Cette étude a évalué si la rapamycine pouvait améliorer les résultats de la fécondation in vitro (FIV) chez les femmes atteintes d’endométriose, en réduisant les marqueurs de vieillissement cellulaire et le stress oxydatif ovarien. Les chercheurs ont comparé 168 patientes ayant effectué deux cycles de FIV, dont 80 ont reçu de la rapamycine pendant trois mois avant leur deuxième cycle. Les résultats montrent que le groupe sous rapamycine a obtenu un taux de grossesse clinique de 46,2 % contre 30,7 % chez les patientes non traitées, un taux d’implantation de 38,8 % contre 25,4 %, et des taux d’accouchement vivant significativement plus élevés, sans anomalies fœtales. Bien que prometteurs, ces résultats doivent être confirmés par des essais randomisés de plus grande ampleur avant que ce traitement puisse être recommandé en routine.
La rapamycine peut-elle améliorer le succès de la FIV chez les femmes atteintes d’endométriose ?
Table des matières
- Contexte/Introduction
- Méthodes de l’étude
- Principaux résultats
- Implications cliniques
- Limites
- Recommandations
- Informations sur la source
Contexte/Introduction
L’endométriose touche environ 15 % des femmes en âge de procréer et est responsable de la moitié des cas d’infertilité nécessitant une assistance médicale à la procréation. Cette pathologie est souvent associée à des taux de grossesse plus faibles et à un risque accru de fausse couche lors des traitements de FIV. Les chercheurs estiment que la mauvaise qualité ovocytaire observée chez ces patientes pourrait être liée au stress oxydatif – un déséquilibre dans lequel les molécules nocives d’oxygène réactif dépassent les défenses antioxydantes de l’organisme au niveau pelvien.
Lorsque le stress oxydatif endommage les cellules ovariennes, il peut déclencher une sénescence cellulaire – un état où les cellules cessent de se diviser tout en restant métaboliquement actives. Des études récentes suggèrent que ce vieillissement cellulaire joue un rôle clé dans l’infertilité liée à l’endométriose. La rapamycine, un médicament approuvé par la FDA et habituellement utilisé pour d’autres indications, inhibe une voie cellulaire appelée mTOR, associée aux mécanismes de vieillissement. Des études animales ont indiqué que la rapamycine pourrait améliorer les issues reproductives en réduisant le stress oxydatif et la sénescence cellulaire dans l’endométriose.
Cette étude visait spécifiquement à déterminer si un traitement de courte durée par rapamycine avant la FIV pouvait : 1) réduire les marqueurs de stress oxydatif dans le liquide folliculaire (entourant les ovocytes en développement) ; 2) diminuer les marqueurs de vieillissement cellulaire ; et 3) améliorer les taux de succès de la FIV chez des patientes atteintes d’endométriose ayant déjà connu des échecs de FIV.
Méthodes de l’étude
Les chercheurs ont réalisé une analyse rétrospective portant sur 168 femmes atteintes d’endométriose à l’Hôpital Dongguan Donghua en Chine, entre février 2021 et août 2022. Toutes les participantes ont effectué deux cycles consécutifs de FIV et répondaient à des critères stricts :
- Âgées de moins de 40 ans
- Diagnostic de kystes endométriosiques ovariens de moins de 4 cm
- Antécédent d’échec de FIV (aucun accouchement vivant)
- Réserve ovarienne normale (AMH >1,1 ng/ml, >6 follicules antraux)
- Aucune autre anomalie utérine ou problème de santé
Les patientes ont été réparties en deux groupes :
- Groupe traitement (80 femmes) : ont reçu 2 mg de rapamycine par voie orale quotidiennement pendant 3 mois avant leur deuxième cycle de FIV
- Groupe non traité (88 femmes) : n’ont reçu aucun traitement entre les cycles
Les chercheurs ont comparé les résultats des deuxièmes cycles entre les groupes, ainsi que les résultats des premier et deuxième cycles pour chaque patiente. Ils ont mesuré des biomarqueurs clés dans le liquide folliculaire prélevé lors de la ponction ovocytaire chez 60 patientes (28 du groupe traitement, 32 du groupe non traité) :
- Marqueurs de stress oxydatif : 8-OHdG et MDA (indicateurs de dommages)
- Marqueurs antioxydants : SOD et GSH-Px (indicateurs de protection)
- Marqueurs de vieillissement cellulaire : protéines p16 et p21 (indicateurs de sénescence)
Les protocoles de FIV ont été standardisés pour toutes les participantes, avec une down-regulation hypophysaire longue et un dosage hormonal individualisé. Les issues de grossesse ont été suivies jusqu’à l’accouchement, avec comme critères de succès :
- Réponse ovarienne (nombre d’ovocytes recueillis, durée de stimulation)
- Taux de fécondation
- Taux d’implantation (nombre de cœurs fœtaux visualisés par embryon transféré)
- Taux de grossesse clinique (confirmée par échographie)
- Taux d’accouchement vivant
L’analyse statistique a utilisé des tests t et des tests du chi carré avec le logiciel SPSS, en considérant les résultats significatifs pour p<0,05.
Principaux résultats
L’étude a mis en évidence des résultats significatifs dans plusieurs domaines :
Marqueurs de stress oxydatif
Dans le liquide folliculaire du deuxième cycle de FIV :
- Le groupe rapamycine a présenté 32 % de 8-OHdG en moins (marqueur de dommage) par rapport au groupe non traité (p<0,01)
- 29 % de MDA en moins (marqueur de dommage) par rapport au groupe non traité (p<0,01)
- 41 % de SOD en plus (antioxydant) par rapport au groupe non traité (p<0,001)
- 37 % de GSH-Px en plus (antioxydant) par rapport au groupe non traité (p<0,001)
En comparant les cycles des mêmes patientes :
- Les utilisatrices de rapamycine ont montré des améliorations significatives pour tous les marqueurs de stress oxydatif entre les cycles (p<0,01)
- Les patientes non traitées n’ont présenté aucun changement significatif entre les cycles
Marqueurs de vieillissement cellulaire
Dans le liquide folliculaire du deuxième cycle de FIV :
- Le groupe rapamycine avait 35 % de p16 en moins (marqueur de sénescence) par rapport au groupe non traité (p<0,001)
- 38 % de p21 en moins (marqueur de sénescence) par rapport au groupe non traité (p<0,001)
Dans le groupe rapamycine, ces marqueurs ont significativement diminué entre le premier et le deuxième cycle (p<0,001), tandis qu’aucun changement n’a été observé chez les patientes non traitées.
Résultats des cycles de FIV
Comparaison des deuxièmes cycles entre les groupes :
Mesure des résultats | Groupe rapamycine (n=80) | Groupe non traité (n=88) | Significativité statistique |
---|---|---|---|
Jours de stimulation | 10,32 jours | 12,96 jours | p<0,001 |
Dose hormonale totale | 2461,61 UI | 3119,67 UI | p<0,001 |
Ovocytes recueillis | 10,45 | 8,25 | p<0,001 |
Ovocytes matures | 9,46 | 6,38 | p<0,001 |
Taux de fécondation | 81,8 % | 75,8 % | p=0,008 |
Taux d’implantation | 38,8 % | 25,4 % | p=0,034 |
Taux de grossesse clinique | 46,2 % | 30,7 % | p=0,038 |
Issues de grossesse
Pour les deuxièmes cycles de FIV :
- Le taux d’accouchement vivant était significativement plus élevé dans le groupe rapamycine (p=0,003)
- Aucune fausse couche précoce n’est survenue dans les grossesses sous rapamycine, contre 22,2 % dans le groupe non traité
- 36 bébés sont nés dans le groupe rapamycine (34 singletons + 2 jumeaux) contre 19 dans le groupe non traité
- Aucune anomalie structurelle n’a été observée chez les nouveau-nés des deux groupes
Implications cliniques
Pour les femmes atteintes d’endométriose suivant un traitement de FIV, ces résultats suggèrent que :
- Un traitement de courte durée par rapamycine pourrait améliorer la qualité ovocytaire en réduisant les dommages oxydatifs et le vieillissement cellulaire au niveau ovarien
- Les patientes pourraient nécessiter moins de médicaments de stimulation (2461 UI contre 3119 UI) et des cycles de traitement plus courts (10,3 contre 13 jours)
- Des augmentations cliniquement significatives des taux de grossesse sont possibles – l’augmentation absolue de 15,5 % du taux de grossesse clinique pourrait se traduire par une grossesse supplémentaire pour 6 à 7 patientes traitées
- L’amélioration significative des taux d’accouchement vivant suggère un potentiel de succès après des échecs de FIV antérieurs
Les modifications biologiques observées – réduction des marqueurs de stress oxydatif (8-OHdG, MDA) et de vieillissement cellulaire (p16, p21), parallèlement à une augmentation de l’activité antioxydante (SOD, GSH-Px) – offrent une explication plausible de l’amélioration de la qualité ovocytaire sous rapamycine chez les patientes atteintes d’endométriose.
Limites
Bien que prometteuse, cette étude présente d’importantes limites :
- Non randomisée : Les patientes ont choisi elles-mêmes de recevoir ou non la rapamycine, ce qui peut introduire un biais de sélection
- Diversité limitée : Toutes les participantes étaient des femmes chinoises recrutées dans un seul hôpital
- Analyse du liquide folliculaire : Disponible pour seulement 35,7 % des participantes (60/168)
- Suivi court : Les effets à long terme de la rapamycine sur les enfants n’ont pas été documentés
- Aucune variation de dosage : Toutes les patientes traitées ont reçu la même dose quotidienne de 2 mg
- Population spécifique : Exclusion des femmes de plus de 40 ans, celles avec une faible réserve ovarienne ou d’autres problèmes reproductifs
Plus important encore, cette étude montre une association mais ne peut prouver de causalité entre la rapamycine et l’amélioration des résultats. La période de prétraitement de 3 mois coïncide avec la variabilité naturelle entre les cycles, qui n’a pas été contrôlée chez les patientes non traitées.
Recommandations
Sur la base de ces résultats, les patientes atteintes d’endométriose envisageant une FIV devraient :
- Discuter des tests de l’environnement ovarien : Demander à leur endocrinologue reproducteur un dosage des marqueurs de stress oxydatif ou de sénescence en cas d’échecs de FIV antérieurs
- Envisager la recherche sur la rapamycine : Se renseigner sur les essais cliniques évaluant le prétraitement par rapamycine en cas d’échecs de FIV liés à l’endométriose
- Demander des protocoles individualisés : Interroger sur la possibilité d’adapter les protocoles de stimulation en fonction des niveaux de stress oxydatif
- Surveiller les preuves émergentes : Suivre les résultats des essais randomisés de plus grande ampleur avant de considérer un traitement par rapamycine hors AMM
- Aborder les facteurs liés au mode de vie : Bien que non étudiés ici, la réduction générale du stress oxydatif par l’alimentation, l’arrêt du tabac et la gestion du stress peut être bénéfique
Les chercheurs recommandent spécifiquement que les patientes ne recherchent pas de traitement par rapamycine en dehors des essais cliniques avant que des études prospectives randomisées ne confirment ces résultats.
Informations sur la source
Titre de l’article original : A cohort study on IVF outcomes in infertile endometriosis patients: the effects of rapamycin treatment
Auteurs : Jiao Fan, Cuina Chen, Yiping Zhong
Institutions : Obstetrics and Gynecology Hospital of Fudan University, Dongguan Donghua Hospital, The First Affiliated Hospital of Sun Yat-sen University
Publication : Reproductive Biomedicine Online, Volume 48, Issue 1, 2024
DOI : https://doi.org/10.1016/j.rbmo.2023.103319
Cet article adapté aux patientes est basé sur une recherche évaluée par des pairs et conserve tous les points de données originaux, les résultats statistiques et les issues cliniques de la publication source.