Recommandations d'experts pour la surveillance des tumeurs neuroendocrines : Guide pratique du patient pour le suivi médical

Recommandations d'experts pour la surveillance des tumeurs neuroendocrines : Guide pratique du patient pour le suivi médical

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Ce guide complet transpose les recommandations d'experts pour la surveillance des tumeurs neuroendocrines (TNE) et des carcinomes neuroendocrines (CNE). Un panel international de spécialistes propose des calendriers de suivi détaillés, adaptés au type de tumeur, à sa localisation et à son agressivité, en insistant sur la nécessité d’une surveillance à vie dans des centres spécialisés. Les recommandations incluent les analyses sanguines spécifiques, les examens d’imagerie et les procédures endoscopiques à réaliser à intervalles définis, tout en reconnaissant que des preuves scientifiques robustes sur le suivi optimal font encore défaut.

Recommandations d'experts pour la surveillance des tumeurs neuroendocrines : Guide du patient pour le suivi

Table des matières

Introduction : Pourquoi un suivi spécialisé est essentiel

Les néoplasies neuroendocrines (NNE), qui regroupent les tumeurs neuroendocrines (TNE) et les carcinomes neuroendocrines (CNE), nécessitent une surveillance attentive et à vie par des spécialistes. Ces tumeurs rares peuvent se développer dans divers organes, notamment le système digestif, les poumons et le thymus. Leur comportement étant variable selon leur localisation et leurs caractéristiques, votre suivi doit être adapté à votre situation individuelle.

Cet article traduit les recommandations consensuelles d'experts de la Société européenne des tumeurs neuroendocrines (ENETS) concernant la fréquence de surveillance, les examens nécessaires et la documentation de vos informations. Ces recommandations ont été établies par un panel international de spécialistes réunis à Antibes, France, en 2015, afin de standardiser la prise en charge.

Le panel recommande vivement que le suivi soit effectué dans des centres spécialisés en NNE ou des hôpitaux collaborant étroitement avec eux. L'important n'est pas le type de médecin coordinateur (oncologue, gastro-entérologue, endocrinologue, pneumologue ou chirurgien), mais la participation de spécialistes expérimentés des NNE aux décisions thérapeutiques.

Ce que votre dossier médical doit inclure

Votre dossier médical doit retracer exhaustivement votre parcours depuis le diagnostic jusqu'à toutes les phases de traitement et de surveillance. Cette vision d'ensemble aide votre équipe soignante à prendre les meilleures décisions thérapeutiques. Selon les experts, votre dossier doit inclure :

  • Informations d'identification de base et données démographiques
  • Scores de santé généraux évaluant votre capacité à effectuer les activités quotidiennes
  • Antécédents médicaux détaillés incluant :
    • Début, étendue et sévérité des symptômes spécifiques à la tumeur
    • Syndromes hormonaux le cas échéant
    • Antécédents familiaux et syndromes cancéreux héréditaires
    • Autres cancers éventuels
  • Autres pathologies incluant les maladies rénales et hépatiques
  • Résultats des analyses sanguines pour la chromogranine A et les hormones pertinentes
  • Informations sur la cardiopathie carcinoïde le cas échéant
  • Disponibilité d'échantillons tumoraux et sanguins pour la recherche future

Cette documentation approfondie permet à votre équipe médicale de comprendre les caractéristiques spécifiques de votre tumeur et leur évolution. Elle facilite également la comparaison des données entre centres, améliorant ainsi la prise en charge de tous les patients atteints de tumeurs neuroendocrines.

Comprendre les systèmes de classification tumorale

Votre équipe médicale classera votre tumeur selon plusieurs systèmes déterminant le calendrier de suivi approprié. Ces systèmes incluent :

  • Classification OMS (Organisation mondiale de la santé) - Basée sur la différenciation et le grade tumoral
  • Stadification TNM - Mesure la taille tumorale (T), l'envahissement ganglionnaire (N) et les métastases (M)
  • Recommandations consensuelles de l'ENETS - Spécifiques aux tumeurs neuroendocrines

Le panel note qu'une révision de la classification OMS était attendue peu après ces recommandations, pouvant affiner la distinction entre carcinomes neuroendocrines G3 (CNE G3, peu différenciés) et tumeurs neuroendocrines G3 (TNE G3, bien différenciées). Cette distinction pourrait influencer les décisions thérapeutiques mais ne modifiera probablement pas les recommandations générales de suivi.

Il est important de comprendre que les preuves soutenant des intervalles de suivi spécifiques sont limitées. Ces recommandations représentent le consensus d'experts basé sur leur expérience clinique plutôt que sur des études scientifiques robustes spécifiquement conçues pour déterminer des calendriers de surveillance optimaux.

Calendrier détaillé de suivi par type de tumeur

Les recommandations suivantes fournissent des directives spécifiques selon l'origine et les caractéristiques de votre tumeur. Ces calendriers représentent la surveillance minimale recommandée - votre équipe médicale peut recommander un suivi plus fréquent selon votre situation individuelle.

NNE bronchopulmonaires (poumon) :

  • Carcinoïde typique, réséqué : Suivi tous les 6-12 mois pendant 5-10 ans avec dosage de la chromogranine A, marqueurs hormonaux pertinents, bronchoscopie et scanners TDM/IRM/échographie
  • Carcinoïde typique, avec tumeur résiduelle ou métastases : Surveillance plus intensive tous les 3-6 mois
  • Carcinoïde atypique, réséqué : Suivi tous les 3-6 mois pendant 1-3 ans
  • Carcinoïde atypique, avec tumeur résiduelle ou métastases : Surveillance tous les 3 mois
  • Carcinome neuroendocrine à grandes cellules (CNEGC) : Surveillance la plus intensive tous les 2-3 mois

NNE thymiques :

  • Typique, tout statut : Suivi tous les 6-12 mois
  • Atypique, tout statut : Suivi tous les 3-6 mois
  • Peu différencié : Surveillance la plus intensive tous les 2-3 mois

TNE pancréatiques :

  • Insulinome, réséqué : Suivi unique à 3-6 mois avec glycémie à jeun, insulinémie, peptide C et pro-insuline
  • Insulinome, non réséqué : Suivi tous les 3-6 mois avec les tests ci-dessus plus imagerie
  • Gastrinome : Suivi tous les 3-6 mois avec gastrinémie, B12, calcium et PTH
  • TNE pancréatiques fonctionnelles : Suivi tous les 3-6 mois avec dosages hormonaux pertinents
  • TNE pancréatiques non fonctionnelles : Suivi tous les 3-6 mois
  • CNE/TNE pancréatiques G3 : Surveillance la plus intensive tous les 3 mois

TNE de l'intestin grêle :

  • G1-G2, réséquées à visée curative : Suivi tous les 6-12 mois avec chromogranine A et 5-HIAA
  • G1-G2, avec tumeur résiduelle ou métastases : Suivi tous les 3-6 mois avec surveillance cardiaque supplémentaire en cas de syndrome carcinoïde
  • CNE/TNE G3 : Surveillance la plus intensive tous les 3 mois

Les recommandations fournissent des directives similaires pour les NNE de l'œsophage, de l'estomac, du duodénum, de l'appendice, du côlon, du rectum et les cancers de primitif inconnu. Chaque recommandation spécifique tient compte du grade tumoral, de l'exérèse complète et de la sécrétion hormonale.

Quand une surveillance plus fréquente peut être nécessaire

Votre équipe médicale peut recommander des intervalles de suivi plus courts en présence de facteurs de haut risque. Selon les recommandations, ceux-ci incluent :

  • Tumeurs de haut grade (aspect cellulaire plus agressif)
  • Fort volume tumoral (comme une atteinte hépatique >30% ou des métastases pulmonaires/osseuses)
  • Maladie extensive disséminée
  • Comportement agressif (progression documentée en quelques mois)
  • Symptômes endocriniens sévères non contrôlés
  • Perte de poids significative et détérioration clinique
  • Taux très élevés de chromogranine A (>10 fois la limite supérieure normale)

En cas de telles situations, votre équipe médicale recommandera probablement des tests et une surveillance plus fréquents pour permettre une intervention rapide en cas d'évolution de votre maladie.

Comprendre vos analyses sanguines et marqueurs tumoraux

Plusieurs analyses sanguines et urinaires aident votre équipe médicale à surveiller votre tumeur neuroendocrine. Chacune fournit des informations différentes sur l'état de votre maladie.

Chromogranine A (CgA) : C'est le marqueur tumoral le plus courant et fiable pour les tumeurs neuroendocrines G1 et G2. Cependant, il est important de savoir que :

  • La CgA est souvent normale dans certains types tumoraux (NNE duodénales non fonctionnelles, NNE appendiculaires, petites NNE rectales et insulinomes)
  • Les taux de CgA peuvent refléter la masse tumorale et les changements de charge tumorale
  • Certaines études montrent que la CgA peut avoir une valeur pronostique, notamment pour les NNE de l'intestin grêle
  • Une augmentation de plus de 25% par rapport aux valeurs précédentes justifie un nouveau dosage et éventuellement une imagerie
  • De nombreux facteurs peuvent faussement élever la CgA, dont les inhibiteurs de la pompe à protons, la gastrite atrophique chronique et l'insuffisance rénale ou hépatique
  • Les différents laboratoires utilisent des méthodes de dosage différentes, rendant les comparaisons entre centres difficiles

Chromogranine B (CgB) : Ce marqueur peut être utile pour surveiller les NNE bronchopulmonaires et rectales, mais sa disponibilité est limitée.

Enolase neurospécifique (NSE) : Ce marqueur supplémentaire peut être utile pour les NNE G3 et a montré une valeur pronostique dans les NNE gastroentéropancréatiques.

Acide 5-hydroxyindolacétique (5-HIAA) : Ce test urinaire (recueil des 24 heures) est un marqueur établi pour les tumeurs productrices de sérotonine de l'intestin grêle, de l'appendice et du système bronchopulmonaire, particulièrement en cas de syndrome carcinoïde. De nouveaux tests sanguins pour le 5-HIAA deviennent également disponibles. Considérations importantes :

  • De nombreux aliments peuvent affecter les résultats (avocat, banane, tomate, etc.)
  • Plusieurs médicaments peuvent interférer avec le test (coumarine, paracétamol, phénacétine, aspirine, etc.)
  • Votre équipe médicale fournira des instructions spécifiques sur les restrictions alimentaires et médicamenteuses avant le test

Hormones gastro-intestinales : Pour les tumeurs fonctionnelles (insulinome, gastrinome, etc.), les hormones spécifiques qu'elles produisent servent de marqueurs diagnostiques, bien que leur valeur pronostique soit moins certaine.

NT-pro-Brain Natriuretic Peptide (NT-pro-BNP) : Ce test important aide à surveiller la cardiopathie carcinoïde chez les patients atteints du syndrome carcinoïde. Les experts recommandent un dosage au moins annuel, complété par une échocardiographie ou une IRM cardiaque.

Examens d'imagerie : À quoi s'attendre et quand

L'imagerie joue un rôle crucial dans la surveillance de votre tumeur neuroendocrine. Le type et la fréquence des examens dépendent des caractéristiques spécifiques de votre tumeur.

Pour les tumeurs neuroendocrines G1 et G2, qui croissent généralement lentement, l'imagerie de suivi est généralement réalisée tous les 6-12 mois. Cependant, certains patients peuvent nécessiter une imagerie plus fréquente selon leur situation individuelle. Le calendrier optimal pour l'imagerie continue d'être étudié.

Imagerie en coupe : Cela comprend le scanner, l'IRM et l'échographie abdominale. Ces examens aident votre équipe médicale à visualiser la taille et la localisation de vos tumeurs et à surveiller leur évolution dans le temps.

Imagerie des récepteurs de la somatostatine (IRS) : Cette imagerie spécialisée comprend la TEP au 68Ga-DOTA et la scintigraphie à l'octréotide. Ces examens sont particulièrement utiles car de nombreuses tumeurs neuroendocrines possèdent des récepteurs à la somatostatine, permettant une détection très sensible. L'IRS est recommandée lorsqu'elle était positive au diagnostic et doit être répétée selon votre calendrier de suivi spécifique.

TEP-TDM au FDG : Ce type d'examen a une sensibilité plus élevée que l'IRS pour les patients atteints de carcinomes neuroendocrines de grade 3 et doit être utilisé à la place pour le suivi dans ce groupe. La TEP-TDM au FDG est également fréquemment positive dans les tumeurs G2 agressives avec des index Ki-67 élevés et dans les tumeurs neuroendocrines à croissance rapide.

Votre équipe médicale déterminera le calendrier d'imagerie le plus approprié en fonction du type, du grade et du comportement de votre tumeur. Elle pourra également recommander des procédures supplémentaires comme l'échographie endobronchique (EEB) ou l'échographie endoscopique (EEE) en cas de suspicion de récidive ou de progression.

Implications pour votre prise en charge

Ces recommandations détaillées ont plusieurs implications importantes pour la prise en charge de votre tumeur neuroendocrine :

Premièrement, elles soulignent l'importance d'une prise en charge spécialisée dans des centres expérimentés dans le traitement des tumeurs neuroendocrines. La complexité de ces tumeurs et leur comportement varié exigent une expertise qui n'est pas disponible dans tous les établissements de soins.

Deuxièmement, elles mettent en évidence la nécessité de plans de soins individualisés. Votre calendrier de suivi doit être adapté à votre type de tumeur spécifique, à sa localisation, à son grade et à son comportement, plutôt que de suivre une approche standardisée.

Troisièmement, elles reconnaissent le caractère lifelong de la surveillance des tumeurs neuroendocrines. Même après un traitement réussi, une surveillance continue est généralement recommandée en raison du risque de récidive tardive.

Quatrièmement, elles reconnaissent l'importance des soins multidisciplinaires. Votre équipe médicale devrait inclure des spécialistes de diverses disciplines qui collaborent régulièrement lors de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) pour examiner votre cas et prendre des décisions collectives concernant votre prise en charge.

Enfin, elles fournissent un cadre pour une documentation standardisée qui permet une meilleure communication entre vos professionnels de santé et facilite la recherche pouvant améliorer les soins futurs pour tous les patients atteints de tumeurs neuroendocrines.

Limitations importantes à considérer

Bien que ces recommandations représentent le meilleur consensus d'experts disponible, les patients doivent comprendre plusieurs limitations importantes :

Le panel souligne à plusieurs reprises que « les études fondées sur des preuves pour le suivi font largement défaut ». Cela signifie que ces recommandations sont principalement basées sur l'expérience clinique plutôt que sur des études scientifiques rigoureuses spécifiquement conçues pour déterminer les calendriers de suivi optimaux.

Les recommandations notent que la comparaison des données entre différents centres est souvent difficile en raison du manque de standardisation dans la collecte et la documentation des informations. Cette variabilité peut rendre difficile de tirer des conclusions fermes sur les approches les plus efficaces.

Il existe des variations significatives dans la mesure des marqueurs tumoraux comme la chromogranine A entre différents laboratoires et en utilisant différents kits de test. Cela signifie que les résultats peuvent ne pas être directement comparables si vous changez de centre de traitement ou si votre centre change de méthode de test.

Les implications en termes de ressources et les coûts croissants des systèmes de santé à travers l'Europe ont été pris en compte lors de l'élaboration de ces recommandations. Dans certains cas, des considérations pratiques concernant les coûts des soins de santé peuvent influencer le type de surveillance disponible pour vous.

Ces recommandations excluent spécifiquement le cancer du poumon à petites cellules, car celui-ci est traité dans d'autres recommandations et a été considéré comme hors du cadre de ces préconisations.

Recommandations clés pour les patients

Sur la base de ces recommandations d'experts, voici les préconisations les plus importantes pour les patients atteints de tumeurs neuroendocrines :

  1. Recherchez des soins dans des centres spécialisés expérimentés dans le traitement des tumeurs neuroendocrines, ou assurez-vous que votre hôpital local collabore étroitement avec de tels centres
  2. Assurez une revue multidisciplinaire de votre cas, de préférence par des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) régulières avec des panels d'experts
  3. Suivez le calendrier de surveillance recommandé pour votre type de tumeur spécifique, son grade et son statut
  4. Comprenez vos marqueurs tumoraux et ce qu'ils signifient pour votre situation individuelle
  5. Maintenez des dossiers médicaux complets qui documentent votre parcours depuis le diagnostic à travers toutes les phases du traitement
  6. Signalez rapidement tout nouveau symptôme ou changement de votre état à votre équipe médicale
  7. Renseignez-vous sur les examens d'imagerie appropriés et assurez-vous de comprendre leur objectif et leur calendrier
  8. Soyez conscient que le suivi est généralement lifelong, même après un traitement réussi
  9. Comprenez les limitations des connaissances actuelles sur les stratégies de suivi optimales
  10. Participez à la recherche lorsque possible pour aider à améliorer les soins futurs des patients atteints de tumeurs neuroendocrines

Informations sur la source

Titre original de l'article : ENETS Consensus Recommendations for the Standards of Care in Neuroendocrine Neoplasms: Follow-Up and Documentation

Auteurs : U. Knigge, J. Capdevila, D.K. Bartsch, E. Baudin, J. Falkerby, R. Kianmanesh, B. Kos-Kudla, B. Niederle, E. Nieveen van Dijkum, D. O'Toole, A. Pascher, N. Reed, A. Sundin, M.-P. Vullierme, tous les autres participants à la Conférence de consensus d'Antibes

Publication : Neuroendocrinology 2017;105:310-319

Reçu : 8 novembre 2016

Accepté : 24 janvier 2017

Publication en ligne : 17 février 2017

DOI : 10.1159/000458155

Cet article destiné aux patients est basé sur des recherches évaluées par des pairs et des recommandations de consensus de la Société européenne des tumeurs neuroendocrines (ENETS).