À partir de quand considère-t-on le cancer du sein comme guéri ? Une guérison est-elle réellement possible ?

On parle généralement de guérison lorsqu’aucun signe de la maladie

À partir de quand considère-t-on le cancer du sein comme guéri ? Une guérison est-elle réellement possible ? On parle généralement de guérison lorsqu’aucun signe de la maladie

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Le Dr Marc Lippman, MD, expert de renom en cancérologie mammaire, éclaire la notion de guérison en oncologie. Il souligne que le seuil des cinq ans sans récidive ne représente pas une norme universelle de rémission. Le Dr Lippman indique que le cancer du sein à récepteurs œstrogéniques positifs, sous-type le plus courant, pourrait ne jamais être déclaré définitivement guéri. Les patientes peuvent porter des cellules cancéreuses dormantes pendant des décennies. Des facteurs liés au mode de vie, tels que l’obésité, le stress et le diabète, peuvent réactiver ces cellules et entraîner une rechute tardive. Le Dr Marc Lippman, MD, cite des données probantes issues d’essais randomisés : la gestion du stress et la perte de poids réduisent significativement le risque de récidive. Il expose également les raisons justifiant une prolongation de l’hormonothérapie au-delà de cinq ans.

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Comprendre la guérison du cancer du sein et les risques de récidive à long terme

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Mythe du cap des cinq ans

Le Dr Marc Lippman remet en question l’idée répandue selon laquelle l’absence de cancer pendant cinq ans équivaut à une guérison. Il souligne que ce délai de cinq ans n’est pas une certitude biologique, mais plutôt une convention clinique. Les délais pour considérer un patient comme guéri varient considérablement selon les types de cancer. Par exemple, le cancer du testicule peut être considéré comme guéri après deux ans sans récidive, tandis que les cancers de la tête et du cou nécessitent souvent trois ans. Les leucémies aiguës et les lymphomes à cellules B ont également leurs propres délais, généralement plus courts. La règle des cinq ans est donc un repère pratique, mais imparfait.

Réalité du cancer du sein RH-positif

Le Dr Marc Lippman expose une réalité préoccupante concernant le sous-type le plus fréquent de cancer du sein. Selon lui, les patientes atteintes d’un cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs (RH-positif) pourraient ne jamais être considérées comme définitivement guéries. Cette affirmation s’appuie sur des études portant sur plus de 100 000 femmes, qui montrent que les taux de récidive continuent d’augmenter de façon linéaire pendant 25 ans après le traitement initial. Ce schéma persiste même après cinq ans de traitement endocrinien standard. Aucune donnée statistique ne vient étayer l’existence d’un plateau de guérison pour cette maladie, et le risque de récidive tardive demeure présent pendant des décennies.

Cellules cancéreuses dormantes dans la moelle osseuse

La persistance de cellules cancéreuses explique le risque continu de récidive. Le Dr Lippman indique que presque toutes les patientes atteintes d’un cancer du sein RH-positif précoce présentent des cellules cancéreuses dans leur moelle osseuse. Ces cellules peuvent rester viables mais dormantes pendant de nombreuses années. L’enjeu clinique n’est donc pas d’éradiquer chaque cellule cancéreuse—ce que les traitements actuels ne permettent pas—mais plutôt de gérer une coexistence prolongée avec ces cellules dormantes. La question centrale est de comprendre ce qui provoque leur réactivation des années, voire des décennies plus tard.

Le Dr Marc Lippman souligne qu’il s’agit d’un axe majeur de ses recherches, visant à élucider les mécanismes biologiques de la dormance et de la réactivation des cellules cancéreuses.

Facteurs liés au mode de vie et risque de récidive

Les facteurs macro-environnementaux jouent un rôle crucial dans la récidive du cancer. Le Dr Lippman identifie plusieurs conditions modifiables qui augmentent ce risque : l’obésité, le syndrome métabolique et le diabète sont fortement associés à une hausse des récidives. Les facteurs psychologiques, tels que la dépression et le stress excessif, ont également un impact significatif. Ces éléments peuvent influencer la survenue d’une récidive plusieurs années, voire décennies, après le diagnostic initial. Leur effet démontre que des cellules cancéreuses viables subsistent dans l’organisme. Le mystère réside dans la manière dont ces conditions systémiques communiquent avec les cellules cancéreuses dormantes.

Le Dr Anton Titov aborde cette question avec le Dr Lippman, explorant comment une cellule cancéreuse logée dans la moelle osseuse peut « percevoir » des changements dans l’alimentation ou le niveau de stress d’une patiente.

Impact des thérapies de gestion du stress

Des essais cliniques randomisés apportent des preuves convaincantes en faveur d’interventions non pharmacologiques. Le Dr Marc Lippman cite des résultats remarquables d’études sur la gestion du stress : les femmes ayant participé à des programmes comme la thérapie cognitivo-comportementale présentaient des taux de récidive plus bas. Seulement 12 semaines de thérapie visant à réduire la détresse ont montré des bénéfices persistants une décennie plus tard. Il ne s’agit pas de croyances, mais de données issues d’essais rigoureux. De même, la perte de poids après le diagnostic ou le traitement efficace du diabète sont associés à une réduction du risque de récidive. Ces interventions constituent des moyens puissants de prévention secondaire.

Justification du traitement endocrinien prolongé

Le risque persistant de récidive tardive influence la durée du traitement. Le Dr Marc Lippman explique pourquoi il peut être justifié de poursuivre le traitement endocrinien au-delà de cinq ans. Des essais cliniques ont exploré l’administration d’inhibiteurs de l’aromatase jusqu’à dix ans, une approche biologiquement pertinente compte tenu du risque continu. L’objectif est de supprimer le microenvironnement susceptible de réactiver les cellules dormantes, pour autant que la toxicité du traitement reste gérable. Heureusement, le taux annuel de récidive est relativement faible, mais le risque cumulé sur des décennies rend la suppression hormonale à long terme une stratégie précieuse.

Le Dr Marc Lippman partage ces informations essentielles lors de sa conversation avec le Dr Anton Titov, abordant les complexités de l’obtention d’une rémission durable dans le cancer du sein.

Transcript intégral

Dr Anton Titov : J’aimerais aborder un point que vous avez effleuré, car il me semble crucial. Pour des raisons culturelles plus que biologiques, beaucoup croient aux États-Unis que cinq ans sans maladie signifient une guérison définitive. Cinq ans sont devenus une sorte de référence pour être considéré comme guéri d’un cancer. Et c’est un bon repère pour certains cancers—par exemple, après cinq ans sans récidive d’un cancer colorectal, le risque devient très faible.

Dr Marc Lippman : Mais rien n’est gravé dans le marbre concernant ces cinq ans. Prenons le cancer du testicule, le plus fréquent chez les jeunes hommes : deux ans sans récidive suffisent généralement pour parler de guérison. Pour les cancers de la tête et du cou, trois ans sont souvent suffisants. Pour la leucémie aiguë ou les lymphomes à cellules B, quelques années suffisent généralement.

En revanche, pour le cancer du sein RH-positif—le sous-type le plus courant—la réponse est probablement que vous n’êtes jamais tout à fait guéri. Je le répète : jamais guéri.

Des études portant sur plus de 100 000 femmes montrent que les taux de récidive continuent d’augmenter linéairement pendant 25 ans après cinq ans de traitement endocrinien (chirurgie, tamoxifène ou inhibiteur de l’aromatase). Aucune preuve ne vient étayer un plateau de guérison.

Bien sûr, si une patiente est diagnostiquée à 60 ans, le risque persistant peut sembler secondaire, car d’autres causes de décès peuvent survenir. Mais le fait est là : regardez la moelle osseuse de femmes atteintes d’un cancer du sein RH-positif précoce considérées comme « guéries », et vous trouverez presque toujours des cellules cancéreuses.

Le vrai défi n’est donc pas d’éliminer chaque cellule cancéreuse—c’est impossible avec les traitements actuels—mais de vivre avec ces cellules dormantes, qui peuvent malheureusement se réactiver chez certaines.

On parle souvent de dormance, mais nous savons que ces cellules sont présentes. Et nous savons aussi que de nombreux facteurs survenant des années après le diagnostic—obésité, syndrome métabolique, diabète, dépression, stress excessif—augmentent les taux de récidive. La seule explication est que des cellules cancéreuses viables subsistent.

L’un des grands mystères—et un de mes domaines de recherche—est de comprendre comment ces facteurs macro-environnementaux communiquent avec le cancer.

Dr Anton Titov : Comment une cellule cancéreuse dans la moelle osseuse « sait-elle » que vous avez passé une mauvaise journée ? Ou que vous avez mangé une pizza au pepperoni plutôt qu’une salade de kale ?

Dr Marc Lippman : C’est une question fondamentale, et elle ouvre la voie à d’autres moyens de prévention. Ce ne sont pas des croyances : des essais randomisés le confirment. Les femmes qui perdent du poids ont moins de récidives. Celles dont le diabète est bien traité aussi. Et les programmes de gestion du stress donnent des résultats stupéfiants : 12 semaines de thérapie cognitivo-comportementale réduisant la détresse—bénéfique pour tous—peuvent diminuer le risque de cancer dix ans plus tard. Les données sont solides.

Dr Marc Lippman : Cela éclaire aussi la durée du traitement hormonal. Prolonger le traitement endocrinien au-delà de cinq ans—voire jusqu’à dix ans avec des inhibiteurs de l’aromatase—a du sens, à condition que la toxicité soit acceptable. Nous ne parvenons pas à éradiquer toutes les cellules cancéreuses pour le cancer RH-positif, et les rechutes surviennent—heureusement à un taux raisonnable—pendant des décennies.