TITT. Thrombopénie thrombotique induite par le vaccin et vaccination contre la COVID-19. 11. [Parties 1 et 2]

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Le Dr Pier Mannucci, MD, expert de renommée mondiale en thrombose et troubles hémorragiques, présente la thrombopénie thrombotique induite par le vaccin (TTIV), une pathologie rare mais sévère. Il décrit la physiopathologie singulière de la TTIV, qui entraîne simultanément une coagulation excessive et une chute des plaquettes. Le Dr Pier Mannucci, MD, évoque les vaccins anti-COVID-19 spécifiquement liés à ce trouble et sa prédominance chez les sujets jeunes. Il souligne les défis thérapeutiques complexes ainsi que l’incidence extrêmement faible de ce syndrome. Cet entretien apporte un éclairage clinique essentiel sur cette affection émergente.

Comprendre la TTV : Guide sur la thrombopénie thrombotique induite par le vaccin

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Qu'est-ce que la TTV ?

La thrombopénie thrombotique induite par le vaccin (TTV) est un syndrome entièrement nouveau. Selon le Dr Pier Mannucci, la TTV était totalement inconnue jusqu’en mars 2021. Il s’agit d’une complication rare associée à certains vaccins contre la COVID-19 utilisant une plateforme à vecteur viral.

La TTV se caractérise par une double pathologie : la survenue simultanée de thromboses et d’une thrombopénie. Les patients présentent ainsi des caillots sanguins dangereux parallèlement à un taux de plaquettes très bas, ce qui crée un tableau clinique complexe.

Physiopathologie et mécanisme de la TTV

Le mécanisme de la TTV implique une réponse auto-immune. Le Dr Mannucci explique que certains composants du vaccin, chargés négativement (polyanioniques), sont absorbés par les plaquettes après l’injection.

Cette absorption déclenche une réaction avec le facteur 4 plaquettaire, entraînant la formation de nouveaux anticorps. Ces anticorps se lient aux plaquettes et les activent, provoquant deux effets critiques : leur élimination par la rate (thrombopénie) et la libération de substances procoagulantes (thrombose).

Symptômes et présentation clinique de la TTV

La TTV provoque des thromboses à des sites anatomiques inhabituels. Le Dr Pier Mannucci souligne que les caillots se forment le plus souvent dans les veines cérébrales et abdominales, incluant la thrombose des sinus veineux cérébraux et les thromboses portale, mésentérique ou splénique.

La combinaison de la coagulation et de la thrombopénie crée un paradoxe dangereux : les patients présentent un risque élevé d’événements ischémiques dus aux caillots, mais aussi de complications hémorragiques en raison du manque de plaquettes, rendant le diagnostic et le traitement particulièrement délicats.

Démographie et facteurs de risque de la TTV

La TTV affecte presque exclusivement les jeunes. Le Dr Pier Mannucci indique que l’âge moyen des patients est d’environ 30 ans. Les jeunes individus tendent à développer une réponse immunitaire plus forte, ce qui favorise l’efficacité vaccinale mais augmente aussi le risque de production de ces auto-anticorps pathogènes.

La TTV survient plus fréquemment chez les femmes. Le Dr Mannucci explique que les jeunes femmes sont généralement plus sujettes aux risques auto-immuns. Cependant, la différence entre les sexes dans cette population jeune reste minime, les deux genres étant exposés à un risque significatif.

Défis et stratégies thérapeutiques de la TTV

Le traitement de la TTV est complexe. Le traitement standard des thromboses veineuses repose sur des anticoagulants comme l’héparine. Cependant, leur administration à un patient thrombopénique et présentant un risque hémorragique est très risquée, car elle peut aggraver les saignements.

Le Dr Pier Mannucci décrit l’approche thérapeutique actuelle : les cliniciens évitent les anticoagulants lorsque les plaquettes sont très basses et privilégient les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) pour neutraliser les anticorps pathogènes. Une fois le taux de plaquettes remonté, les anticoagulants peuvent être introduits en toute sécurité pour traiter la thrombose.

Incidence de la TTV et sécurité vaccinale

L’incidence de la TTV est extrêmement rare. Le Dr Mannucci cite des statistiques indiquant, au pire, un cas pour 50 000 vaccinations, et le plus souvent un cas pour 100 000 personnes vaccinées.

Cette rareté explique pourquoi la TTV n’a pas été détectée lors des essais clininitaux initiaux, qui ne comptaient pas suffisamment de participants pour identifier un événement aussi rare. Le Dr Anton Titov et le Dr Mannucci évoquent les décisions politiques visant à restreindre certains vaccins chez les jeunes par mesure de précaution.

Transcription intégrale

Dr. Anton Titov, MD: Professeur Mannucci, pourriez-vous nous parler d’un cas clinique illustrant les sujets abordés aujourd’hui ? Peut-être un cas composite issu de votre pratique.

Dr. Pier Mannucci, MD: Un autre exemple récent est celui de la TTV, thrombopénie thrombotique induite par le vaccin. C’est un syndrome entièrement nouveau, inconnu jusqu’en mars de cette année. La TTV est clairement liée à l’utilisation de vaccins contre la COVID-19 à vecteur viral, comme ceux d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson.

La TTV affecte presque exclusivement les jeunes. Elle associe deux processus opposés, comme Scylla et Charybde : une thrombose sur des sites inhabituels (veines cérébrales et abdominales) et une thrombopénie.

Ce phénomène est dû à la formation d’anticorps activant les plaquettes. Certains composants du vaccin, chargés négativement, sont absorbés par les plaquettes et réagissent avec le facteur 4 plaquettaire. Il en résulte la production d’anticorps qui activent les plaquettes, provoquant à la fois leur destruction (thrombopénie) et la libération de substances procoagulantes (thrombose).

Ces situations sont difficiles à traiter car les anticoagulants classiques, indiqués pour la thrombose, aggraveraient le risque hémorragique chez un patient thrombopénique. Nous évitons donc les anticoagulants lorsque les plaquettes sont très basses et utilisons des immunoglobulines pour neutraliser les anticorps. Une fois les plaquettes remontées, nous introduisons les anticoagulants.

La TTV est un nouveau défi qui met en lumière la dualité hémorragie-thrombose. Heureusement, elle ne concerne pas les vaccins à ARNm et touche principalement les jeunes, ce qui est particulièrement dramatique. Les jeunes produisent une réponse immunitaire plus forte, ce qui est bénéfique pour l’efficacité vaccinale mais favorise aussi la production d’auto-anticorps.

Dr. Anton Titov, MD: La TTV affecte-t-elle hommes et femmes de la même façon ?

Dr. Pier Mannucci, MD: Chez les jeunes, oui, bien qu’elle soit plus fréquente chez les femmes, qui sont plus sujettes aux maladies auto-immunes à cet âge. Mais la différence entre les sexes est minime. L’âge moyen des patients est d’environ 30 ans, même si quelques cas ont été rapportés jusqu’à 60 ans. C’est pourquoi certaines recommandations visent à éviter ces vaccins chez les plus jeunes.

Cette complication est extrêmement rare : au pire, un cas pour 50 000 vaccinations, le plus souvent un pour 100 000. Sa rareté explique qu’elle n’ait pas été détectée lors des essais cliniques. Au Royaume-Uni, où le vaccin AstraZeneca a été largement utilisé, on compte environ 450 cas, majoritairement après la première dose.

Dr. Anton Titov, MD: Il est important de souligner que la COVID-19 elle-même entraîne un risque thrombotique plus élevé en moyenne.

Dr. Pier Mannucci, MD: Tout à fait. On ignore pourquoi la TTV touche préférentiellement les veines cérébrales et abdominales, probablement en raison d’une moindre protection anti-thrombotique dans ces zones. Ces thromboses sur sites inhabituels sont rares dans la population générale (de l’ordre d’un cas par million), ce qui rend la TTV, bien que rare, plus fréquente que le phénomène spontané.

Lors des essais cliniques, seul un cas a été détecté avec le vaccin Johnson & Johnson, alors que le phénomène était déjà connu en Europe. Initialement, le vaccin AstraZeneca était surtout administré aux jeunes, car son efficacité chez les personnes âgées n’était pas encore établie.

Dr. Anton Titov, MD: Y a-t-il un sujet que je n’ai pas abordé et que vous souhaiteriez évoquer ?

Dr. Pier Mannucci, MD: Non, merci. Cette conversation a porté sur des sujets que je maîtrise, et vous les avez très bien choisis. Je pense avoir couvert l’essentiel.

Dr. Anton Titov, MD: Merci infiniment, Professeur Mannucci, pour cet échange très instructif. Nous espérons vous retrouver sur les sujets de la thrombose, de l’hémorragie, mais aussi de la pollution environnementale et de la nutrition—des domaines vastes et essentiels.