Le Dr Marc Lippman, MD, expert de renommée mondiale dans le cancer du sein, décrypte le rôle complexe des progestatifs et des antiprogestatifs dans la prise en charge de cette maladie. Il analyse les défis cliniques et politiques liés aux médicaments antiprogestatifs, tels que le RU-486. Le Dr Lippman évoque également les résultats modérés des antiprogestatifs et le potentiel croissant des thérapies anti-androgènes, notamment pour le cancer du sein triple négatif.
Thérapies antiprogestatives et antiandrogènes dans le traitement du cancer du sein
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- Traitement du cancer du sein par antiprogestérones
- Enjeux politiques du RU-486
- Efficacité clinique des antiprogestérones
- Récepteur aux androgènes dans le cancer du sein
- Traitement antiandrogène pour le cancer triple négatif
- Avenir des traitements du cancer du sein
- Transcript intégral
Traitement du cancer du sein par antiprogestérones
Le Dr Marc Lippman présente le concept d’antagonisme des progestérones pour traiter le cancer du sein. Il explique que les médicaments antiprogestatifs agissent sur les cellules cancéreuses mammaires de façon similaire aux anti-œstrogènes. Cette approche est biologiquement justifiée, car de nombreux cancers du sein expriment à la fois des récepteurs à la progestérone et des récepteurs aux œstrogènes.
Enjeux politiques du RU-486
Le développement des antiprogestérones s’est inscrit dans un contexte très politisé. Le Dr Marc Lippman souligne que les médicaments bloquant l’action de la progestérone, comme le RU-486, sont particulièrement efficaces pour provoquer des avortements chez les femmes préménopausées. Ces agents ont initialement été développés par des organisations comme le Population Council comme contraceptifs peu coûteux ou pilules du « lendemain ».
Cette association leur a valu une réputation défavorable. Le Dr Lippman note que ce contexte politique a compliqué la réalisation d’études cliniques dans certaines cultures, freinant potentiellement la recherche sur leurs applications en oncologie.
Efficacité clinique des antiprogestérones
Malgré ces obstacles, les antiprogestérones ont démontré une certaine activité en tant qu’agents stéroïdiens dans le traitement du cancer du sein. Le Dr Marc Lippman qualifie leurs résultats de « modestes ». Les données cliniques, sans être spectaculaires, confirment la pertinence scientifique de cibler la voie du récepteur à la progestérone.
Le Dr Anton Titov aborde ce sujet avec le Dr Lippman, qui confirme qu’il est logique de poursuivre cette piste thérapeutique, compte tenu du profil récepteur de nombreuses tumeurs.
Récepteur aux androgènes dans le cancer du sein
La discussion avec le Dr Anton Titov s’oriente vers une autre voie hormonale. Le Dr Marc Lippman évoque ses propres travaux fondateurs dans ce domaine, rappelant que son équipe a été la première à détecter des récepteurs aux androgènes dans le cancer du sein il y a près de 50 ans. Ces recherches, publiées dans les années 1970, ont établi la présence de ce récepteur dans les cellules cancéreuses mammaires.
Cette découverte historique a posé les bases pour comprendre l’ensemble des influences hormonales sur la croissance du cancer du sein et identifier des cibles thérapeutiques au-delà des œstrogènes et de la progestérone.
Traitement antiandrogène pour le cancer triple négatif
Le ciblage du récepteur aux androgènes représente aujourd’hui une approche émergente en cancérologie mammaire. Le Dr Marc Lippman met en lumière des essais récents utilisant des antiandrogènes non virilisants, c’est-à-dire ne provoquant pas de traits masculins chez les femmes. Ces agents ont obtenu des résultats prometteurs.
Un intérêt particulier réside dans leur application au cancer du sein triple négatif, un sous-type dépourvu de récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone et au HER2, qui disposait jusqu’alors de peu d’options thérapeutiques ciblées. Le Dr Lippman décrit ce champ de recherche comme une histoire en cours d’écriture.
Avenir des traitements du cancer du sein
L’échange entre le Dr Anton Titov et le Dr Marc Lippman souligne l’évolution continue de l’hormonothérapie dans le cancer du sein. Bien que les antiprogestérones rencontrent des obstacles spécifiques, le principe d’antagonisme des voies hormonales reste pertinent.
L’exploration des traitements antiandrogènes ouvre une perspective encourageante, notamment pour les cancers difficiles à traiter. Ces recherches visent à offrir aux patientes des options plus ciblées et efficaces, adaptées aux caractéristiques biologiques de leurs tumeurs.
Transcript intégral
Dr Marc Lippman, MD: Qu’en est-il de l’antagonisme des progestérones ? Tout comme les anti-œstrogènes, les antiprogestérones peuvent agir sur le cancer du sein.
Il existe effectivement certaines antiprogestérones. Leur développement s’est déroulé dans un climat très politisé, car un médicament bloquant l’action de la progestérone est parfait pour provoquer un avortement chez les femmes préménopausées.
Ces médicaments, comme le RU-486 et d’autres, ont été développés par des organisations telles que le Population Council comme contraceptifs peu coûteux ou pilules du lendemain. Ils ont acquis une mauvaise réputation, ce qui a rendu difficile la conduite d’études dans certaines cultures.
Les antiprogestérones dans le traitement du cancer du sein n’ont connu qu’un succès modeste. Elles possèdent une activité stéroïdienne, mais n’ont pas été très efficaces. Votre raisonnement est logique : de nombreux cancers du sein sont positifs pour les récepteurs à la progestérone en plus des récepteurs aux œstrogènes.
On pourrait en dire autant des médicaments ciblant le récepteur aux androgènes. Nous avons été les premiers à démontrer — il y a presque 50 ans, je m’en rends compte — qu’il était facile de détecter des récepteurs aux androgènes dans le cancer du sein. Nous avons publié ces résultats dans les années 1970.
Plus récemment, des essais ont évalué des antiandrogènes non virilisants chez des femmes atteintes d’un cancer du sein, en particulier triple négatif. Certains succès ont été observés, et cette histoire est encore en cours.