Risque de tempête cytokinique chez les patients hospitalisés présentant de la fièvre. Principe du rasoir d'Ockham (approche diagnostique). 9

Risque de tempête cytokinique chez les patients hospitalisés présentant de la fièvre. Principe du rasoir d'Ockham (approche diagnostique). 9

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Le Dr Randy Cron, MD, expert de renommée mondiale dans les syndromes de tempête cytokinique, décrit les difficultés diagnostiques liées à l'identification de ces tempêtes chez les patients hospitalisés avec de la fièvre. Il explique pourquoi le rasoir d'Occam peut s'avérer trompeur face à ces cas complexes. Le Dr Cron insiste sur l'importance cruciale du dosage sérique de la ferritine, un outil de dépistage simple, rapide et économique. Détecter précocement une complication de tempête cytokinique permet une prise en charge plus rapide et améliore significativement le pronostic des patients.

Diagnostic et prise en charge du syndrome de tempête cytokinique chez les patients hospitalisés

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Défi diagnostique de la tempête cytokinique

Le Dr Randy Cron souligne le risque important que représentent les syndromes de tempête cytokinique, tels que le syndrome d’activation macrophagique, chez les patients fébriles hospitalisés. Il observe que ces états hyperinflammatoires dangereux sont souvent méconnus. Cette méconnaissance pose un problème majeur, car les tempêtes cytokiniques peuvent compliquer le diagnostic principal. Le Dr Cron précise qu’une tempête cytokinique n’est pas un diagnostic isolé, mais une complication grave qui aggrave considérablement l’état des patients.

Limitations du rasoir d’Occam

Le Dr Randy Cron aborde le principe du rasoir d’Occam en diagnostic médical, qui privilégie une explication unique pour l’ensemble des symptômes. Cependant, il souligne une exception cruciale concernant les tempêtes cytokiniques : « Avec les tempêtes cytokiniques, c’est vraiment l’inverse. » Un patient peut présenter une pathologie primaire, comme un sepsis, puis développer secondairement une tempête cytokinique. Cette complexité exige des médecins qu’ils envisagent plusieurs diagnostics chez les patients gravement malades.

Déclencheurs et pathologies courants

Le Dr Cron détaille la grande variété de pathologies pouvant déclencher une tempête cytokinique. Les infections, notamment celles causées par des pathogènes intracellulaires comme les virus, sont des déclencheurs fréquents. La famille des herpèsvirus, incluant le virus d’Epstein-Barr, est particulièrement associée aux tempêtes cytokiniques. Les virus des fièvres hémorragiques, tels que ceux de la dengue et d’Ebola, sont également connus pour les provoquer. Au-delà des infections, certaines hémopathies malignes comme les leucémies et les lymphomes peuvent en être à l’origine.

En rhumatologie, l’arthrite juvénile idiopathique systémique et son équivalent chez l’adulte, la maladie de Still, sont fortement liés aux tempêtes cytokiniques. Le lupus érythémateux systémique est un autre déclencheur fréquent, surtout au moment du diagnostic initial. Le Dr Cron souligne que ces tempêtes peuvent survenir dans presque toutes les pathologies rhumatologiques.

Dosage de la ferritine et dépistage

Le Dr Randy Cron préconise le dosage de la ferritine sérique comme outil de dépistage essentiel. Il le qualifie de « test simple, peu coûteux et relativement rapide ». Pour tout patient hospitalisé avec de la fièvre, il estime ce dosage indispensable. Bien que peu spécifique à des niveaux modérés, il devient très spécifique lorsque les valeurs sont extrêmement élevées. Le Dr Cron affirme : « Si votre ferritine dépasse 10 000… vous avez probablement une tempête cytokinique. »

Il recommande ce test même lorsque la raison principale de l’hospitalisation est connue. Un taux normal de ferritine permet d’exclure une tempête cytokinique, tandis qu’un taux élevé justifie des investigations complémentaires. Cette étape simple est un élément clé du bilan des patients gravement malades.

Identification précoce et traitement

Le Dr Cron insiste sur l’importance cruciale d’une reconnaissance précoce : « Plus vous traitez la tempête cytokinique tôt, en l’identifiant et en la prenant en charge, meilleur est le pronostic des patients. » Identifier la tempête permet aux cliniciens de cibler cette complication. Le traitement doit également s’attaquer au déclencheur sous-jacent, comme une infection ou un cancer, lorsqu’il est identifié.

Le Dr Cron conclut que cette approche proactive relève de la sécurité des patients. Utiliser un test accessible et universel comme la ferritine peut grandement améliorer le pronostic des patients les plus graves en réanimation. Cette stratégie peut sauver des vies en prévenant une réponse hyperinflammatoire fatale.

Transcript intégral

Dr Anton Titov : Vous avez écrit dans l’un de vos articles que les patients hospitalisés avec de la fièvre présentent un risque particulier de syndrome d’activation macrophagique, une tempête cytokinique. Pourquoi cela ?

Dr Randy Cron : Ils ne sont pas nécessairement plus à risque, mais je vois les choses ainsi : beaucoup de personnes développent des tempêtes cytokiniques, mais celles-ci passent inaperçues.

Comme souvent en médecine, nous cherchons un diagnostic unique sous-jacent, selon le principe du rasoir d’Occam. Face à trois ou quatre systèmes atteints, ou à des anomalies biologiques ou d’imagerie, on veut une explication unique à l’état du patient.

Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas avoir un rhume et se casser un orteil en même temps, n’est-ce pas ? On peut enfreindre ce principe, mais il reste généralement valable.

Dr Randy Cron : C’est une bonne approche, car si quelqu’un arrive en crachant du sang et avec une insuffisance rénale, on ne veut pas poser deux diagnostics. On préfère identifier une vascularite causant une inflammation pulmonaire et rénale, par exemple. Sinon, on risque de se tromper.

Avec les tempêtes cytokiniques, c’est l’inverse. Vous pouvez avoir une infection grave, un sepsis avec bactéries dans le sang, qui vous mène en réanimation. Un sous-groupe de ces patients—nous ignorons sa taille exacte—développera une tempête cytokinique.

Peut-être existe-t-il une prédisposition génétique expliquant pourquoi certains sont touchés et d’autres non. Ce n’est pas un diagnostic en soi, mais une entité qui peut survenir, comme le sepsis lui-même complique une infection bactérienne.

Si on la considère comme une complication aggravant diverses pathologies, et qu’on la reconnaît, il faut la traiter. Bien sûr, il est crucial de traiter le déclencheur sous-jacent, si possible. Parfois, on ne le peut pas.

Dr Randy Cron : Mais il faut aussi traiter la tempête cytokinique si le traitement du déclencheur seul ne suffit pas. On observe souvent cela en réanimation, car ces patients sont plus gravement atteints que ne le voudrait leur pathologie initiale.

Dr Randy Cron : Les contextes sont variés : infections, surtout dues à des pathogènes intracellulaires ou à des virus.

Dr Randy Cron : D’autres microbes peuvent aussi en être responsables. Certains virus, comme ceux de la famille herpès, dont Epstein-Barr—responsable de la mononucléose—, sont tristement célèbres pour cela. Les virus des fièvres hémorragiques, comme Ebola ou la dengue—qui infecte jusqu’à 100 millions de personnes par an, surtout en Asie du Sud-Est—, provoquent aussi des tempêtes cytokiniques chez certains patients.

Les infections sont donc des déclencheurs très fréquents, tout comme certaines hémopathies malignes—leucémies, lymphomes—ou même leurs traitements, qui peuvent induire un syndrome de libération cytokinique. Le cancer lui-même peut la déclencher.

En rhumatologie, l’arthrite juvénile idiopathique systémique et son équivalent adulte, la maladie de Still, sont notoires. Chez l’adulte, le lupus érythémateux systémique est fréquemment en cause.

Dr Randy Cron : On peut observer cela dans presque toutes les pathologies rhumatologiques, mais le lupus est un déclencheur assez courant, surtout au diagnostic. C’est à ce moment que la tempête cytokinique est la plus susceptible de survenir.

Elle peut être trompeuse, car souvent les lignées cellulaires chutent—plaquettes, globules blancs, globules rouges.

Dr Randy Cron : Mais cela peut aussi arriver dans un lupus sévère. Si on n’y pense pas, on peut manquer la tempête cytokinique, surtout chez les patients les plus graves, souvent en réanimation.

Bref, c’est un long détour pour répondre à votre question.

Dr Randy Cron : À mon avis, la ferritine est un test si simple, peu coûteux, avec un délai de rendu rapide, que c’est un excellent dépistage. Il n’est pas très spécifique à des niveaux modérés, mais le devient à des valeurs très élevées. Au-delà de 10 000, par exemple, dans un contexte fébrile.

Si vous n’avez pas de maladie hépatique sous-jacente ou n’avez pas reçu de multiples transfusions—qui peuvent aussi augmenter la ferritine—, et que votre ferritine dépasse 10 000 avec de la fièvre justifiant une hospitalisation, vous avez probablement une tempête cytokinique. Les faux positifs sont rares.

Dr Randy Cron : Quoi qu’il en soit, si vous êtes suffisamment malade pour être hospitalisé avec de la fièvre, quelle que soit la pathologie, vous méritez un dosage de ferritine. C’est peu coûteux, facile. Si elle est basse, tant mieux. On peut l’écarter, et la répéter si l’état s’aggrave.

Si elle est élevée, il faut y penser. Car, encore une fois, plus on identifie et traite tôt la tempête cytokinique, meilleur est le pronostic. Voilà ma position.

C’est un test simple, disponible presque partout dans le monde, avec des résultats rapides.

Si vous êtes hospitalisé avec de la fièvre, même si la cause est connue—car cela peut compliquer n’importe quelle pathologie—, dosez la ferritine. Si elle est normale, parfait. Sinon, explorez plus avant, avec d’autres tests pour confirmer ou infirmer le diagnostic.

Ensuite, il faut décider si on initie un traitement, ce qui ouvre une autre voie.