Ce guide détaille, dans un langage clair et accessible, les différentes options chirurgicales pour le cancer du sein. La chirurgie constitue le traitement de référence, visant à retirer la tumeur dans son intégralité avec des marges saines afin de minimiser les risques de récidive, tout en permettant un staging précis grâce à l’évaluation ganglionnaire. L’article explore le choix entre tumorectomie et mastectomie, décrit les techniques opératoires, présente les possibilités de reconstruction et aborde la prise en charge à long terme, en s’appuyant sur les dernières recommandations cliniques et données scientifiques.
Comprendre la chirurgie du cancer du sein : guide complet des options thérapeutiques
Table des matières
- Principes fondamentaux : concepts clés de la chirurgie du cancer du sein
- Tumorectomie : chirurgie conservatrice du sein
- Mastectomie : ablation complète du sein
- Procédures ganglionnaires : biopsie du ganglion sentinelle et curage
- Préparation préopératoire : se préparer à l'intervention
- Techniques chirurgicales : déroulement de l'intervention
- Reconstruction mammaire : restauration de l'apparence
- Prise en charge du sein controlatéral : réduire le risque futur
- Soins postopératoires : récupération et suivi
- Complications potentielles : comprendre les risques
- Recommandations cliniques : directives fondées sur les preuves
- Sources d'information
Principes fondamentaux : concepts clés de la chirurgie du cancer du sein
La chirurgie est le traitement principal du cancer du sein, et de nombreuses patientes à un stade précoce sont guéries par la chirurgie seule. Ses objectifs sont l’ablation complète de la tumeur avec des marges saines (tissu non cancéreux autour de la zone retirée) pour limiter le risque de récidive locale, et l’analyse de la tumeur et des ganglions lymphatiques axillaires (aisselle) pour établir un pronostic.
Plusieurs approches chirurgicales existent, et le choix dépend de facteurs tels que la taille et l’emplacement de la tumeur, le type de cancer et les préférences de la patiente. Les deux principales options sont la chirurgie conservatrice (tumorectomie) et la mastectomie (ablation totale du sein). Des études montrent que, pour les patientes éligibles, les deux techniques offrent des taux de survie équivalents lorsqu’elles sont associées à des traitements complémentaires adaptés.
Tumorectomie : chirurgie conservatrice du sein
La tumorectomie, aussi appelée mastectomie partielle ou segmentaire, consiste à retirer la tumeur en visant une marge de tissu sain d’environ 1 centimètre autour. Elle convient à la plupart des cancers du sein invasifs de stade I et II.
L’étude historique B-06 du National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP-B06) a établi que la chirurgie conservatrice associée à la radiothérapie donne des résultats équivalents à la mastectomie radicale modifiée. Cet essai prospectif a suivi 2 163 patientes réparties en trois groupes : mastectomie radicale modifiée, tumorectomie avec radiothérapie, ou tumorectomie seule. Après 20 ans, aucune différence significative n’a été observée en termes de survie globale, de survie sans maladie ou de survie sans métastase.
Cependant, l’étude a relevé des écarts importants dans les taux de récidive locale : 39,2 % pour la tumorectomie seule, contre 14,3 % avec radiothérapie et 10,2 % pour la mastectomie.
Contre-indications à la tumorectomie
La tumorectomie n’est pas adaptée à toutes les patientes. Les contre-indications relatives comprennent :
- Un sein de petite taille par rapport à la tumeur
- Une tumeur de plus de 5 centimètres
- Une maladie du collagène (vascularite)
Les contre-indications absolues sont :
- Une maladie multifocale (plusieurs foyers cancéreux)
- Des antécédents de radiothérapie dans la zone
- L’impossibilité de recevoir une radiothérapie pour un cancer invasif
- Une grossesse au premier ou deuxième trimestre
- Des marges positives persistantes après plusieurs tentatives de conservation
L’envahissement ganglionnaire ou la localisation de la tumeur ne doivent pas empêcher d’envisager une tumorectomie. Les aspects esthétiques, bien que pris en compte, ne doivent pas primer sur l’objectif clinique d’obtenir des marges saines.
Techniques chirurgicales et taux de réexcision
La tumorectomie peut être guidée par palpation ou par imagerie (fil repère, échographie, graine radioactive). Les taux de réexcision varient de 20 à 60 %, ce qui signifie que de nombreuses patientes ont besoin d’une seconde intervention pour obtenir des marges saines.
Selon les recommandations 2018 de l’American Society of Breast Surgeons, plusieurs stratégies permettent de réduire les réinterventions :
- Une imagerie préopératoire complète avec modalités adaptées
- Une biopsie mammaire minimalement invasive pour le diagnostic
- Une planification multidisciplinaire avant la chirurgie conservatrice
- L’utilisation de shaves de cavité pour les marges (réduction de 50 % des réexcisions)
- L’évaluation peropératoire des marges
- Le respect des recommandations de marges de la Society of Surgical Oncology–American Society for Radiation Oncology
Mastectomie : ablation complète du sein
La mastectomie totale consiste à retirer l’ensemble du tissu mammaire, de la clavicule au sternum et du sillon sous-mammaire à la ligne axillaire antérieure, en incluant le fascia du muscle grand pectoral. Le complexe aréolo-mamelonnaire est retiré avec un lambeau cutané pour une fermeture plane.
Plusieurs types de mastectomie existent :
- Mastectomie radicale modifiée : ablation totale avec curage axillaire
- Mastectomie radicale : ablation totale avec retrait du muscle grand pectoral et curage axillaire
- Mastectomie radicale étendue : mastectomie radicale avec ablation des ganglions lymphatiques mammaires internes
- Mastectomie totale avec conservation cutanée : préservation de l’enveloppe cutanée
- Mastectomie totale avec conservation du mamelon : préservation du complexe aréolo-mamelonnaire
Les mastectomies avec conservation cutanée ou du mamelon, plus techniques, sont conçues pour les patientes optant pour une reconstruction immédiate. Elles préservent l’enveloppe cutanée et le sillon sous-mammaire tout en assurant une ablation tumorale complète équivalente à la mastectomie classique.
Procédures ganglionnaires : biopsie du ganglion sentinelle et curage
L’American Society of Clinical Oncology (ASCO) a actualisé ses recommandations pour les procédures ganglionnaires dans le cancer du sein précoce :
- Pas de curage axillaire (CA) en l’absence de métastase du ganglion sentinelle (GS)
- Pas de CA dans la plupart des cas avec 1 à 2 GS métastatiques si chirurgie conservatrice et radiothérapie sont prévues
- CA proposé en cas de métastase du GS et de mastectomie
- Biopsie du GS possible pour les tumeurs multicentriques opérables, le carcinome canalaire in situ (CCIS) avec mastectomie, les antécédents de chirurgie mammaire/axillaire, ou après traitement systémique préopératoire
- Biopsie du GS déconseillée pour les tumeurs invasives de grande taille (T3/T4) ou localement avancées, le cancer inflammatoire, le CCIS avec chirurgie conservatrice, ou pendant la grossesse
La biopsie du ganglion sentinelle est aujourd’hui privilégiée pour le staging axillaire, car elle offre une précision équivalente au CA avec moins de morbidité. Elle convient à presque toutes les patientes présentant des cancers invasifs T1-2 cliniquement N0.
Le curage axillaire (CA) consiste à retirer les ganglions lymphatiques des niveaux I et II (niveau III seulement si suspects). Cette procédure entraîne une morbidité significative :
- Lymphœdème (~25 %)
- Troubles de l’épaule
- Infection de plaie
- Sérome (accumulation de liquide)
- Lésion nerveuse
- Engourdissement
- Douleur chronique
- Lésion rare du plexus brachial
Préparation préopératoire : se préparer à l'intervention
La préparation préopératoire doit aborder les aspects psychosociaux et chirurgicaux. Les patientes ont souvent des inquiétudes non exprimées sur le risque de récidive, les traitements supplémentaires, la surveillance, la rééducation et les résultats esthétiques. La discussion doit inclure les options de reconstruction immédiate ou différée.
Sur le plan chirurgical, les examens préopératoires doivent tenir compte de l’âge, des symptômes et des comorbidités. L’administration préopératoire d’une céphalosporine de première génération est courante, bien que son bénéfice soit limité.
Techniques chirurgicales : déroulement de l'intervention
Une chirurgie mammaire réussie requiert une connaissance anatomique fine, une évaluation précise de la maladie et la prise en compte d’éventuelles interventions futures. Le placement de l’incision est crucial—les incisions de biopsie doivent anticiper une possible mastectomie ultérieure. Cependant, des marges chirurgicales adéquates ne doivent jamais être compromises pour des raisons esthétiques.
Pour les procédures axillaires, la dissection commence par l’ouverture du fascia clavipectoral et l’identification des structures clés. Les ganglions des niveaux I et II sont retirés avec soin, en préservant les nerfs lorsque possible. L’électrocautérisation est généralement évitée en profondeur pour réduire les risques.
Pour la mastectomie, l’incision elliptique standard inclut le complexe aréolo-mamelonnaire. Le lambeau cutané doit avoir une épaisseur d’environ 1,0 cm, créé dans un plan relativement avasculaire. Le tissu mammaire est retiré avec le fascia pectoral, en veillant à la gestion des vaisseaux sanguins.
Une étude randomisée de 2018 sur 66 femmes a montré que des blocs paravertébraux multiniveaux sous échoguidage, associés à une anesthésie intraveineuse, améliorent la récupération, le contrôle de la douleur et accélèrent la sortie par rapport à l’anesthésie générale traditionnelle avec gaz inhalatoires et opioïdes.
Reconstruction mammaire : restauration de l'apparence
La reconstruction mammaire après mastectomie peut être immédiate ou différée. La plupart des patientes ayant une mastectomie prophylactique ou pour cancer précoce y sont éligibles. La reconstruction immédiate offre généralement de meilleurs résultats esthétiques, car les techniques de conservation cutanée ou du mamelon préservent l’enveloppe naturelle et le sillon sous-mammaire.
Les options de reconstruction incluent :
- Implants : expanseurs tissulaires suivis d’implants salins ou en silicone
-
Tissu autologue (lambeaux) :
- Lambeau TRAM (muscle grand droit de l’abdomen)
- Lambeau du muscle grand dorsal
- Lambeau DIEP (artère épigastrique inférieure profonde)
- Approches combinées : implants et tissu autologue
Malgré les lois fédérales exigeant une couverture d’assurance, la plupart des patientes mastectomisées ne bénéficient pas de reconstruction en raison de biais des prestataires, de préférences personnelles ou du manque de services spécialisés. Les patientes doivent avoir des attentes réalistes—plusieurs interventions sont souvent nécessaires pour des révisions, une symétrisation ou la reconstruction du mamelon.
Les complications potentielles de la reconstruction sont :
- Infection ou rupture de l’implant
- Contracture capsulaire (cicatrisation autour de l’implant)
- Nécrose ou perte du lambeau
- Nécrose graisseuse
- Asymétrie
- Cicatrisation anormale
Une analyse multivariée a montré que la mastectomie avec conservation du mamelon et le poids de la résection sont des facteurs de risque significatifs pour la nécrose du lambeau cutané, tandis que le poids de la résection est associé à la nécrose du complexe aréolo-mamelonnaire.
Prise en charge du sein controlatéral : Réduction du risque futur
Les patientes atteintes d’un cancer du sein sans mutation BRCA connue ont un risque annuel d’environ 0,7 % de développer un cancer controlatéral. Les porteuses d’une mutation BRCA ont un risque annuel beaucoup plus élevé de 3 %.
La décision d’une mastectomie prophylactique controlatérale (MPC) est personnelle et influencée par le stade du cancer, le désir de symétrie, les comorbidités, les facteurs de risque, les antécédents familiaux, les difficultés de surveillance et l’aversion au risque. Les patientes avec un cancer localement avancé doivent discuter de ces options avec leur équipe soignante.
Soins postopératoires : Récupération et suivi
Les soins postopératoires immédiats incluent la surveillance de la cicatrisation, la gestion des complications (sérome, infection, hémorragie, lésion nerveuse), le suivi des résultats anatomopathologiques et l’encouragement d’une mobilisation précoce avec exercices d’amplitude articulaire.
Le suivi à long terme recommande :
- Mammographie de référence des deux seins (ou du sein restant) à 6 mois
- Évaluation clinique tous les 4 mois pendant 2 ans
- Évaluation clinique tous les 6 mois jusqu’à 5 ans
- Évaluations annuelles ensuite, à vie
- Mammographie et radiographie thoracique annuelles
- Examens supplémentaires uniquement en cas de symptômes (douleur osseuse, céphalée, anomalies biologiques)
Complications potentielles : Comprendre les risques
Toute intervention chirurgicale comporte des risques. Après une mastectomie totale, les complications peuvent inclure :
- Risque de récidive locale (5-10 %)
- Infection de plaie
- Sérome
- Nécrose du lambeau cutané
- Hématome
- Douleur chronique
- Oreilles de chien (excès cutané aux extrémités de l’incision)
- Lymphœdème (gonflement du bras)
- Fibrose (épaississement tissulaire)
Le curage axillaire présente des risques significatifs, avec un taux de lymphœdème d’environ 25 %, des troubles de l’épaule, des lésions nerveuses et des douleurs chroniques.
Recommandations cliniques : Principes fondés sur les preuves
Les recommandations actuelles privilégient une approche personnalisée basée sur les caractéristiques tumorales, les facteurs patients et l’évolution des données. Les principes clés sont :
- La chirurgie conservatrice avec radiothérapie est oncologiquement équivalente à la mastectomie pour les patientes éligibles
- La biopsie du ganglion sentinelle a largement remplacé le curage axillaire systématique en l’absence d’envahissement ganglionnaire
- Le statut des marges influence fortement le risque de récidive locale, avec 2 mm ou plus généralement considéré comme sain
- La planification multidisciplinaire améliore les résultats et réduit les réinterventions
- Les options de reconstruction doivent être proposées à toutes les patientes mastectomisées
- Le suivi doit être à vie avec une imagerie adaptée
Informations sur la source
Titre original de l'article : Traitement chirurgical du cancer du sein
Auteurs : Mary Jo Wright, MD ; James Neal Long, MD, FACS
Détails de la publication : Mis à jour le 10 avril 2020, section Médicaments & Maladies > Chirurgie plastique
Note : Cet article adapté aux patients est basé sur des recherches évaluées par des pairs et des recommandations cliniques provenant de sources médicales autorisées.