Le Dr Stephen Evans, MD, expert de renommée internationale en sécurité vaccinale et effets non spécifiques des vaccins, décrypte les preuves complexes qui sous-tendent l’utilisation potentielle de vaccins existants comme le BCG et le polio contre le COVID-19. Il expose les défis liés à l’interprétation des données observationnelles issues de pays à revenu faible ou intermédiaire. Le Dr Evans insiste sur la nécessité absolue de mener des essais contrôlés randomisés à grande échelle pour confirmer tout effet protecteur avéré. Il met en garde contre le fait que la pathologie singulière du COVID-19 pourrait ne pas répondre aux vaccins reconnus pour leur efficacité contre d’autres infections respiratoires. En conclusion, il affirme qu’à ce jour, aucune preuve solide n’indique que ces vaccins modifient l’évolution de la maladie.
Effets non spécifiques des vaccins sur la COVID-19 : BCG, polio et ROR
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- Effets non spécifiques des vaccins expliqués
- Vaccin BCG et COVID-19
- Défis des études observationnelles
- Complexité de la maladie COVID-19
- Nécessité d'essais randomisés
- Transcription intégrale
Effets non spécifiques des vaccins expliqués
Le docteur Stephen Evans, médecin, confirme que les vaccins peuvent avoir des effets qui dépassent la maladie ciblée. On parle alors d’effets non spécifiques. Il cite l’efficacité inattendue du vaccin BCG contre certaines formes de cancer de la vessie comme illustration marquante de ce phénomène. Cette stimulation immunitaire large constitue le fondement des recherches sur l’utilisation de vaccins comme le BCG, la polio et le ROR contre la COVID-19.
Vaccin BCG et COVID-19
Des données précoces issues d’études sur les nouveau-nés ont montré que les vaccinations par le BCG et le vaccin polio réduisaient la mortalité due à des infections non liées, comme la pneumonie et la septicémie. Le docteur Stephen Evans souligne un détail crucial tiré de ses propres travaux : ces baisses de mortalité survenaient surtout dans les trois premières semaines suivant la vaccination. Cette rapidité interroge sur la nature de l’effet observé. De plus, une analyse récente menée en Israël a montré que la vaccination infantile par le BCG n’entraînait aucune différence du risque d’infection par la COVID-19 chez les jeunes adultes.
Défis des études observationnelles
Un obstacle majeur dans ce domaine de recherche réside dans l’interprétation des données observationnelles. Le docteur Stephen Evans explique que dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les enfants recevant certaines combinaisons vaccinales ne sont pas choisis au hasard. Cela introduit un risque important de biais de sélection. Il indique qu’il est très difficile de distinguer un véritable effet vaccinal des différences intrinsèques entre enfants vaccinés et non vaccinés. Comme les programmes de vaccination infantile sont très efficaces, le petit groupe non vacciné est souvent fondamentalement différent, ce qui rend les comparaisons peu fiables.
Complexité de la maladie COVID-19
Le docteur Stephen Evans souligne que la COVID-19 est une maladie particulièrement complexe. Elle n’affecte pas seulement les poumons, mais aussi la paroi des vaisseaux sanguins et provoque des troubles de la coagulation inhabituels. Le virus a un impact notable dans le nez, avec une perte soudaine du goût ou de l’odorat comme symptôme clinique clé. Un vaccin efficace contre des affections pulmonaires plus simples, comme la pneumonie, pourrait ne pas l’être contre la COVID-19 en raison de sa pathologie multifacette. Le docteur Evans explique que cette complexité rend incertain le résultat de l’utilisation d’autres vaccins.
Nécessité d'essais randomisés
Le docteur Evans est clair : des essais contrôlés randomisés de grande envergure sont essentiels pour obtenir des preuves convaincantes. Il estime que les études observationnelles sont très difficiles à interpréter seules. Bien qu’il reconnaisse que des essais sur des vaccins existants contre la COVID-19 sont en cours, il indique qu’aucune preuve solide n’en est encore tirée. Le docteur Stephen Evans conclut qu’en l’absence de données issues d’essais appropriés, la communauté médicale ne peut confirmer l’ampleur réelle de ces effets non spécifiques.
Transcription intégrale
Dr. Anton Titov, médecin : COVID-19 et effets non spécifiques du vaccin BCG et du vaccin contre la poliomyélite. Professeur Evans, l’un de vos domaines d’expertise est l’évaluation des effets non spécifiques des vaccins. Vous avez été membre du Comité consultatif mondial de l’OMS pour la sécurité des vaccins ; vous avez travaillé à l’Agence britannique de contrôle des médicaments et traité des préoccupations majeures en matière de sécurité vaccinale.
C’est un sujet très actuel : la capacité potentielle du vaccin BCG—vaccin contre la tuberculose—et du vaccin contre la poliomyélite à stimuler le système immunitaire inné en général, et peut-être à réduire les risques d’infection par le coronavirus de la COVID-19.
La base de ces espoirs repose sur des données d’études sur la vaccination des nouveau-nés avec le vaccin BCG, et aussi avec le vaccin contre la poliomyélite et éventuellement avec le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole). Elles ont montré que la vaccination diminuait la mortalité due à des virus respiratoires non liés, à la pneumonie et à la septicémie, souvent de manière substantielle.
Mais le plus intéressant, dans l’un de vos articles, vous avez publié que les réductions de mortalité survenaient surtout dans les trois premières semaines après la vaccination. Ces résultats pourraient indiquer qu’il s’agit d’une sorte d’erreur statistique plutôt que d’effets réellement observés, car les enfants auraient pu être sélectionnés pour ou contre la vaccination.
Il est d’ailleurs très intéressant qu’une analyse récente en Israël montre que la vaccination infantile par le BCG n’a eu aucune influence sur les risques d’infection par le coronavirus de la COVID-19 chez les jeunes adultes. Cela ne nous renseigne donc pas sur le fait qu’une vaccination récente des adultes avec le vaccin BCG ou le vaccin contre la poliomyélite pourrait aider à réduire les risques d’infection par la COVID-19.
Quelles sont vos réflexions sur les effets non spécifiques du vaccin BCG, du vaccin antipoliomyélitique oral ou injectable, et éventuellement du vaccin ROR, pour prévenir d’autres infections respiratoires et peut-être réduire le risque d’infection par la COVID-19 ?
Dr. Stephen Evans, médecin : Comme je l’ai dit précédemment, je ne suis pas virologue, donc je ne peux pas donner d’opinion en tant que tel. Ce que je peux dire, c’est que nous savons que les vaccins peuvent avoir des effets généraux sur l’organisme qui vont au-delà de la simple action contre le virus ou autre maladie que le vaccin est censé traiter.
De tels effets non spécifiques peuvent survenir. L’une des choses fascinantes est que le BCG est efficace contre certaines formes de cancer, notamment le cancer de la vessie. Ils peuvent donc avoir des effets qui nous surprennent.
Le problème est que lorsque nous réalisons des études observationnelles sur ce sujet, particulièrement avec des enfants de pays à revenu faible ou intermédiaire, les enfants qui reçoivent certaines combinaisons de vaccins ne les reçoivent pas au hasard. Il est très difficile de distinguer ce qui est un effet véritable de ce qui relève simplement d’un biais de sélection chez ceux qui sont vaccinés.
Donc l’un de nos problèmes est que si nous ne réalisons pas des essais suffisamment larges, nous ne pouvons pas déterminer combien de ces effets non spécifiques sont réels et combien ne le sont pas.
Pour ce qui est d’évaluer l’effet du vaccin BCG et d’une série de vaccins infantiles sur la COVID-19, nous avons souvent un problème majeur car les programmes de vaccination infantile dans de nombreux pays sont extraordinairement efficaces. Une large proportion des enfants reçoivent effectivement ces vaccins.
Les enfants qui ne les reçoivent pas sont vraiment très différents. Essayer de démêler les différences entre les enfants qui ont été vaccinés et ceux qui ne l’ont pas été est très, très difficile.
Je pense donc que les études observationnelles sont assez difficiles à interpréter. Mais certainement, jusqu’à présent, nous n’avons aucune preuve solide que l’administration de ces autres vaccins ait un effet sur la COVID-19.
L’un des problèmes, comme je l’ai dit plus tôt, est que la COVID-19 semble être une maladie très complexe. Elle n’affecte pas seulement les poumons, mais semble affecter la paroi des vaisseaux sanguins. Elle entraîne des effets plutôt étranges sur la coagulation.
Nous ne savons pas à quel point il sera facile d’éliminer le virus du nez, même avec des vaccins. Nous savons déjà que le test le plus sensible et le meilleur pour la COVID-19 en termes de symptômes cliniques—plutôt que de pouvoir mesurer directement le virus—est une perte soudaine du goût ou de l’odorat.
Le virus a manifestement un effet dramatique dans le nez. Que nous puissions y faire face avec un vaccin, nous l’ignorons simplement.
Un certain nombre de vaccins suggérés comme bénéfiques contre la pneumonie ou d’autres maladies pulmonaires simples pourraient—même s’ils étaient efficaces contre ces maladies—ne pas l’être contre la COVID-19.
Nous devons donc réaliser des essais. Je crois qu’il existe certains essais sur d’autres vaccins déjà existants contre la COVID-19, mais nous n’en avons encore aucune preuve convaincante.