Le Dr Dean Fennell, spécialiste reconnu en génétique du mésothéliome, décrypte la signature moléculaire distinctive de ce cancer agressif. Il présente les trois altérations génétiques les plus fréquentes chez les patients atteints de mésothéliome. Le Dr Fennell évoque également le syndrome rare lié à BAP1 et son lien avec un risque accru de développer cette maladie. Il analyse les défis du dépistage précoce, en particulier les limites des tests sanguins reposant sur l’ADN libre circulant. L’entretien met en lumière l’importance cruciale de la recherche sur les mutations précoces pour concevoir de futures stratégies préventives.
Comprendre la génétique du mésothéliome et son potentiel pour un diagnostic précoce
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- Paysage génétique du mésothéliome
- Mutations génétiques fréquentes dans le mésothéliome
- Syndrome cancéreux BAP1 et risque
- Importance de l'ordre des mutations
- Défis du dépistage précoce
- Stratégies préventives futures
- Transcript intégral
Paysage génétique du mésothéliome
Le Dr Dean Fennell, MD, offre une vue d'ensemble complète du paysage génétique du mésothéliome. Il explique que ces dernières années ont permis de mieux cerner la signature moléculaire unique de ce cancer. Le mésothéliome se caractérise par un nombre relativement faible de mutations très fréquemment altérées, ce qui le distingue de nombreux autres cancers. Le Dr Fennell souligne que ces connaissances constituent le socle des recherches actuelles et futures sur les thérapies ciblées et les méthodes de détection précoce.
Mutations génétiques fréquentes dans le mésothéliome
Le Dr Dean Fennell, MD, identifie trois altérations génétiques majeures retrouvées chez la grande majorité des patients atteints de mésothéliome. La première concerne le gène BAP-1 (protéine associée à BRCA). La deuxième est une altération du nombre de copies impliquant la délétion des gènes CDKN2A et MTAP. La troisième affecte NF2, un acteur de la voie Hippo. Ces trois modifications représentent la signature moléculaire centrale du mésothéliome. Leur compréhension est cruciale pour développer des approches thérapeutiques ciblées.
Syndrome cancéreux BAP1 et risque
Le Dr Dean Fennell, MD, évoque les travaux majeurs du Dr Michele Carbone sur le syndrome cancéreux BAP1. Une mutation germinale de BAP-1, identifiée pour la première fois en 2011, augmente le risque de mésothéliome. Ce syndrome est associé non seulement au mésothéliome, mais aussi aux mélanomes uvéaux et au cancer rénal. Le Dr Fennell précise qu'il concerne une population très rare. La plupart des mésothéliomes surviennent de manière sporadique suite à une exposition à l'amiante. Toutefois, une mutation germinale de BAP-1 accroît significativement le risque de développer un mésothéliome en cas d'exposition.
Importance de l'ordre des mutations
Le Dr Dean Fennell, MD, met en lumière un axe de recherche crucial : l'ordre des mutations dans le développement du mésothéliome. Comprendre la séquence des altérations génétiques est essentiel pour concevoir des traitements efficaces. Les chercheurs s'efforcent d'identifier les toutes premières mutations survenant lors de la formation du cancer. Cette connaissance permettrait de cibler les vulnérabilités émergentes précoces. Les travaux du Dr Fennell visent à déterminer ces mutations initiales pour élaborer des approches thérapeutiques plus ciblées.
Défis du dépistage précoce
Le Dr Dean Fennell, MD, aborde les défis importants du dépistage précoce du mésothéliome. Dans une petite étude, l'ADN libre circulant n'était pas largement détectable chez les patients, ce qui complique la perspective d'un test sanguin basé sur des marqueurs génétiques. Le Dr Fennell mentionne des recherches sur HMGB1 comme marqueur précoce potentiel, issues des travaux du Dr Michele Carbone. Cependant, il conclut qu'aucune méthode fiable n'existe actuellement pour la détection précoce des tumeurs de mésothéliome, ce qui limite les possibilités d'intervention préventive.
Stratégies préventives futures
Le Dr Dean Fennell, MD, souligne que la détection précoce et la prévention sont essentielles pour lutter contre le mésothéliome. Il estime que le domaine approche un point où le dépistage pourrait devenir envisageable. La meilleure compréhension des bases génomiques ouvre la voie à de futures méthodes de détection. Le Dr Fennell reconnaît que si les tests d'ADN circulant sont prometteurs pour d'autres cancers, le mésothéliome présente des défis uniques. L'entretien avec le Dr Anton Titov, MD, conclut que, malgré les limitations actuelles, la recherche se poursuit pour développer des stratégies préventives efficaces pour les populations à haut risque.
Transcript intégral
Dr. Anton Titov, MD: Parlons de la génétique du mésothéliome. Quelle est sa signature moléculaire unique ? Le mésothéliome ayant une longue phase pré-maligne, cela ouvre-t-il la porte à un dépistage moléculaire ou par imagerie pour les personnes à risque ? Ou est-ce irréaliste en pratique ?
Dr. Dean Fennell, MD: Excellente question. Ces dernières années ont permis de mieux cerner le paysage génétique de ce cancer. Plusieurs aspects le rendent unique. On observe un nombre relativement faible de mutations très fréquemment altérées.
Celles-ci incluent le gène BAP-1 (protéine associée à BRCA), une altération du nombre de copies avec délétion des gènes CDKN2A et MTAP, et NF2, un acteur de la voie Hippo. Ces trois altérations sont présentes chez la grande majorité des patients.
Concernant la prédisposition, une mutation germinale de BAP-1, identifiée en 2011, augmente le risque. Ce sont les travaux du Dr Michele Carbone qui ont grandement contribué à cette compréhension. Cette mutation est associée au syndrome cancéreux BAP-1, lié non seulement au mésothéliome mais aussi aux mélanomes uvéaux et au cancer rénal. Cependant, cela touche un groupe très restreint de patients. La plupart des mésothéliomes sont sporadiques, liés à l'exposition à l'amiante.
Mais nous savons désormais, preuves à l'appui, qu'une mutation germinale accroît les chances de développer un mésothéliome en cas d'exposition à l'amiante. Le défi majeur n'est pas seulement de connaître les gènes impliqués dans le cancer avéré, mais aussi de déterminer l'ordre des mutations ayant conduit à sa formation. C'est sur cela que nous travaillons : identifier les toutes premières mutations pour concevoir des traitements ciblant les vulnérabilités émergentes précoces.
Dr. Anton Titov, MD: Le mésothéliome, souvent diagnostiqué tardivement, est mortel. Des stratégies comme le dépistage ou la vaccination (comme pour le HPV) ont été appliquées à d'autres cancers. Voyez-vous des approches préventives ou de diagnostic précoce pour le mésothéliome dans un avenir proche ?
Dr. Dean Fennell, MD: Absolument. Pour tous les cancers, la détection précoce et, idéalement, la prévention sont clés. Nous approchons du moment où le dépistage du mésothéliome pourrait devenir possible, grâce à une meilleure compréhension de ses bases génomiques.
Dans une petite étude, nous n'avons pas observé d'ADN libre circulant de manière répandue chez ces patients. L'idée d'un test sanguin détectant la génétique du cancer via l'ADN libre circulant semble donc plus complexe pour le mésothéliome.
Nous avons entendu parler de marqueurs comme HMGB1, issus des travaux du Dr Carbone, qui pourraient être détectés précocement. Mais actuellement, nous n'avons aucun moyen fiable de détecter les tumeurs de mésothéliome à un stade précoce, ce qui empêche toute intervention préventive.