Le Dr Andrea Maier, MD, spécialiste renommée du vieillissement et de la longévité, explique comment la génétique et le mode de vie influencent la durée de vie humaine. Elle présente les résultats d’une étude néerlandaise marquante sur la longévité, qui a analysé des familles affichant une longévité exceptionnelle sur plusieurs générations. Les facteurs génétiques représentent environ 20 % de cette longévité. Parmi les découvertes clés figurent une meilleure régulation du glucose et une expression génique différenciée dans ces familles. Le gène ApoE et la voie mTOR jouent un rôle significatif dans le processus de vieillissement. Le Dr Maier souligne que les tests génétiques liés à la longévité ne sont pas encore prêts pour une utilisation clinique.
Facteurs génétiques et liés au mode de vie dans la longévité humaine : enseignements d’une étude fondatrice
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- Conception de l’étude néerlandaise sur la longévité
- Principales découvertes sur les marqueurs de santé
- Analyse génétique et longévité
- Voie mTOR et vieillissement
- Implications cliniques de la recherche génétique
- Transcription intégrale
Conception de l’étude néerlandaise sur la longévité
Le Dr Andrea Maier, médecin, décrit la configuration unique de l’étude de Leyde sur la longévité. Les chercheurs ont recruté des nonagénaires — des personnes dans leur quatre-vingt-dixième année — ayant un frère ou une sœur également nonagénaire. Cette approche par paires de fratrie suggérait une forte prédisposition familiale à la longévité. L’étude incluait également la descendance de ces fratries nonagénaires, qui partagent 50 % de leur patrimoine génétique. Les conjoints des membres de la fratrie ont été inclus comme groupe témoin essentiel. Selon le Dr Maier, cela a permis aux scientifiques de comparer l’influence de la génétique à celle de l’environnement et du mode de vie partagés.
Principales découvertes sur les marqueurs de santé
L’étude a mis en évidence des différences physiologiques marquées chez la descendance des personnes à longue durée de vie. Comparés à leurs conjoints, ces descendants présentaient des taux de glucose nettement inférieurs et une meilleure régulation glycémique. Le Dr Maier souligne qu’un taux de glucose plus bas est associé à un risque réduit de diabète. D’autres hormones, comme l’hormone thyroïdienne, étaient également régulées différemment dans les familles à longue longévité. Dès l’âge de 60 ans, la descendance montrait déjà une prévalence plus faible de maladies liées à l’âge que leurs conjoints. Ces résultats confirment que les traits de longévité et de santé se transmettent au sein des familles.
Analyse génétique et longévité
Le Dr Anton Titov et le Dr Andrea Maier abordent la composante génétique du vieillissement. Le consensus scientifique estime que la génétique explique environ 20 % de la longévité d’un individu. L’étude, dirigée par le Dr Eline Slagboom, visait à identifier des gènes spécifiquement liés à la longévité. Bien qu’aucun « gène de la longévité » unique n’ait été identifié, l’analyse a révélé l’absence de certains gènes associés à des maladies dans les familles à longue durée de vie. Le gène ApoE, connu pour son lien avec le risque de démence, figurait parmi ceux liés aux résultats de longévité. Le Dr Maier insiste sur le fait que la longévité dépend d’un réseau complexe de gènes, et non d’un seul.
Voie mTOR et vieillissement
Une découverte majeure a concerné la voie de signalisation mTOR. Les gènes de cette voie présentaient une expression différente dans les familles à longue durée de vie. Le Dr Maier explique que la voie mTOR est fondamentale pour la fonction cellulaire, jouant un rôle central dans la synthèse des protéines et diverses signalisations cellulaires. Sa dérégulation est fortement associée au développement de maladies et au processus de vieillissement. Cette découverte met en lumière un mécanisme biologique clé qui pourrait être optimisé chez les individus prédisposés à une vie plus longue et en meilleure santé.
Implications cliniques de la recherche génétique
Le Dr Anton Titov explore le potentiel d’application clinique de ces travaux. Le Dr Maier est clair : l’analyse génétique pour prédire la longévité n’est pas encore prête pour une utilisation en routine clinique. Bien que certains gènes soient connus pour augmenter le risque de maladies comme le cancer ou les maladies cardiovasculaires, le réseau de la longévité est bien plus complexe. L’objectif de cette recherche est de mieux comprendre la biologie du vieillissement. Des études similaires menées en Italie auprès de centenaires ont corroboré ces résultats. Le Dr Maier conclut que ces travaux posent les bases de futures interventions visant à promouvoir un vieillissement en bonne santé dans la population générale.
Transcription intégrale
Dr Anton Titov, MD : La longévité humaine est influencée à la fois par la génétique et le mode de vie. Vous avez étudié des échantillons sanguins d’une cohorte de familles néerlandaises présentant une longévité accrue sur plusieurs générations. Qu’avez-vous appris de votre analyse génétique du vieillissement dans cette étude sur la longévité familiale ?
Dr Andrea Maier, MD : J’ai eu la chance, pendant mes études en médecine interne à Leyde, de travailler sur l’étude de Leyde sur la longévité et l’étude Leyde 85-plus. La conception de l’étude sur la longévité est très intéressante. Nous avons recruté des nonagénaires et leurs frères et sœurs nonagénaires.
Cela signifie qu’une personne de 90 ans a un frère ou une sœur du même âge, ce qui indique une particularité familiale, avec deux membres de la fratrie vivant très longtemps. Nous avons aussi inclus leur descendance, car les nonagénaires sont souvent fragiles — je ne dirais pas frêles, mais il était important d’examiner l’état de santé de leurs enfants.
La descendance partage 50 % du patrimoine génétique de ces fratries nonagénaires. Le chercheur principal de l’étude est le Dr Eline Slagboom, de Leyde. Nous avons également inclus les conjoints des membres de la fratrie comme témoins pour la descendance.
L’idée était de comparer l’influence de la longévité familiale en ayant des témoins proches. Ces témoins sont donc les maris et femmes des fratries nonagénaires.
Nos observations confirment que la longévité semble bien familiale. La descendance des fratries nonagénaires, comparée à leurs conjoints, présentait par exemple un taux de glucose beaucoup plus bas et une meilleure régulation glycémique.
On sait qu’un taux de glucose légèrement inférieur réduit le risque de développer un diabète, entre autres. Mais d’autres hormones, comme l’hormone thyroïdienne, étaient aussi régulées différemment. La descendance des nonagénaires avait environ 60 ans.
Nous avons constaté qu’ils souffraient moins de maladies liées à l’âge que leurs conjoints. Cela démontrait déjà une transmission familiale. Ces individus ont été inclus dans l’analyse génétique, car les gènes pourraient jouer un rôle crucial dans la longévité.
Les spécialistes estiment que la génétique explique environ 20 % de la longévité. Nous avons identifié certains gènes, comme ApoE, associés à la longévité. Mais nous n’avons pas trouvé de « gène de la longévité » unique. En revanche, nous avons observé l’absence de gènes liés à des maladies chez les membres des familles à longue durée de vie.
Très bien ! Nous avons aussi montré que certains gènes étaient surexprimés. L’une des familles de gènes concernées se trouve dans la voie mTOR, par exemple. Chez les familles à longue longévité, ces gènes étaient régulés différemment.
Or, mTOR est essentiel pour la synthèse des protéines et de nombreuses signalisations cellulaires. Cette voie est associée à la survenue de maladies et au vieillissement. Grâce à cette belle conception d’étude, nous avons pu approfondir la biologie et montrer que la descendance des fratries nonagénaires diffère significativement de leurs conjoints.
Heureusement, d’autres études adoptent la même approche, comme en Italie avec des centenaires et leur descendance. De nombreuses autres cohortes existent désormais, et elles confirment ces résultats, contribuant à une meilleure compréhension du vieillissement lui-même.
Ainsi, le gène ApoE et certains de ses allèles sont associés à l’apparition de la démence. Il s’agit donc d’un vaste réseau de gènes — pas d’un gène isolé — qui influence la longévité.
Si vous me demandez si l’analyse génétique est prête pour une application clinique — peut-on dire : « vous avez un bon patrimoine génétique » ou non ? Comme pour d’autres biomarqueurs de l’âge biologique, ce n’est pas encore le cas.
Ce que nous savons, en revanche, c’est que certains gènes sont davantage associés au développement de cancers ou de maladies cardiovasculaires. Mais ceux-ci sont liés à la maladie, tandis que nous cherchions des gènes associés à la longévité.