Leucémie aiguë lymphoblastique de l’enfant

Leucémie aiguë lymphoblastique de l’enfant

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Le spécialiste de renom en leucémie pédiatrique, le Dr Shai Izraeli, explique comment l'étude de la leucémie chez les enfants atteints du syndrome de Down a permis de découvrir des informations cruciales sur les origines fœtales du cancer et d'identifier un sous-type de leucémie à haut risque, provoqué par des mutations JAK/STAT. Cette avancée a conduit au lancement d'essais cliniques de thérapies ciblées pour un groupe spécifique de patients atteints de leucémie aiguë lymphoblastique, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour le traitement de ce cancer agressif.

Leucémie aiguë lymphoblastique de l’enfant
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Comprendre la leucémie aiguë lymphoblastique à haut risque et la thérapie ciblée JAK/STAT

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Les enfants atteints du syndrome de Down présentent un risque significativement plus élevé de développer une leucémie, en particulier une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL). Selon le Dr Shai Izraeli, cette prédisposition est liée à la présence d’un chromosome 21 supplémentaire. Ce matériel génétique additionnel perturbe le développement sanguin normal durant la phase fœtale, créant un terrain propice à l’apparition de la leucémie.

Origines fœtales de la leucémie infantile

L’étude de la leucémie dans le syndrome de Down a révélé que ce cancer débute souvent in utero. Le Dr Shai Izraeli décrit la leucémie comme un « accident développemental » survenant lors du développement embryonnaire. Cette vision modifie notre compréhension des origines de la maladie, qui résulterait d’un développement anormal plutôt que d’une simple défaillance cellulaire aléatoire. Pour de nombreux enfants, les bases génétiques de la leucémie sont déjà présentes à la naissance.

Découverte de la mutation JAK/STAT dans la leucémie

Les recherches du Dr Shai Izraeli ont identifié une mutation génétique spécifique affectant la voie de signalisation JAK/STAT comme un facteur clé de la leucémie chez les enfants atteints du syndrome de Down. Cette mutation agit comme un excès de carburant, provoquant une prolifération cellulaire incontrôlée. Fait remarquable, cette même mutation a ensuite été retrouvée chez 5 à 15 % des enfants et adultes atteints de LAL sans syndrome de Down, révélant un mécanisme biologique commun à différentes populations.

Identification du sous-type de leucémie à haut risque

La mutation JAK/STAT définit une forme particulièrement agressive de LAL. Le Dr Shai Izraeli souligne que ce sous-type, plus résistant aux chimiothérapies conventionnelles, représente une leucémie à haut risque. Présente dans 60 à 70 % des LAL chez les enfants atteints du syndrome de Down, cette mutation concerne aussi 5 à 15 % des patients sans syndrome de Down. Son identification aide les oncologues à cibler les cas nécessitant des traitements plus intensifs ou spécifiques.

Essais cliniques de thérapies ciblées

La découverte de la voie JAK/STAT a conduit au développement d’inhibiteurs ciblés. Le Dr Shai Izraeli indique que des essais cliniques sont en cours via le Children’s Oncology Group aux États-Unis, regroupant plus de 200 institutions mondiales. Ces études testent des médicaments conçus pour bloquer la signalisation anormale induite par la mutation JAK/STAT, illustrant une approche de médecine de précision adaptée aux anomalies génétiques de chaque cancer.

Importance de la participation aux essais cliniques

Le Dr Shai Izraeli insiste sur l’importance cruciale des essais cliniques pour faire progresser le traitement de la leucémie. Si les traitements actuels guérissent la majorité des patients, l’objectif reste de tous les sauver – ce qui exige de se concentrer sur les sous-types à haut risque. Il reconnaît l’incertitude des nouvelles thérapies, comparant les cellules cancéreuses à des voleurs ingénieux cherchant sans cesse à contourner les traitements. Cependant, il se dit encouragé par la rapidité avec laquelle les découvertes fondamentales sont traduites en essais cliniques, en l’occurrence neuf ans seulement.

Avenir du traitement de la leucémie

Les travaux du Dr Shai Izraeli et de ses collègues illustrent l’avenir prometteur de l’oncologie : des découvertes réalisées chez des populations spécifiques bénéficient à un plus large éventail de patients. Les essais en cours sur les inhibiteurs de JAK/STAT pourraient établir une nouvelle norme de prise en charge pour ce sous-type de leucémie à haut risque. Cette démarche démontre comment l’étude de maladies rares peut révéler des mécanismes biologiques universels, ouvrant la voie à des thérapies plus efficaces et ciblées pour tous.

Transcript intégral

Dr Anton Titov, MD: Vous étudiez la leucémie chez les enfants atteints du syndrome de Down. Quelles sont les implications de vos recherches pour les enfants atteints de leucémie sans syndrome de Down ?

Dr Shai Izraeli, MD: Il est intéressant d’aborder deux aspects majeurs de la leucémie, issus de nos travaux sur le syndrome de Down.

Premièrement, le chromosome 21 supplémentaire affecte le développement sanguin normal durant la phase fœtale, le rendant anormal et prédisposant à la leucémie. Ceci est important car nous savons désormais que la leucémie infantile prend naissance in utero – c’est un accident développemental, une malchance. Dans le syndrome de Down, le chromosome supplémentaire influence ce processus.

Deuxièmement, nous avons identifié une mutation génétique spécifique dans une molécule de signalisation, qui agit comme un surplus de carburant, stimulant la prolifération cellulaire. Cette anomalie n’est pas limitée au syndrome de Down : elle est présente chez 5 à 10 % des enfants et adultes atteints de leucémie sans syndrome de Down. Or, il existe un médicament qui bloque cette signalisation. Un essai clinique international, impliquant plus de 200 institutions, teste actuellement ce traitement.

Paradoxalement, les enfants atteints du syndrome de Down sont souvent exclus de ces essais, bien que la mutation soit très fréquente chez eux (60-70 % des LAL). Cette découverte a permis d’identifier un sous-type agressif de leucémie, commun à plusieurs populations, et nous travaillons désormais à le traiter par thérapie ciblée.

Je compare souvent les cellules leucémiques à une voiture : la mutation JAK/STAT active la voie de signalisation comme un moteur emballé. Nos publications ont mis en lumière son rôle, et d’autres équipes ont confirmé sa présence chez des patients sans syndrome de Down. Bien que moins fréquente (5-15 %), elle définit une leucémie tout aussi agressive.

Aujourd’hui, nous guérissons la plupart des leucémies, mais pour atteindre l’objectif de 100 %, nous devons nous concentrer sur les formes à haut risque. C’est pourquoi des inhibiteurs spécifiques sont développés. Un essai clinique majeur est en cours aux États-Unis via le Children’s Oncology Group.

La participation à ces essais est essentielle, car nous ignorons si les nouveaux traitements fonctionneront – les cellules cancéreuses sont rusées et contournent souvent les obstacles. Mais je suis optimiste : nos découvertes de 2008 ont mené à des essais cliniques en seulement neuf ans, ce qui est très encourageant.