Cette revue exhaustive indique que les nodules thyroïdiens sont extrêmement fréquents, détectés chez jusqu'à 70 % des personnes par échographie, mais seulement 7 à 15 % d'entre eux sont cancéreux. L'article détaille une approche systématique d'évaluation comprenant l'examen clinique, le dosage sanguin de la TSH, l'imagerie échographique et, si nécessaire, la cytoponction à l'aiguille fine (CPAF). Les principales recommandations incluent l'absence de bénéfice d'un dépistage systématique du cancer pour la plupart des personnes, l'utilité des tests moléculaires pour clarifier les biopsies incertaines, et la nécessité d'adapter les décisions thérapeutiques en fonction des facteurs de risque et des préférences du patient.
Comprendre les nodules thyroïdiens : diagnostic et traitement pour les patients
Table des matières
- Introduction : Que sont les nodules thyroïdiens ?
- Quelle est la fréquence des nodules thyroïdiens ?
- Facteurs de risque de cancer de la thyroïde
- Approche d'évaluation complète
- Antécédents médicaux et examen physique
- Examens biologiques
- Examens d'imagerie
- Cytoponction à l'aiguille fine (CPAF)
- Avancées des tests moléculaires
- Options de traitement et de prise en charge
- Surveillance et suivi à long terme
- Limitations et considérations de l'étude
- Recommandations aux patients
- Informations sur la source
Introduction : Que sont les nodules thyroïdiens ?
Les nodules thyroïdiens sont une affection très fréquente caractérisée par des excroissances anormales au sein de la glande thyroïde, située à la base du cou. Ils peuvent être solides ou liquidiens, et leur découverte varie : certains sont palpables, d'autres sont découverts fortuitement lors d'examens d'imagerie pour d'autres raisons.
L'identification des nodules thyroïdiens est importante pour évaluer la fonction thyroïdienne, détecter d'éventuels symptômes compressifs et, surtout, exclure un cancer. Bien que la majorité des nodules soient bénins, environ 7 à 15 % s'avèrent malins, ce qui rend une évaluation rigoureuse essentielle.
Quelle est la fréquence des nodules thyroïdiens ?
Les nodules thyroïdiens sont extrêmement fréquents dans la population générale. Environ 5 % des personnes présentent des nodules palpables à l'examen clinique. Cependant, grâce à la sensibilité supérieure de l'échographie, des nodules sont détectés chez jusqu'à 70 % des individus.
La prévalence augmente avec l'âge. Fait notable, lorsque des nodules sont découverts incidemment lors d'une TEP réalisée pour d'autres motifs, le risque de malignité atteint 35 %, soit un taux significativement plus élevé que pour les nodules détectés par d'autres méthodes.
La plupart des nodules se développent à partir des cellules folliculaires thyroïdiennes. Les nodules bénins, qu'ils soient solitaires ou dans le cadre d'un goitre multinodulaire, sont les plus courants. Les cancers thyroïdiens incluent le carcinome papillaire (environ 85 % des cas), le carcinome folliculaire et à cellules de Hürthle (12 %), le carcinome médullaire (2 %) et le carcinome anaplasique (moins de 1 %).
Facteurs de risque de cancer de la thyroïde
Certains facteurs augmentent significativement le risque qu'un nodule soit cancéreux :
- Exposition aux radiations : Irradiation cervico-faciale durant l'enfance, irradiation corporelle totale pour greffe de moelle, retombées radioactives, ou expositions professionnelles ou thérapeutiques (traitement de l'acné, angiomes).
- Antécédents familiaux : Cancer thyroïdien chez un parent au premier degré, ou syndromes génétiques (syndrome de Cowden, complexe de Carney, NEM2, syndrome de Werner, polypose familiale).
- Caractéristiques du nodule : Croissance rapide ou augmentation de taille.
- Facteurs démographiques : Sexe masculin, âge inférieur à 20 ans ou supérieur à 70 ans.
- Signes cliniques : Adénopathies cervicales, dysphonie, nodule dur/irrégulier ou fixé aux tissus adjacents.
- Résultats paracliniques : TSH en limite haute ou élevée, signes échographiques suspects, fixation en TEP, ou calcitonine sérique > 50-100 pg/mL.
Malgré ces facteurs, le cancer thyroïdien a généralement un excellent pronostic, avec un taux de survie à 5 ans de 96,1 %, grâce notamment au carcinome papillaire, forme la plus fréquente et la plus traitable.
Approche d'évaluation complète
L'évaluation des nodules thyroïdiens repose sur quatre piliers :
- Antécédents et examen clinique
- Dosage sérique de la TSH
- Échographie thyroïdienne réalisée par un spécialiste
- CPAF si indiquée, en fonction de la taille et des caractéristiques du nodule
Si la TSH est basse, une scintigraphie au technétium-99 peut être proposée pour identifier des nodules hyperfixants (« chauds »), rarement cancéreux, ou un goitre toxique multinodulaire.
Le dépistage systématique du cancer thyroïdien n'est pas recommandé pour la population générale, sauf pour les personnes à haut risque (antécédents d'irradiation ou syndromes génétiques).
Antécédents médicaux et examen physique
Face à un nodule thyroïdien, le méprocède à un interrogatoire complet et un examen physique, incluant la palpation de la thyroïde et des ganglions cervicaux.
Le cancer thyroïdien se présente souvent comme un nodule indolore, parfois de croissance insidieuse. Une croissance rapide et douloureuse peut évoquer un cancer agressif ou une thyroïdite subaiguë. Une augmentation brutale avec douleur suggère une hémorragie intranodulaire, rarement maligne. Une dysphonie peut indiquer une atteinte du nerf récurrent. Les symptômes compressifs incluent dysphagie, gêne cervicale nocturne, et plus rarement dyspnée ou wheezing.
À l'examen, les nodules sont caractérisés par leur taille, localisation et consistance. Une fermeté, une fixation, une dysphonie ou des adénopathies sont évocateurs de malignité, mais souvent absents.
Examens biologiques
Le dosage de la TSH est systématique. Un taux bas évoque un nodule hyperfonctionnel ou un goitre toxique, nécessitant le dosage des hormones libres T4L et T3L. Une TSH supprimée avec T4L/T3L normaux définit l'hyperthyroïdie subclinique, associée à un risque accru de fibrillation auriculaire et d'ostéoporose.
Une TSH élevée suggère une thyroïdite de Hashimoto, et peut être associée à un risque accru de malignité. Le dosage des anticorps antithyroïdiens n'est indiqué qu'en cas de suspicion de maladie auto-immune. La calcitonine sérique n'est dosée que dans des contextes spécifiques (syndromes familiaux, discordance radio-cyto-anatomique).
Examens d'imagerie
Tout nodule palpable ou fortuit doit bénéficier d'une échographie thyroïdienne réalisée par un spécialiste, permettant de documenter la taille, la localisation et les caractéristiques des nodules, et de détecter des lésions non palpables.
Les signes échographiques suspects de malignité incluent : solidité, forme plus haute que large, hypoéchogénicité, contours irréguliers, microcalcifications, absence de halo, hypervascularisation. Les nodules kystiques purs, avec échos en queue de comète ou aspect spongiforme, sont généralement bénins.
L'échographie permet une classification en catégories de risque (guidelines ATA ou TI-RADS) pour orienter la décision de CPAF.
La scintigraphie thyroïdienne (technétium-99) est réservée aux cas de TSH basse, pour évaluer la fonction nodulaire. Elle ne doit pas être réalisée si la TSH est normale ou élevée.
En cas de goitre compressif, un scanner sans contraste peut évaluer l'extension rétrosternale et la compression trachéale. L'utilisation de contraste iodé est discutée car elle retarde d'environ 2 mois un éventuel traitement par iode radioactif.
Cytoponction à l'aiguille fine (CPAF)
La CPAF permet une évaluation cytologique visant à réduire les chirurgies inutiles et à optimiser la prise en charge des cancers. Selon les recommandations ATA 2015, elle est indiquée pour les nodules ≥ 1,5 cm, ou ≥ 1,0 cm s'ils présentent des signes échographiques de risque intermédiaire ou élevé.
L'exploration des nodules < 1,0 cm n'a pas prouvé son bénéfice pronostique. Les ganglions suspects doivent être ponctionnés, avec dosage de la thyroglobuline dans le rinçage de l'aiguille (présence anormale en cas de métastase).
Pour les nodules de très faible risque (spongiformes ou kystiques purs), la CPAF peut être limitée aux lésions ≥ 2,0 cm, ou une surveillance peut être proposée, notamment en cas de contre-indication chirurgicale.
Dans un goitre multinodulaire, chaque nodule est évalué individuellement pour la CPAF. Si aucune ponction n'est indiquée, une échographie de contrôle peut être programmée à 12-24 mois.
Les résultats cytologiques sont classés selon le système de Bethesda : bénins (70 %), indéterminés (10-15 %), ou non diagnostiques (15 %). Le taux de prélèvements non interprétables peut être réduit par une technique rigoureuse : guidage échographique, multiples passages, ciblage des zones solides, vérification per-procédure, et interprétation par un cytopathologiste expérimenté.
Avancées des tests moléculaires
L'analyse moléculaire du matériel de CPAF (encore peu disponible en Australie) permet d'affiner la sélection des nodules pour la chirurgie en recherchant des mutations associées au cancer. Ces tests aident à distinguer les lésions bénignes des malignes en cas de cytologie indéterminée.
Le test Afirma analyse l'expression de 167 gènes, avec une valeur prédictive négative de 94-95 %, permettant d'éviter une chirurgie inutile. ThyGenX identifie des altérations dans 8 gènes, avec une VPN de 94 % et une VPP de 74 %. ThyroSeq v2 couvre un spectre plus large de mutations, avec des performances prometteuses mais nécessitant une validation supplémentaire en pratique courante.
Options de traitement et de prise en charge
Un nodule chaud ou un goitre toxique avec TSH supprimée sont généralement traités par iode radioactif (131I). La chirurgie peut être préférée pour les lésions volumineuses, suspectes, ou chez les jeunes patients.
Une thyroïdectomie totale est indiquée pour les cytologies malignes ou suspectes, et peut être envisagée pour les cytologies indéterminées en contexte de haut risque ou avec marqueurs moléculaires péjoratifs.
Historiquement, la thyroïdectomie totale était le standard en Australie. Les dernières guidelines ATA permettent désormais une hémithyroïdectomie pour les cancers de faible risque ≤ 4,0 cm, avec une décision individualisée.
Par exemple, moins de 10 % des microcarcinomes papillaires < 1,0 cm progressent à 10 ans, sans décès rapporté. Les carcinomes folliculaires minimalement invasifs < 4,0 cm peuvent également être traités par lobectomie.
Un curage ganglionnaire compartment-oriented est nécessaire en cas d'envahissement, surtout pour les carcinomes papillaires et médullaires. Le curage prophylactique reste controversé. L'exérèse complète est idéale, pouvant nécessiter des résections étendues en l'absence de métastases.
Surveillance et suivi à long terme
Une lobectomie peut être proposée en cas d'incertitude diagnostique ou selon la préférence du patient. Une surveillance est raisonnable en cas de risque chirurgical élevé ou d'espérance de vie limitée.
Pour les cytologies indéterminées sous surveillance, une échographie de contrôle à 6-12 mois est recommandée, avec répétition de la CPAF en cas d'augmentation de 50 % du volume ou de 20 % dans deux dimensions avec un gain ≥ 2 mm.
Chez un patient jeune avec un nodule volumineux ou évolutif, la chirurgie peut être préférée à la surveillance si une ablation future semble probable.
La prise en charge des nodules > 4,0 cm cytologiquement bénins est débattue. Les études montrent un taux de cancer de 10,5 % pour les nodules 1,0-1,9 cm, 15 % pour ceux > 2,0 cm, et 22 % pour ceux > 4,0 cm, avec un taux de faux négatifs de 10,4 %.
Pour les nodules bénins (risque de malignité 0-3 %), une échographie de contrôle à 12-24 mois est raisonnable, avec répétition de la CPAF en cas de croissance. Si la cytologie reste bénigne, une surveillance supplémentaire n'est nécessaire qu'en cas de modification clinique ou échographique.
Le traitement freinateur par thyroxine n'est pas recommandé, faute d'efficacité démontrée et en raison de ses effets indésirables.
Limitations et considérations de l'étude
Cette revue souligne plusieurs limites dans la compréhension des nodules thyroïdiens. Malgré leur fréquence, il manque des essais randomisés pour guider la prise de décision, en partie à cause du bon pronostic général du cancer thyroïdien.
Les recommandations (comme celles de l'ATA) reposent largely sur des études observationnelles et l'avis d'experts. Le principal défi est d'identifier les nodules malins tout en évitant la surmédicalisation (échographies, CPAF, chirurgies inutiles).
Cet équilibre doit tenir compte de l'augmentation réelle de l'incidence du cancer thyroïdien ces 30 dernières années, liée non seulement au surdiagnostic mais aussi à des facteurs modifiables comme l'obésité et des expositions environnementales.
Recommandations pour les patients
Les patients avec des nodules thyroïdiens devraient :
- Bénéficier d'une évaluation complète : examen clinique, TSH, échographie spécialisée, et CPAF si indiquée
- Comprendre que la majorité des nodules sont bénins (seulement 7-15 % cancéreux)
- Savoir que le cancer thyroïdien a généralement un excellent pronostic
- Discuter de leurs facteurs de risque personnels avec leur médecin
- Envisager un test moléculaire en cas de biopsie indéterminée
- Participer aux décisions thérapeutiques, personnalisées à leur situation
- Respecter les calendriers de suivi recommandés
- Éviter un dépistage systématique sauf en cas de facteurs de risque élevés
Une communication ouverte avec l'équipe soignante et le recours à des spécialistes expérimentés sont essentiels.
Information sur la source
Titre de l'article original : Thyroid nodules: diagnosis and management
Auteurs : Rosemary Wong, Stephen G. Farrell, Mathis Grossmann
Publication : Medical Journal of Australia
Note : Cet article adapté aux patients est basé sur des recherches évaluées par des pairs publiées dans le Medical Journal of Australia et représente une traduction complète du contenu scientifique original à des fins éducatives.