Perspectives du traitement des maladies hépatiques 
 Xénotransplantation hépatique 
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Perspectives du traitement des maladies hépatiques Xénotransplantation hépatique 14

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Expert de premier plan en hépatologie et fibrose, le Dr Scott Friedman explore l’avenir du traitement des maladies du foie. Il retrace les avancées majeures réalisées depuis les années 1980, jusqu’aux thérapies curatives actuelles contre l’hépatite C et la transplantation hépatique. Le Dr Friedman souligne le potentiel de la xénotransplantation, utilisant des organes porcins humanisés, pour pallier la pénurie d’organes. Il exprime également son enthousiasme pour les nouvelles thérapies antifibrosantes et pro-régénératrices, qui exploitent la capacité unique du foie à se régénérer.

Avenir du Traitement des Maladies Hépatiques : Xénotransplantation et Thérapies Régénératives

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Évolution du Traitement des Maladies Hépatiques

Le Dr Scott Friedman revient sur l’évolution spectaculaire des traitements hépatiques au cours de sa carrière. Il rappelle qu’au début des années 1980, les options thérapeutiques étaient extrêmement limitées. Les soins reposaient principalement sur des diurétiques, des corticostéroïdes et du lactulose pour l’encéphalopathie hépatique. La transplantation hépatique n’était alors pas encore une option viable pour les patients.

Les progrès en hépatologie ont été transformationnels. Le Dr Friedman cite notamment le développement de traitements curatifs contre l’hépatite C comme une avancée majeure. Les traitements efficaces de l’hépatite B et une meilleure prise en charge des maladies biliaires ont également considérablement amélioré les soins. Cet historique, présenté par le Dr Friedman au Dr Anton Titov, témoigne de progrès médicaux remarquables.

Xénotransplantation : Solution à la Pénurie d'Organes

La xénotransplantation représente une solution potentielle à la pénurie critique d’organes. Le Dr Scott Friedman se montre très enthousiaste face à cette perspective, évoquant spécifiquement l’utilisation d’organes humanisés issus de porcs pour des transplantations humaines.

Il cite le cas très médiatisé d’une transplantation cardiaque porcine réalisée fin 2021 à l’Université du Maryland. Cette procédure réussie a démontré la faisabilité de la transplantation inter-espèces. Les échanges entre les Drs Friedman et Titov soulignent comment la xénotransplantation pourrait sauver d’innombrables vies en élargissant l’accès aux greffons.

Obstacles et Sécurité de la Xénotransplantation

Plusieurs obstacles majeurs doivent être surmontés avant que la xénotransplantation ne devienne une pratique clinique courante. Le Dr Friedman identifie le rejet d’organe comme le principal défi, le système immunitaire humain attaquant naturellement les tissus étrangers, ce qui nécessite des stratégies immunosuppressives avancées.

Une autre préoccupation majeure concerne les rétrovirus endogènes présents dans le génome porcin. Le Dr Friedman explique que ces séquences virales doivent être éliminées grâce à des techniques d’édition génique comme CRISPR. Cette modification est essentielle pour garantir la sécurité des organes transplantés. Il estime toutefois que ces défis pourront être relevés grâce à la recherche continue.

Mystère de la Régénération Hépatique

Le foie possède une capacité unique et remarquable à se régénérer, qui fascine les chercheurs. Le Dr Friedman décrit cette propriété comme le plus grand mystère de cet organe. Il explique que les chirurgiens peuvent prélever jusqu’aux deux tiers d’un foie sain chez un donneur vivant.

Le segment restant chez le donneur se régénère alors complètement en quelques semaines. Parallèlement, la portion réséquée, une fois transplantée, se développe également chez le receveur. Ce phénomène ne se produit que dans un tissu hépatique sain. Comprendre ce processus pourrait ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques.

Avenir des Thérapies Anti-fibrotiques

L’avenir du traitement des maladies hépatiques inclut des thérapies anti-fibrotiques et régénératives prometteuses. Le Dr Friedman est convaincu que des médicaments anti-fibrotiques efficaces seront bientôt disponibles. Ces traitements visent à inverser la fibrose qui se développe dans les affections chroniques comme la NASH.

Il mentionne également que des thérapies pro-régénératives font déjà l’objet d’essais cliniques. Il envisage une approche combinant la suppression de la fibrose et la stimulation de la régénération. Cette stratégie duale pourrait révolutionner la prise en charge des maladies hépatiques avancées. Les échanges entre les Drs Friedman et Titov dessinent un avenir optimiste pour l’hépatologie.

Transcription Intégrale

Dr Anton Titov : Professeur Friedman, quel est l’avenir du traitement des maladies hépatiques ? Notamment pour la stéatose hépatique, la NASH et l’hépatologie en général ? Vous avez rédigé une revue très complète et êtes un chercheur de renommée mondiale dans ce domaine.

Dr Scott Friedman : C’est une période très excitante. Il est instructif de considérer l’évolution des progrès au cours de ma carrière pour mesurer le chemin parcouru et les perspectives futures. Lorsque j’étais fellow en hépatologie à l’UCSF au début des années 1980, nous disposions de presque aucun traitement spécifique pour les maladies hépatiques.

Dr Anton Titov : Que utilisiez-vous alors ?

Dr Scott Friedman : Nous avions des diurétiques, comme le Lasix et l’Aldactone. Des corticostéroïdes, tels que la prednisone, en cas d’inflammation hépatique importante. Et un sirop, le lactulose, pour prévenir les troubles cognitifs chez les patients atteints de maladie hépatique avancée. La transplantation hépatique n’existait pas encore.

Aujourd’hui, 35 à 40 ans plus tard, la situation a radicalement changé. La transplantation hépatique sauve des vies. Nous disposons de traitements curatifs pour l’hépatite C, un virus qui n’avait même pas été identifié au début des années 80. Nous sommes passés de sa découverte à sa guérison.

Pour l’hépatite B, de nombreux traitements efficaces sont disponibles, et de nouveaux médicaments cherchent à éradiquer le virus, ce que nous n’avons pas encore réussi. Nous traitons mieux les maladies biliaires et comprenons davantage la génétique. Les progrès sont immenses.

Mais le foie recèle encore bien des secrets. Parmi les perspectives—pas spécifiquement pour la NASH, mais pour les maladies hépatiques en général—je suis très enthousiaste concernant la xénotransplantation. Il s’agit d’utiliser des organes humanisés provenant de mammifères, en particulier de porcs.

Comme vous le savez, une transplantation cardiaque porcine humanisée chez un patient a été réalisée avec retentissement fin 2021 à l’Université du Maryland. À ma connaissance, le patient se porte toujours bien.

Cela illustre comment la terrible pénurie d’organes—notamment pour les patients atteints de maladie hépatique avancée—pourrait être en partie résolue par la xénotransplantation. Bien sûr, de nombreux obstacles subsistent. Le principal risque est le rejet.

De plus, le génome porcin contient des rétrovirus endogènes qui doivent être éliminés par des techniques comme CRISPR avant que l’organe ne soit sûr pour la transplantation humaine. Mais je pense que la xénotransplantation pourrait transformer le pronostic des patients les plus graves.

Parallèlement, je suis convaincu que nous aurons des thérapies anti-fibrotiques et anti-inflammatoires plus efficaces. Nous savons déjà réduire la stéatose hépatique. À mon avis, le plus grand mystère du foie reste sa capacité de régénération. Je ne suis pas le seul à le penser.

On peut chirurgicalement retirer les deux tiers d’un foie humain sain. Le fragment prélevé, avec ses vaisseaux sanguins, peut être transplanté chez un receveur. Et le tiers restant chez le donneur repoussera jusqu’à sa taille initiale.

Cela n’arrive que si le foie est sain. Aucun autre organe ne possède cette capacité. Je crois que la régénération hépatique et la possibilité de supprimer la fibrose pendant ce processus renferment des secrets qui pourraient profondément influencer la compréhension et le traitement des maladies hépatiques, voire favoriser la régénération.

Certaines thérapies pro-régénératives sont déjà en essais cliniques. Nous n’en sommes donc plus très loin. J’envisage une approche de type Yin-Yang : bloquer la fibrose tout en régénérant.

Dr Anton Titov : Comment le foie accomplit-il cela ? Il recèle de nombreux indices importants qu’il nous faut approfondir.