Comment les commerces de proximité façonnent-ils nos habitudes alimentaires ?

Comment les commerces de proximité façonnent-ils nos habitudes alimentaires ?

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Le docteur George Kaplan, MD, expert de premier plan sur les déterminants sociaux de la santé, explique comment les environnements alimentaires locaux influencent fortement les choix nutritionnels et le risque de maladies chroniques. Les quartiers à faible revenu sont confrontés à de profondes disparités d’accès à l’alimentation, avec une présence bien plus marquée de supérettes et de fast-foods que de supermarchés. Ce paysage favorise la consommation d’aliments transformés, riches en sucre, en sel et en graisses. Selon le docteur Kaplan, cette situation résulte d’une problématique complexe, mêlant stratégies marketing ciblant certains groupes socioéconomiques et offre limitée pour les résidents. Ces habitudes alimentaires, bien qu’ancrées et souvent transmises entre générations, ne sont pas irréversibles. Le docteur Kaplan souligne qu’elles peuvent évoluer grâce à un meilleur accès à l’information et à des options plus saines.

Comment les environnements alimentaires locaux influencent les choix nutritionnels et le risque de cardiopathie

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Disparités des environnements alimentaires dans les zones à faible revenu

Selon les travaux du docteur George Kaplan, MD, les environnements alimentaires locaux présentent des disparités significatives. Les quartiers défavorisés comptent plus de quatre fois plus d’épiceries de proximité et deux fois plus de supérettes que les zones aisées. Surtout, ils ne disposent que de la moitié du nombre de supermarchés, pourtant sources plus fiables et moins onéreuses de fruits et légumes frais.

Ce déséquilibre est particulièrement marqué près des établissements scolaires. Les recherches du docteur Kaplan montrent qu’à proximité des écoles des quartiers défavorisés, on trouve un tiers de plus de fast-foods et 50 % de supérettes supplémentaires comparé aux environs des écoles de quartiers aisés. Cela crée un environnement où les aliments transformés, hypercaloriques et malsains, deviennent l’option la plus accessible.

Influence du marketing des entreprises sur les choix alimentaires

L’entretien avec le docteur Anton Titov, MD, aborde la question de savoir si les choix des patients orientent le marché ou si ce sont les stratégies commerciales qui influencent les comportements. Le docteur George Kaplan, MD, confirme qu’il s’agit d’une relation bidirectionnelle complexe. Bien que les patients fassent des choix, ceux-ci sont largement conditionnés par les options disponibles.

Le docteur Kaplan souligne l’existence d’un « marketing différencié selon les groupes sociaux ». Les entreprises exploitent ainsi le choix limité dans les communautés à faible revenu en promouvant activement les aliments riches en graisses, sucres et sel. Ce marketing ciblé renforce les habitudes néfastes en rendant ces produits omniprésents et attrayants.

Modèles et normes alimentaires générationnels

Ces choix conditionnés deviennent souvent des normes difficiles à rompre, transmises des parents aux enfants. Le docteur Kaplan explique que les modèles alimentaires finissent par s’imposer comme normes communautaires, se perpétuant dans le temps. Sans égalité d’accès à une alimentation saine, ces schémas de consommation de « produits néfastes » persistent à travers les générations.

Modifier ces normes exige plus qu’une simple volonté individuelle. Il faut une transformation profonde de l’environnement local et des structures économiques qui font des aliments malsains la solution de facilité pour les familles aux contraintes de temps et financières.

Évolutions historiques des comportements de santé

Le docteur Kaplan apporte un éclairage historique crucial, rappelant que les schémas d’exposition publicitaire et de disponibilité ne sont pas figés. Il note qu’en Occident, les régimes riches en graisses et le tabagisme étaient autrefois plus répandus chez les populations aisées. La diffusion de l’information sur les dangers du tabac a modifié cette tendance.

Cette perspective est essentielle : elle montre que les comportements de santé à l’échelle populationnelle peuvent évoluer considérablement. La concentration actuelle de la consommation d’aliments malsains dans les communautés défavorisées est un phénomène récent et non une fatalité, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une inversion grâce à des politiques et interventions adaptées.

Accès à l'information et prévention des maladies

La diffusion de l’information en santé joue un rôle clé dans la prévention. Le docteur Kaplan observe que la connaissance des facteurs protecteurs « commence généralement chez les plus éduqués ». C’est pourquoi les patients aisés et instruits ont été les premiers à renoncer au tabac.

L’accès tardif à une information nutritionnelle fiable dans les communautés défavorisées aggrave le problème de l’accès physique à une alimentation saine. Combattre les cardiopathies — que le docteur Titov qualifie souvent de « transmises par l’alimentation » — nécessite de garantir une diffusion équitable et rapide des connaissances sur les dangers des aliments transformés et les bienfaits des aliments naturels.

Solutions pour améliorer l'accès alimentaire

Résoudre cette crise de santé publique exige une approche multifacette. Le docteur Kaplan souligne que le changement est possible, ces schémas n’étant pas immuables. Les interventions peuvent inclure des mesures réglementaires comme des restrictions d’implantation des fast-foods, des incitations économiques pour attirer les supermarchés dans les déserts alimentaires, et des programmes d’éducation nutritionnelle.

Les initiatives communautaires, telles que le soutien aux marchés de producteurs locaux et aux jardins urbains, peuvent aussi améliorer l’accès aux produits frais. L’objectif est de créer un environnement alimentaire équitable où les choix sains deviennent faciles, abordables et naturels pour toutes les familles, quel que soit leur statut socioéconomique ou leur lieu de résidence.

Transcription intégrale

Dr. George Kaplan, MD: On dit parfois que la cardiopathie est une infection qui se transmet par l’alimentation. Cela renvoie au lien probable entre la teneur élevée en sucre, sel et graisses des aliments transformés modernes — des aliments très denses en calories, comme je l’ai mentionné.

Dr. Anton Titov, MD: Vous avez raison. Permettez-moi de citer vos recherches : dans une étude, les quartiers défavorisés comptaient plus de quatre fois plus d’épiceries de proximité et deux fois plus de supérettes, mais seulement la moitié du nombre de supermarchés — pourtant sources plus fiables et moins coûteuses de fruits et légumes frais — que les petites épiceries.

De même, près des écoles des quartiers défavorisés, on trouve un tiers de plus de fast-foods et 50 % de supérettes supplémentaires comparé aux environs des écoles de quartiers aisés.

Le marché suit-il les choix individuels des patients défavorisés ? Ou est-ce l’inverse — les décisions commerciales des entreprises influencent-elles fortement les comportements ?

Peut-on y remédier ?

Dr. George Kaplan, MD: La question est complexe. Les patients font certes des choix, mais ceux-ci sont conditionnés par les options disponibles. Il est tout aussi évident qu’existe un marketing différencié selon les groupes sociaux.

Celui-ci exploite les choix limités qu’ils ont ; ces choix se transmettent de génération en génération, du parent à l’enfant. Ils deviennent la norme, et ces normes sont tenaces.

Tant que l’accès aux bons produits ne sera pas équitable, ces mauvais produits et ces schémas de consommation persisteront et se perpétueront.

Rappelons qu’en Occident, les régimes riches en graisses et le tabagisme étaient autrefois plus courants chez les populations aisées.

Il faut comprendre que ces schémas comportementaux sont conditionnés par une époque donnée. Les schémas d’exposition publicitaire et de disponibilité évoluent dans le temps ; ils ne sont pas fixes.

N’oublions pas non plus que l’information sur les facteurs bénéfiques — ceux qui protègent — diffuse dans la société. Elle commence généralement chez les plus éduqués.

C’est pourquoi les patients aisés et instruits ont été les premiers à arrêter de fumer. L’information descend dans l’échelle sociale, tout comme la disponibilité des produits néfastes remonte depuis le bas.