Les gènes ne s’expriment pas de la même manière en laboratoire et en milieu naturel. Recherche sur le vieillissement menée sur diverses espèces. 11

Les gènes ne s’expriment pas de la même manière en laboratoire et en milieu naturel. Recherche sur le vieillissement menée sur diverses espèces. 11

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Le Dr Steven Austad, expert de premier plan en recherche sur le vieillissement et la longévité, explique en quoi les études sur les animaux de laboratoire manquent de pertinence dans des conditions réelles. Il souligne que les environnements standardisés des laboratoires ne reproduisent pas les défis naturels auxquels sont confrontés les organismes. Selon lui, plus de 80 % des gènes fonctionnent selon des rythmes circadiens qui ne sont pas simulés en milieu contrôlé. Il préconise donc une refonte majeure de la gestion des colonies animales de recherche afin d’améliorer la transposition des résultats à la santé humaine.

Amélioration des modèles de recherche animale pour les études sur le vieillissement et les maladies humaines

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Études en milieu naturel versus en laboratoire

Le Dr Steven Austad souligne les différences majeures entre les études animales menées en milieu naturel et en laboratoire. Il remet en question la transposition directe des résultats de laboratoire aux diagnostics humains, citant l’exemple de l’accumulation de bêta-amyloïde chez les grands singes. Ces primates développent des plaques amyloïdes similaires à celles observées chez l’humain, mais sans présenter la maladie d’Alzheimer. Cette divergence illustre la complexité de l’extrapolation des modèles animaux à la médecine humaine.

Le Dr Anton Titov a initié cette discussion en interrogeant la corrélation entre les observations animales et leur pertinence pour l’humain. L’échange révèle que les similitudes entre espèces ne suffisent pas à garantir une valeur prédictive pour les maladies humaines, remettant ainsi en cause certains postulats fondamentaux de la recherche biomédicale.

Défis environnementaux en milieu naturel

Les habitats naturels exposent les animaux à des défis absents en laboratoire. Le Dr Steven Austad explique qu’en milieu sauvage, les animaux font face à des extrêmes climatiques, à l’exposition aux pathogènes et à diverses pressions liées à la survie. Ces contraintes naturelles favorisent la sélection de mécanismes de santé et de résilience. Pour survivre à la prédation et aux stress environnementaux, les animaux doivent maintenir un état de santé optimal.

Les animaux de laboratoire, élevés depuis des générations dans un environnement protégé, perdent ces capacités adaptatives. Le Dr Austad note qu’ils ne survivraient pas une journée en conditions naturelles. Cette divergence fondamentale influence l’interprétation des résultats de recherche sur le vieillissement et les maladies.

Rythmes circadiens et expression génique

Le Dr Steven Austad indique que plus de 80 % des gènes suivent des rythmes d’activation circadiens. Ces cycles biologiques sont essentiels au bon fonctionnement physiologique et au maintien de la santé. En milieu naturel, les variations lumineuses et thermiques sont progressives, permettant une synchronisation précise des horloges biologiques et des profils d’expression génique.

En laboratoire, les transitions lumineuses sont brutales et ne reproduisent pas les cycles diurnes naturels. Cet environnement artificiel perturbe les mécanismes de régulation génique, ce qui peut fausser significativement les résultats des études sur le vieillissement et les maladies.

Limites des conditions de laboratoire

Les pratiques standards de laboratoire créent des environnements simplifiés, dépourvus de validité écologique. Le Dr Steven Austad explique que les chercheurs ont historiquement standardisé les conditions pour faciliter l’expérimentation : températures constantes, absence d’agents infectieux, etc. Bien que utiles pour le contrôle des variables, ces pratiques éliminent les facteurs de stress naturels qui influencent la biologie animale.

Les animaux de laboratoire actuels représentent un système biologique très distinct de leurs congénères sauvages. L’entretien avec le Dr Anton Titov explore comment ces conditions artificielles peuvent biaiser les résultats. Sans défis naturels, les animaux de laboratoire ne développent pas les mêmes mécanismes de résilience que les animaux sauvages.

Repenser les modèles de recherche animale

Le Dr Steven Austad appelle à une refonte fondamentale de la gestion des colonies de laboratoire. Il préconise la réintroduction de conditions environnementales réalistes dans les dispositifs expérimentaux, afin de mieux reproduire les défis rencontrés en milieu naturel. De telles modifications pourraient significativement améliorer la valeur translationnelle des études animales pour la médecine humaine.

L’échange avec le Dr Anton Titov souligne la nécessité de modèles de recherche écologiquement valides. Le Dr Austad estime qu’intégrer davantage de réalisme dans les expérimentations est crucial pour une recherche sur le vieillissement pertinente. Ce changement de paradigme pourrait permettre des prédictions plus précises concernant les processus de vieillissement humain et le développement des maladies.

Transcription intégrale

Dr Anton Titov : Professeur Austad, vous menez de nombreuses études à travers les espèces animales et avez publié deux ouvrages sur le vieillissement, la longévité et la santé. Quelle est la fiabilité de la corrélation entre ce que nous observons chez les animaux dans la nature et son applicabilité aux humains ?

Prenons un exemple : la bêta-amyloïde s’accumule chez les grands singes, mais ils ne développent pas la maladie d’Alzheimer, à ma connaissance. Pourtant, nous leur sommes très similaires. Que pensez-vous donc de la pertinence des enseignements tirés des animaux pour les humains ?

Dr Steven Austad : Je pense que nous devons revoir notre approche de la recherche animale. Ce que j’apprécie dans l’étude des animaux en milieu naturel, c’est que la vie sauvage comporte des défis : variations climatiques, exposition aux maladies, et bien d’autres facteurs.

Les animaux survivent dans la nature precisely parce qu’ils sont en bonne santé. Dès que leur santé décline, ils meurent. En laboratoire, nous n’avons aucun de ces effets.

Les animaux de labo ne subissent pas les extrêmes de température. Nous ne leur offrons même pas des rythmes circadiens normaux. Nous savons désormais que plus de 80 % de nos gènes sont régulés par des rythmes circadiens.

Or, en labo, nous éteignons et allumons les lumières brutalement, en supposant reproduire des cycles biologiques naturels. Dans la nature, la lumière change progressivement, de même que la température. Nous ne recréons rien de cela.

Nous évitons aussi les infections dans nos colonies. Certes, standardiser les conditions simplifie les expériences, mais nous devons réintroduire davantage de réalisme.

Les animaux que nous utilisons aujourd’hui—si nous les relâchions dans la nature, ils ne survivraient pas une journée. Ils ont perdu toutes leurs capacités adaptatives. Nous étudions donc un système très différent, qui pourrait ne pas refléter les problèmes du monde réel.

Il est temps de repenser la gestion de nos colonies de laboratoire.