Grossesse, handicap moteur et retard mental. Des interrogations délicates se posent. 12

Grossesse, handicap moteur et retard mental. Des interrogations délicates se posent. 12

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Le Dr Marc Dommergues, MD, expert de renom en obstétrique à haut risque et en médecine materno-fœtale, décrypte les enjeux complexes des grossesses chez les femmes présentant un handicap moteur ou intellectuel. Il souligne l’importance capitale d’une prise en charge multidisciplinaire, de conseils génétiques prénatals et de dispositifs spécialisés d’accompagnement à la parentalité, afin d’assurer des issues favorables pour la mère comme pour l’enfant.

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Approche de Soins Multidisciplinaire

Le Dr Marc Dommergues souligne que la prise en charge de la grossesse chez les femmes atteintes de maladies génétiques, comme les myopathies, nécessite une approche multidisciplinaire complète. Ces affections touchent souvent plusieurs systèmes organiques, notamment les poumons et le cœur, ce qui exige une coordination entre divers spécialistes. L’objectif a évolué : il ne s’agit plus seulement d’assurer un accouchement sans risque pour la mère et l’enfant, mais aussi de prendre en compte la qualité de vie à long terme et les capacités parentales.

Soutien à la Parentalité pour les Handicaps

Les défis pratiques de la parentalité sont une préoccupation majeure pour les femmes en situation de handicap physique. Le Dr Dommergues relève des questions cruciales auxquelles elles sont confrontées : comment allaiter avec une hémiplégie, changer un bébé avec un tremblement distal, ou communiquer efficacement en cas de tétraplégie. Ces inquiétudes restent souvent non exprimées, car les patientes hésitent à en parler ouvertement avec leurs soignants, ce qui crée un déficit important dans l’accompagnement prénatal.

Adaptations Environnementales pour la Parentalité

Une institution spécialisée dans le « soutien à la parentalité pour les personnes handicapées » est devenue un partenaire essentiel pour relever ces défis. Le Dr Marc Dommergues explique que cette collaboration a introduit le concept de parentalité adaptée, qui repose sur des modifications de l’environnement, l’apprentissage de techniques pratiques et le partage d’expériences au sein d’une communauté de familles confrontées à des situations similaires. Ce système de soutien contribue à prévenir les situations où l’environnement domestique pourrait être jugé inadéquat en raison du handicap de la mère.

Recherche sur les Interactions Mère-Enfant

Bien que non encore publiée, le Dr Dommergues décrit une recherche novatrice comparant les interactions entre les mères ayant un handicap moteur et leurs enfants à celles de groupes témoins. L’étude a révélé que, malgré certaines difficultés, celles-ci ne diffèrent pas substantiellement de celles rencontrées par les mères non handicapées, en particulier celles ayant des nourrissons prématurés. Ces résultats offrent des perspectives précieuses pour développer des stratégies de soutien plus efficaces.

Complexités du Handicap Intellectuel

La situation se complique significativement lorsqu’un handicap intellectuel s’ajoute à des limitations physiques. Le Dr Marc Dommergues identifie cette combinaison comme un défi croissant en médecine materno-fœtale. Si les personnes présentant un handicap mental revendiquent légitimement leur capacité à être parents, elles doivent aussi prendre en compte deux réalités critiques : la possible hérédité de leur affection et leur aptitude à fournir un soutien éducatif adéquat.

Importance du Conseil Génétique

Le conseil génétique est particulièrement crucial pour les couples dont un ou les deux partenaires présentent un handicap intellectuel. Avec les avancées continues de la génétique, le Dr Dommergues souligne l’importance d’évaluer les deux membres du couple pour estimer les risques de transmission. Cette approche proactive permet des décisions éclairées en planification familiale et des interventions médicales adaptées si nécessaire.

Discussions Préconceptionnelles

Aborder les possibilités de parentalité avant la grossesse soulève des défis éthiques et pratiques particulièrement complexes. Le Dr Marc Dommergues décrit des efforts collaboratifs émergents avec des psychiatres d’adultes et d’enfants dans une clinique hospitalière parisienne, le CIC. Bien que l’expérience dans ce domaine soit encore limitée et en développement, il reconnaît la difficulté de déterminer les conduites à tenir appropriées dans ces situations sensibles, reflétant l’évolution vers des soins reproductifs plus inclusifs.

Transcription Complète

Dr Marc Dommergues : Concernant le handicap moteur, c’est un vaste domaine. Dans cet hôpital, nous ne sommes pas très familiers avec les types les plus courants, comme les personnes ayant subi un traumatisme médullaire. Nous prenons plutôt en charge celles atteintes de maladies génétiques, telles que les myopathies. Ces affections touchent souvent plusieurs systèmes — poumons, cœur, etc. — ce qui nécessite une approche multidisciplinaire sur le plan médical.

Il y a quelques années, nous nous contentions de mener les femmes à un accouchement aboutissant à la naissance d’un enfant vivant. Puis nous avons réalisé qu’il y avait une vie après l’accouchement. Comment ces femmes allaient-elles gérer un enfant ? Nous avons compris que c’était une question majeure qu’elles se posaient, mais qu’elles n’osaient peut-être pas toujours aborder.

Comment allaiter avec une hémiplégie ? Comment changer un bébé en cas de tremblement distal ? Comment communiquer avec son enfant en situation de tétraplégie ? Ce sont des questions essentielles.

Nous collaborons avec une institution spécialisée qui aide les personnes handicapées à s’adapter en tant que parents : « Soutien à la parentalité pour les personnes handicapées ». Cette institution est notre partenaire. Elle nous a fait découvrir le concept de parentalité adaptée, qui repose sur l’aménagement de l’environnement, l’apprentissage de techniques et le partage d’expériences avec d’autres familles.

Nous estimons que cela constitue une aide précieuse. Cela nous a notamment permis d’éviter les situations où l’environnement du bébé pourrait être jugé inadéquat. La situation est complexe, car il existe une tension entre ceux qui prennent soin des mères et ceux qui veillent sur les enfants.

Au moins dans notre pays, il y a une crainte persistante que l’environnement dans lequel un enfant grandit ne soit pas optimal lorsque la mère est gravement handicapée. Bien sûr, notre combat a toujours été d’encourager ces femmes. Peut-être sommes-nous parfois un peu trop optimistes, mais nous avons cherché à en savoir davantage.

Pour résumer, sans avoir encore été publiée, nous avons étudié les interactions entre les mères ayant un handicap moteur et leurs enfants, en les comparant à des témoins.

Dr Anton Titov : Il y avait des difficultés, mais les situations ne différaient pas radicalement de celles que rencontrent les femmes non handicapées, par exemple avec des bébés prématurés. Ce n’est pas facile, mais c’est possible, bien sûr, à condition qu’il s’agisse uniquement d’un handicap moteur.

Les choses se compliquent lorsqu’un handicap mental s’ajoute au handicap physique. Le problème n’est pas le handicap moteur en soi, mais le déficit intellectuel ou mental. C’est un enjeu majeur.

C’est une situation à laquelle de plus en plus de patientes sont confrontées. C’est très difficile. D’un côté, les personnes avec un handicap mental tendent à affirmer qu’elles peuvent être parents comme les autres. De l’autre, il est important qu’elles prennent conscience de deux aspects.

Leur maladie peut être héréditaire. De nouveaux gènes sont découverts chaque année. Il est donc important de voir les deux membres du couple et de proposer un conseil génétique.

Ensuite, il y a la question d’aborder la parentalité avant la grossesse. C’est un sujet très délicat. Nous commençons à essayer d’aider les couples, en collaboration avec un groupe de psychiatres pour adultes et enfants dans un hôpital parisien, la clinique CIC.

Nous avons encore peu d’expérience dans ce domaine. C’est une démarche en développement. La seule chose que je puisse dire est que c’est très complexe. Nous ne sommes pas en mesure de prescrire ce qui devrait ou ne devrait pas être fait, car c’est une expérience très nouvelle pour nous.

Le handicap est un sujet important. Je pense que vous avez abordé des questions essentielles.

Dr Anton Titov : Merci beaucoup.