Le vieillissement est facile à ralentir, mais difficile à expliquer. Est-il un phénomène adaptatif dans l’évolution ?

Le vieillissement est facile à ralentir, mais difficile à expliquer. Est-il un phénomène adaptatif dans l’évolution ?

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Le Dr Brian Kennedy, éminent spécialiste en biologie du vieillissement, présente les théories évolutionnistes expliquant ce processus. Il souligne comment la pression de sélection naturelle s’affaiblit après 40 ans, favorisant l’émergence de maladies liées à l’âge. Le Dr Kennedy indique que, chez les organismes modèles, retarder le vieillissement s’avère étonnamment simple. Certaines interventions permettent d’allonger à la fois la longévité et la période de vie en bonne santé. Le défi actuel consiste à élucider les mécanismes sous-jacents à ces effets.

Comprendre l'évolution du vieillissement et les stratégies pour une longévité en bonne santé

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Théories évolutionnistes du vieillissement

Le Dr Brian Kennedy, MD, échange avec le Dr Anton Titov, MD, sur les théories du vieillissement les mieux étayées. Les études évolutionnistes offrent l’éclairage le plus instructif sur ses causes. Un concept clé est la rupture de la sélection naturelle, qui intervient lorsque la contribution d’un individu à la fitness diminue avec l’âge.

Le Dr Brian Kennedy, MD, précise qu’au-delà d’un certain âge, les personnes n’ont généralement plus d’enfants ou ne les élèvent plus. Cette réalité historique a des implications profondes sur les forces qui façonnent notre biologie.

Déclin de la pression sélective et apparition des maladies

Le déclin de la pression sélective joue un rôle crucial dans le processus de vieillissement. Le Dr Brian Kennedy, MD, souligne qu’historiquement, il y a eu moins de pression pour maintenir les personnes âgées en bonne santé. Cette absence de contrainte évolutionniste permet aux systèmes biologiques de se dégrader progressivement.

Le Dr Kennedy indique une chronologie précise pour ce phénomène : la pression sélective baisse significativement après environ 40 ans. Ce déclin coïncide directement avec l’apparition de modifications visibles liées à l’âge et marque le début des affections chroniques qui en découlent.

Théorie de la pléiotropie antagoniste

Le Dr Brian Kennedy, MD, explore avec le Dr Anton Titov, MD, le concept de pléiotropie antagoniste. Cette théorie suggère que certaines mutations génétiques peuvent être bénéfiques tôt dans la vie, mais comportent un coût qui se manifeste plus tard. Le bénéfice en termes de survie et de reproduction chez les jeunes l’emporte sur les effets néfastes chez les personnes âgées.

Cela crée un compromis évolutionniste. Le Dr Kennedy évoque également d’autres points de vue : certains chercheurs voient le vieillissement comme un processus programmé pour éliminer les populations âgées, ou comme une conséquence d’autres pressions évolutionnistes.

Le paradoxe de l'intervention sur le vieillissement

Un paradoxe fascinant émerge dans la recherche sur le vieillissement, comme le décrit le Dr Brian Kennedy, MD. Lorsqu’il est entré dans ce domaine vers 1990, l’hypothèse courante était que comprendre le vieillissement serait plus facile que d’y intervenir. La réalité s’est avérée inverse.

Le Dr Brian Kennedy, MD, explique que la compréhension du vieillissement est extrêmement complexe, mais qu’intervenir pour en retarder les effets est étonnamment réalisable. Il utilise une analogie parlante : améliorer un système semi-dysfonctionnel, comme une vieille voiture, est plus facile que d’optimiser un système parfait. Le vieillissement représente cet état biologique semi-dysfonctionnel, ce qui en fait une cible accessible pour l’amélioration.

Prolongation de la santé et de la longévité

De nombreuses interventions retardent désormais avec succès le vieillissement chez les organismes modèles. Le Dr Brian Kennedy, MD, souligne ces avancées prometteuses. Ces interventions ne font pas que prolonger la longévité ; elles améliorent surtout la qualité de vie, ce qu’on appelle la santé.

Elles préviennent ou retardent ainsi l’apparition des maladies liées à l’âge. Une seule mutation génétique ou un seul médicament peut souvent produire des effets significatifs, précisément parce que le vieillissement n’est pas soumis à une forte pression sélective d’optimisation. L’objectif est d’appliquer ces découvertes pour favoriser une longévité en bonne santé chez l’humain.

Avenir de la recherche sur le vieillissement

Le domaine évolue grâce à ces découvertes. Le Dr Brian Kennedy, MD, explique le nouveau défi : comprendre pourquoi ces interventions fonctionnent si efficacement. La facilité à retarder le vieillissement suggère l’existence de voies biologiques fondamentales modulables.

Le Dr Anton Titov, MD, anime cette discussion sur l’orientation future de la géroscience. La conversation porte un message d’espoir : les processus biologiques du vieillissement, bien que complexes, ne sont pas immuables. Ils peuvent être ciblés à des fins thérapeutiques pour améliorer la santé humaine au cours du vieillissement.

Transcript intégral

Dr. Anton Titov, MD: Le vieillissement est-il un trait adaptatif ? Il existe plusieurs théories du vieillissement. Quelle est celle qui bénéficie du plus de soutien aujourd’hui ?

Dr. Brian Kennedy, MD: Je pense que les études sur l’évolution sont les plus instructives. On observe une rupture de la sélection naturelle avec un déclin de la fitness. Lorsque les personnes atteignent un certain âge, elles n’ont plus d’enfants ou ne les élèvent plus. Historiquement, il y a eu moins de pression sélective pour maintenir ces personnes en bonne santé.

La question est de savoir si les systèmes se dégradent simplement en l’absence de cette pression, ou si un phénomène comme la pléiotropie antagoniste entre en jeu. Certaines mutations vous maintiennent en meilleure santé lorsque vous êtes jeune, et le coût est un dysfonctionnement plus tard dans la vie.

D’autres considèrent le vieillissement comme un programme destiné à éliminer la population âgée, ou comme une conséquence d’autres pressions. Le débat reste ouvert.

Il est cependant clair que la pression sélective décline après environ 40 ans. C’est à peu près à ce moment qu’apparaissent les modifications liées à l’âge et les affections chroniques qui en découlent.

Dr. Anton Titov, MD: Dans certaines de vos publications, vous avez mentionné que, malgré le processus naturel de vieillissement, plusieurs programmes peuvent être facilement activés en modifiant un ou quelques groupes de gènes. Le vieillissement n’est donc pas nécessairement absolument programmé par l’évolution.

Dr. Brian Kennedy, MD: Oui, ce qui est frappant, c’est qu’à mon entrée dans le domaine vers 1990, la plupart des experts auraient dit qu’en 2020, nous en saurions beaucoup sur le vieillissement, mais qu’il serait très difficile d’y intervenir chez l’humain en raison de sa complexité. Or, nous avons appris qu’il est vraiment difficile de comprendre le vieillissement, mais étonnamment facile d’agir sur lui.

Il existe désormais de nombreuses interventions qui prolongent la longévité chez divers organismes modèles. Elles prolongent la santé et préviennent l’apparition des maladies liées à l’âge. Maintenant, nous essayons de comprendre pourquoi.

Une façon de le voir est que si quelque chose est déjà pleinement optimisé, il est très difficile de l’améliorer, surtout avec une mutation ou un médicament. Mais le vieillissement n’est pas sous cette pression sélective. C’est ce qui dysfonctionne après le déclin de la pression.

Il est donc plus facile d’améliorer les choses, parce que vous partez d’un système semi-dysfonctionnel. Si vous voulez améliorer une voiture, vous ne partez pas d’une Mercedes parfaite ; vous prenez une voiture d’occasion presque bonne pour la casse.

Vous changez l’huile, les pneus, et soudain, elle fonctionne beaucoup mieux. C’est peut-être ce qui se passe avec le vieillissement. Ce qui est surprenant, c’est qu’au moins chez les modèles animaux, il est relativement facile de retarder le vieillissement, avec un bénéfice concomitant pour la longévité en bonne santé.