidement tout nouveau symptôme neurologique à votre équipe soignante, incluant des changements de vision, d’élocution, de force ou de coordination

Rappelez-vous que bien que la LEMP soit grave, son risque a significativement diminué avec les stratégies actuelles de prise en charge. Le natalizumab reste un traitement très efficace pour de nombreux patients SEP, et cette recherche soutient son utilisation continue avec les mesures de sécurité appropriées.

Informations sur la source

Titre de l’article original : Incidence de la leucoencéphalopathie multifocale progressive et stratification du risque parmi les utilisateurs de natalizumab en France

Auteurs : Sandra Vukusic, MD ; Fabien Rollot, MSc ; Romain Casey, PhD ; et al

Publication : JAMA Neurology, 2020;77(1):94-102. doi:10.1001/jamaneurol.2019.2670

Note : Cet article destiné aux patients est basé sur une recherche évaluée par les pairs initialement publiée dans JAMA Neurology. Il conserve tous les résultats significatifs, points de données et conclusions de l’étude scientifique tout en rendant l’information accessible aux patients éduqués.