Le Dr Jack Cuzick, MD, expert de premier plan en prévention du cancer, explique comment la vaccination contre le papillomavirus humain (VPH) est une stratégie essentielle pour prévenir les cancers oropharyngés, pénien et anal. Il détaille les difficultés à prouver son efficacité pour les cancers de la tête et du cou, en raison de l’absence de lésions précancéreuses identifiables, et souligne l’importance de vacciner garçons et filles pour une protection plus large.
Vaccination contre le HPV : prévention des cancers de la gorge, de la bouche et autres
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- Incidence croissante des cancers liés au HPV
- Défis liés à la preuve d’efficacité vaccinale
- Nécessité de la vaccination masculine contre le HPV
- Cancers liés au HPV au-delà du col de l’utérus
- Vaccins anti-HPV à large spectre ou ciblés
- Enjeux de santé publique et perspectives
Incidence croissante des cancers liés au HPV
Les cancers oropharyngés, incluant ceux de la langue, de la bouche, du larynx et du pharynx, ont considérablement augmenté au cours des deux ou trois dernières décennies. Le Dr Jack Cuzick confirme qu’une grande partie de ces cancers de la tête et du cou est directement causée par le papillomavirus humain (HPV), le même agent responsable du cancer du col de l’utérus. Cette évolution épidémiologique souligne un problème de santé publique grandissant, élargissant les enjeux de prévention du HPV au-delà de la seule santé gynécologique.
Défis liés à la preuve d’efficacité vaccinale
Bien que la vaccination anti-HPV soit supposée prévenir ces cancers, le Dr Jack Cuzick souligne la difficulté d’en apporter une preuve directe. Pour le cancer du col, les professionnels de santé peuvent détecter et éradiquer les lésions précancéreuses, ce qui constitue un indicateur solide de l’efficacité préventive du vaccin. En revanche, les cancers de la tête et du cou ne présentent pas de lésion précancéreuse clairement identifiable. De plus, ces cancers liés au HPV n’apparaissent généralement qu’à partir de 50 ou 60 ans, ce qui signifie qu’il faudra des décennies pour obtenir des données concluantes sur l’effet préventif du vaccin contre le cancer oropharyngé.
Nécessité de la vaccination masculine contre le HPV
Cette longue période de latence soulève des questions cruciales sur les stratégies vaccinales. Le Dr Jack Cuzick plaide en faveur de la vaccination des garçons, et pas seulement des filles. Il note que les verrues génitales, également causées par le HPV, sont en réalité plus fréquentes chez les hommes. Vacciner les garçons leur procure un bénéfice direct tout en contribuant à l’immunité collective, protégeant ainsi l’ensemble de la population contre la propagation des souches oncogènes du HPV.
Cancers liés au HPV au-delà du col de l’utérus
L’entretien avec le Dr Anton Titov révèle que la protection offerte par le vaccin anti-HPV va bien au-delà des cancers du col et de l’oropharynx. Le Dr Cuzick cite d’autres tumeurs malignes significatives liées au HPV, comme les cancers du pénis et de l’anus. Prévenir ces cancers constitue un avantage majeur, souvent sous-estimé, des programmes de vaccination généralisée, offrant une protection élargie contre diverses pathologies graves pour tous les individus.
Vaccins anti-HPV à large spectre ou ciblés
Le Dr Jack Cuzick aborde la question des cibles virales de la vaccination. Il note que si de nombreux cancers sont principalement associés au HPV de type 16 (et, dans une moindre mesure, au type 18), le cancer du col est lié à une gamme plus variée de types viraux. Un vaccin ciblant uniquement le type 16 pourrait être très efficace pour prévenir certains cancers. Toutefois, le Dr Cuzick préconise l’usage d’un vaccin à large spectre. Cette approche protège également contre les types 6 et 11, responsables des verrues génitales, offrant ainsi une protection complète contre les conséquences cancéreuses et non cancéreuses de l’infection par le HPV.
Enjeux de santé publique et perspectives
Les observations du Dr Cuzick ont des implications majeures pour les politiques de santé publique. Adopter une stratégie universelle de vaccination anti-HPV pour tous les adolescents, quel que soit leur sexe, est la démarche la plus rationnelle et efficace. Cette approche maximise la prévention de multiples cancers et autres affections liées au HPV. Comme en discutent le Dr Anton Titov et le Dr Jack Cuzick, les bénéfices complets de la prévention ne se révéleront pleinement que dans les décennies à venir, confirmant la vaccination anti-HPV comme l’un des outils les plus puissants de l’oncologie préventive moderne.
Transcript intégral
Dr. Anton Titov, MD: Les cancers oropharyngés – cancer de la langue, de la bouche, du larynx et du pharynx – ont augmenté au cours des 20 à 30 dernières années. Ces cancers buccaux sont également causés par le papillomavirus humain (HPV), le même virus responsable du cancer du col de l’utérus.
Des progrès récents ont été réalisés dans la vaccination anti-HPV et le dépistage du cancer du col. Le vaccin anti-HPV est désormais plus accessible pour les femmes.
Que peut-on faire pour prévenir les cancers oropharyngés ? Comment prévenir le cancer de la langue, du larynx et du pharynx, en particulier chez les hommes ?
Dr. Jack Cuzick, MD: Il est tout à fait exact qu’une large proportion des cancers oropharyngés et des cancers de la base de la langue sont liés au HPV. Le vaccin anti-HPV devrait prévenir ces cancers. Plusieurs raisons expliquent pourquoi nous ne pouvons en être absolument certains.
Pour le cancer du col, nous disposons d’une méthode de détection des lésions précancéreuses. Nous pouvons observer et éradiquer ces lésions, ce qui nous permet d’être quasiment certains de prévenir le cancer lui-même, même si nous n’en avons pas encore la preuve directe. Le mécanisme est bien compris.
Pour les cancers de la tête et du cou, il n’existe pas de lésion précancéreuse identifiable. De plus, ces cancers ne se déclarent généralement qu’à partir de 50 ou 60 ans. Il faudra donc beaucoup de temps pour évaluer les effets du vaccin anti-HPV sur le cancer du larynx ou du pharynx.
Cela soulève d’importantes questions sur la vaccination, qui ne devrait pas concerner uniquement les filles, mais aussi les garçons. Les verrues génitales sont d’ailleurs plus fréquentes chez les hommes. La vaccination anti-HPV à un jeune âge présente un bénéfice majeur.
D’autres cancers sont concernés : outre ceux de la tête et du cou et de l’oropharynx, il y a les cancers du pénis et certains cancers anaux, également liés au HPV. Ces cancers devraient aussi bénéficier de l’éradication du virus grâce à la vaccination.
En réalité, l’effet protecteur contre le cancer pourrait être encore plus marqué, car la majorité de ces cancers sont associés au type 16 du HPV, tandis que le cancer du col implique une gamme plus variée de types viraux. Un vaccin ciblant spécifiquement le type 16 pourrait donc être très efficace.
Cependant, la solution la plus sensée est d’utiliser un vaccin à large spectre. Si l’on souhaite prévenir les verrues génitales, il faut inclure les types 6 et 11. Pour les autres cancers, principalement liés aux types 16 et 18, un vaccin unique pour tous reste la meilleure option.
Dr. Anton Titov, MD: Cela fonctionnerait pour la prévention des cancers oropharyngés ?
Dr. Jack Cuzick, MD: Oui.