Le Dr David Kerr, MD, spécialiste de renom en cancérologie colorectale, explique comment le profilage génétique de la tumeur et du patient permet de prédire l’efficacité et la toxicité de la chimiothérapie, ouvrant la voie à une médecine véritablement personnalisée. Cette approche identifie les patients atteints d’un cancer du côlon de stade 2 qui tireront bénéfice d’un traitement adjuvant et ceux qui pourront l’éviter en toute sécurité, tout en anticipant les risques d’effets secondaires graves. Elle optimise ainsi les résultats thérapeutiques tout en réduisant les dommages inutiles.
Prédiction de la réponse à la chimiothérapie et de la toxicité dans le cancer colorectal par profilage génétique
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- Médecine de précision dans le traitement du cancer colorectal
- Signature à 7 gènes pour le pronostic et le bénéfice de la chimiothérapie
- Prédiction de la toxicité chimiothérapique par la génétique du patient
- Profilage génétique à partir de tumeurs standard incluses en paraffine
- Intégration des données tumorales et hôtes pour les décisions thérapeutiques
- Réduction de la chimiothérapie inutile dans le cancer du côlon de stade 2
- L'avenir de l'oncologie personnalisée pour le cancer colorectal
Médecine de précision dans le traitement du cancer colorectal
La médecine de précision révolutionne la prise en charge du cancer colorectal en dépassant l'approche standardisée. Le Dr David Kerr, expert renommé en cancérologie colorectale à Oxford, souligne l'importance cruciale de personnaliser les traitements. Cette approche est particulièrement vitale pour les cancers du côlon de stade 2, où le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante reste marginal pour la majorité des patients. Le Dr Anton Titov rappelle des statistiques frappantes : traiter 100 patients au stade 2 ne permet de guérir que 3 ou 4 personnes, tout en exposant jusqu'à 40 % d'entre eux à une toxicité significative et à six mois de traitement lourd.
Signature à 7 gènes pour le pronostic et le bénéfice de la chimiothérapie
Une étude marquante dirigée par le Dr David Kerr, en collaboration avec Genomic Health et le NSABP, a analysé 4 000 patients atteints de cancer colorectal. Cette recherche a identifié une signature spécifique d'expression de 7 gènes à partir de l'ARN tumoral. Cette signature permet de repérer avec précision les patients de stade 2 à haut risque de rechute, qui sont les plus susceptibles de bénéficier d'une chimiothérapie adjuvante. À l'inverse, elle identifie aussi ceux dont le pronostic est excellent, pour lesquels les risques de la chimiothérapie dépassent les bénéfices, leur évitant ainsi un traitement toxique après la chirurgie.
Prédiction de la toxicité chimiothérapique par la génétique du patient
Prédire l'efficacité du traitement ne représente qu'une partie de l'équation en médecine personnalisée. Le Dr David Kerr s'intéresse également à la prédiction de la toxicité, ou "toxnostique". Grâce à des études d'association pangénomique, son équipe a identifié des variants génétiques germinaux (SNP) qui indiquent quels patients sont les plus susceptibles de développer des effets secondaires graves, voire mortels, de la chimiothérapie. Ce profilage génétique permet aux oncologues d'ajuster préventivement les dosages ou, dans les cas extrêmes où le risque de décès est très élevé, d'éviter complètement la chimiothérapie pour un patient donné.
Profilage génétique à partir de tumeurs standard incluses en paraffine
Une avancée majeure qui rend cette science largement applicable est l'utilisation de blocs tumoraux standard inclus en paraffine. Le Dr David Kerr note que l'extraction d'ARN à partir de ces échantillons, couramment manipulés par tous les laboratoires de pathologie, est techniquement complexe mais réalisable. Cela élimine le besoin de tissu tumoral frais congelé, difficile à obtenir, rendant ainsi le profilage moléculaire sophistiqué accessible aux cliniques du monde entier, et pas seulement aux grands centres académiques comme Oxford. Le Dr Anton Titov confirme qu'il s'agit d'une réalisation essentielle pour démocratiser la médecine de précision.
Intégration des données tumorales et hôtes pour les décisions thérapeutiques
La vision la plus complète pour la prise de décision thérapeutique provient de l'intégration des données de la tumeur et de l'hôte—le patient. Le Dr David Kerr souligne que la génétique du cancer colorectal et celle du patient sont intimement liées. Une approche holistique, combinant la biologie tumorale et la réponse génétique du patient à la chimiothérapie, élève la médecine de précision à un nouveau niveau. Cette double analyse offre une perspective globale sur l'efficacité du traitement et la toxicité potentielle, guidant une prise en charge véritablement personnalisée.
Réduction de la chimiothérapie inutile dans le cancer du côlon de stade 2
L'impact clinique de ce profilage génétique est profond en matière de réduction de la surmédicalisation. Pour le cancer colorectal de stade 2, la majorité des patients subissent une chimiothérapie sans en tirer de bénéfice. La signature à 7 gènes répond directement à ce problème en identifiant le petit sous-groupe de patients à haut risque qui nécessitent un traitement, ainsi que le groupe plus large à faible risque de récidive, qui peuvent être épargnés de la toxicité, des inconvénients sociaux et des coûts financiers d'une chimiothérapie inutile.
L'avenir de l'oncologie personnalisée pour le cancer colorectal
Les travaux du Dr David Kerr annoncent un avenir où chaque plan de traitement du cancer colorectal sera adapté à l'individu. En appliquant le profilage génétique pour le pronostic et la prédiction de la toxicité, les oncologues peuvent maximiser l'efficacité thérapeutique tout en minimisant les effets indésirables. Cela représente l'apogée de l'oncologie personnalisée, garantissant que le bon patient reçoive le bon médicament à la bonne dose, améliorant ainsi les taux de survie et la qualité de vie des patients à travers le monde.
Transcription intégrale
Dr. Anton Titov, MD: Comment le profilage génétique du cancer colorectal aide-t-il à identifier les patients susceptibles de présenter une toxicité significative à la chimiothérapie ? Utilisation de l'ADN et de l'ARN tumoral et des données génétiques du patient pour prédire l'efficacité du traitement du cancer du côlon. Qui ne nécessitera pas de chimiothérapie systémique après résection du cancer colorectal primaire ?
Vous écrivez : « Nous devons traiter par chimiothérapie cent patients atteints d'un cancer colorectal de stade 2 pour en guérir 3 ou 4. Jusqu'à 40 % des patients traités pour un cancer du côlon souffriront d'une toxicité significative. Ils feront face à un inconvénient social distinct et souvent financier de la chimiothérapie ambulatoire pour cancer colorectal pendant six mois. »
Vous avez développé une méthode particulière de profilage génétique du cancer colorectal. Elle est utile pour identifier les patients atteints de cancer colorectal qui bénéficieraient le plus de la chimiothérapie. Pourriez-vous discuter de cette découverte en profilage génétique colorectal ? Comment aide-t-elle à la sélection d'une thérapie personnalisée du cancer colorectal ?
Dr. David Kerr, MD: Vous l'avez très bien résumé. Nous avons examiné des marqueurs pronostiques pour les patients atteints de cancer colorectal. Nous avons réalisé une vaste étude en collaboration avec la société Genomic Health. Nous avons extrait de l'ARN tumoral colorectal à partir de blocs tumoraux inclus en paraffine.
Pourquoi est-ce important ? Parce que tous les laboratoires de pathologie du monde sont très compétents pour manipuler ces spécimens. Cela nous donne une large base d'échantillons tumoraux sur laquelle travailler. Extraire l'ARN pour le profilage moléculaire à partir d'échantillons inclus est techniquement difficile, mais nous y sommes parvenus.
Nous avons collaboré avec Genomic Health et le NSABP, un grand groupe d'essais cliniques américain, pour étudier 4 000 patients atteints de cancer colorectal. Nous avons identifié un ensemble de 7 gènes.
Ces 7 gènes permettent d'identifier les patients de stade 2 les plus à risque de rechute. Le profil d'expression de ces gènes fournit des informations cruciales. Il repère les patients qui bénéficieront d'une chimiothérapie adjuvante après la chirurgie.
Ces mêmes gènes identifient aussi les patients dont le pronostic est excellent, avec un risque très faible de récidive. Ils ne tireraient aucun bénéfice d'une chimiothérapie adjuvante après l'ablation chirurgicale.
Comme vous l'avez mentionné, ce profilage génétique évite de surmédicaliser certains patients avec une chimiothérapie potentiellement toxique et inutile.
Il est important d'étudier les profils d'ARN dans les tumeurs, mais aussi la réponse du patient à la toxicité chimiothérapique. Cela aide à prédire les effets secondaires.
Nous venons de terminer une étude d'association pangénomique qui a identifié des variants génétiques germinaux (SNP). Cela nous indique quels patients sont les plus susceptibles de développer une toxicité grave ou mortelle. Nous appelons cela la "toxnostique".
Nous avons publié un article dans Nature Reviews sur cette méthode. Elle nous permet d'identifier à l'avance les patients à risque de toxicité sévère, afin de moduler les dosages de chimiothérapie.
Dans certains cas, nous pouvons même recommander d'éviter complètement la chimiothérapie lorsque le risque de décès par toxicité est très élevé.
Dr. Anton Titov, MD: Assembler un profil génétique de la tumeur et de l'hôte nous donne une image très complète. Nous pouvons ainsi identifier les patients qui bénéficieraient le plus de la chimiothérapie.
C'est un véritable exemple de médecine personnalisée. Vous étudiez à la fois la tumeur et le patient. Cette approche bidirectionnelle incarne le traitement moderne du cancer du côlon.
Dr. David Kerr, MD: Exactement ! Nous ne pouvons pas ignorer la génétique de la tumeur ni celle de l'"hôte", le patient. Les deux sont intimement liées. Nous devons traiter le patient dans sa globalité, et pas seulement la tumeur.
Nous ne pouvons pas traiter le cancer indépendamment du patient. Nous devons combiner la connaissance de la biologie tumorale avec la réponse génétique de l'hôte à la chimiothérapie.
Cette approche nous permet d'examiner les deux facettes du traitement. Elle élève la médecine de précision à un nouveau niveau, en intégrant l'efficacité et la toxicité pour une prise en charge optimale.
Dr. Anton Titov, MD: Comme vous l'avez souligné, aucune préparation spéciale de l'échantillon tumoral n'est requise. Ainsi, la préparation standard des biopsies ou des pièces opératoires peut être directement utilisée pour les tests génomiques.
Dr. David Kerr, MD: Le profilage moléculaire sur échantillons inclus en paraffine simplifie considérablement la démarche. Obtenir de grandes quantités de tissu tumoral frais congelé est difficile, même dans un centre sophistiqué comme Oxford.
Le transport rapide du tissu tumoral du patient vers le laboratoire pose souvent problème. Même notre excellent laboratoire de pathologie rencontre des difficultés à cet égard.
Dr. Anton Titov, MD: Le profilage génétique à partir de blocs en paraffine rend la science accessible à bien plus de laboratoires dans le monde.
C'est une réalisation très importante. Elle permet de traiter davantage de patients, de réduire la toxicité des traitements et d'améliorer l'efficacité thérapeutique.
Dr. David Kerr, MD: Nous appliquerons la médecine de précision au traitement du cancer du côlon. Nous identifierons de meilleurs facteurs pronostiques. Les marqueurs moléculaires tumoraux permettront de prédire le pronostic et la toxicité. Le profilage génétique guidera le choix de la meilleure thérapie pour chaque patient.