Le Dr Jari Rasanen, expert de renom en chirurgie anti-reflux, analyse les taux d’échec à long terme de la chirurgie du RGO. Il explique pourquoi la fundoplicature peut perdre en efficacité après 10 à 15 ans. Le Dr Rasanen souligne l’importance d’une surveillance endoscopique régulière et précise le rôle des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) après une intervention réussie. L’entretien aborde également les complications graves, parfois mortelles, d’un reflux gastro-œsophagien non traité.
Résultats à long terme et risques de la chirurgie anti-reflux pour le RGO
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- Succès et limites de la chirurgie
- Médicaments inhibiteurs de la pompe à protons après chirurgie
- Surveillance endoscopique du cancer
- Complications mortelles du RGO
- Aspiration de reflux et pneumonie
- Transcript intégral
Succès et limites de la chirurgie
La chirurgie anti-reflux est un traitement initial très efficace contre le reflux gastro-œsophagien sévère. Le Dr Jari Rasanen confirme qu’une fundoplicature réussie peut éliminer complètement le reflux persistant. Cette intervention crée un mécanisme valvulaire qui empêche l’acide gastrique de remonter dans l’œsophage.
Cependant, les recherches du Dr Rasanen mettent en lumière une limitation importante à long terme. Le volet chirurgical formé lors de la fundoplicature a tendance à se relâcher avec le temps. Cette défaillance mécanique survient généralement 10 à 15 ans après l’opération. Les patients ne doivent donc pas s’attendre à ce qu’une seule intervention anti-reflux soit définitive. La durée maximale d’efficacité garantie est d’environ 15 à 20 ans.
Médicaments inhibiteurs de la pompe à protons après chirurgie
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) jouent un rôle différent après la chirurgie. Le Dr Jari Rasanen explique qu’ils n’apportent aucun bénéfice supplémentaire si l’intervention anti-reflux a parfaitement réussi. Une fundoplicature fonctionnelle rend inutile tout traitement suppressif d’acide continu.
L’entretien avec le Dr Anton Titov souligne une distinction clinique importante : la médication et la chirurgie ne sont pas synergiques lorsque l’opération est pleinement efficace. Les patients ne devraient donc pas automatiquement poursuivre les IPP après une chirurgie réussie. Cette approche évite une utilisation prolongée et inutile de médicaments, ainsi que leurs effets secondaires potentiels.
Surveillance endoscopique du cancer
Une surveillance endoscopique régulière reste essentielle après tout traitement du RGO. Le Dr Jari Rasanen insiste sur l’importance cruciale des endoscopies digestives hautes et des gastroscopies. Cette stratégie permet aux médecins d’anticiper l’apparition d’un cancer de l’œsophage.
L’endoscopie facilite la détection précoce de lésions précancéreuses, appelées dysplasies. Identifier ces anomalies au niveau de la muqueuse œsophagienne permet une intervention proactive. Les médecins peuvent ainsi traiter ces cellules anormales avant qu’elles n’évoluent en adénocarcinome invasif. Cette surveillance vigilante est un pilier de la prise en charge à long terme du RGO, quelle que soit la méthode de traitement.
Complications mortelles du RGO
Un reflux gastro-œsophagien non traité ou mal contrôlé peut avoir des conséquences fatales. Le Dr Jari Rasanen décrit comment le reflux acide est toxique pour les tissus œsophagiens. Cette irritation chronique peut provoquer la formation d’ulcères profonds dans la muqueuse.
Ces ulcères constituent une urgence médicale grave. Dans les cas sévères, ils peuvent perforer complètement la paroi œsophagienne. Une perforation permet alors au contenu gastrique de s’écouler dans la cavité thoracique, entraînant une infection sévère qui nécessite une intervention chirurgicale immédiate pour éviter le décès.
Aspiration de reflux et pneumonie
Une autre complication mortelle du RGO est l’aspiration pulmonaire. Le Dr Jari Rasanen explique comment le reflux gastrique peut atteindre les poumons. Cela se produit lorsque le contenu gastrique est régurgité dans la gorge puis inhalé.
L’aspiration de matériel acide provoque une inflammation pulmonaire sévère. Cette condition, appelée pneumonie d’aspiration, est particulièrement dangereuse et souvent mortelle. L’entretien avec le Dr Anton Titov souligne que le RGO n’est pas seulement un problème de qualité de vie : la maladie comporte des risques réels de mortalité, tant par complications cancéreuses que non cancéreuses.
Transcript intégral
Dr Anton Titov : Si l’on observe une inflammation de la muqueuse œsophagienne après une chirurgie anti-reflux, les inhibiteurs de la pompe à protons ou autres médicaments sont-ils utiles ? Peuvent-ils réduire l’inflammation et ainsi le risque de carcinome œsophagien chez les personnes atteintes de RGO, même si celui-ci est traité avec succès ?
Dr Jari Rasanen : Si la chirurgie anti-reflux a réussi, elle prévient complètement le reflux persistant. Elle rend les médicaments IPP superflus. En somme, la chirurgie anti-reflux suffit.
Le patient a seulement besoin d’un suivi par endoscopies digestives hautes et gastroscopies. Ainsi, nous pouvons anticiper le cancer.
S’il y a des signes de dysplasie dans la muqueuse, nous pouvons agir avant qu’elle n’évolue en cancer. Ce point est très important.
Dans l’une de vos publications, vous avez également mentionné qu’en examinant des patients plusieurs années après une chirurgie anti-reflux, vous avez constaté que les résultats escomptés n’étaient plus présents. C’est l’un des problèmes.
Bien qu’initialement très réussie, avec le temps—après 10 à 15 ans—il est fréquent que le volet formé lors de la fundoplicature se relâche.
Il ne prévient alors plus le reflux. On ne peut donc pas affirmer à une personne opérée que l’effet durera toute sa vie.
On ne peut garantir que 15 ans, 20 ans au maximum. Ensuite, il est possible que le reflux réapparaisse, malgré une chirurgie initialement réussie.
Dr Anton Titov : Le reflux gastro-œsophagien est fréquent, mais il peut aussi entraîner le décès. Pourquoi et comment meurt-on d’un RGO ? Vous avez publié des recherches importantes sur ce sujet.
Dr Jari Rasanen : Le reflux gastrique est lui-même toxique pour la muqueuse œsophagienne. Surtout lorsqu’il est acide, il peut provoquer des ulcères. Ces ulcères peuvent même perforer l’œsophage.
C’est une situation extrêmement dangereuse pour le patient.
Dr Anton Titov : Le reflux gastrique peut aussi atteindre les poumons. Il peut provoquer une pneumonie d’aspiration, elle aussi très mortelle.
Dr Jari Rasanen : Ces facteurs peuvent donc être très nocifs en dehors même du cancer.