L'histiocytose lymphohistiocytaire hémophagocytaire (HLH) est un syndrome inflammatoire potentiellement mortel caractérisé par une hyperactivité dangereuse du système immunitaire, conduisant à une défaillance multiviscérale et au décès en l’absence d’une prise en charge rapide. Ce trouble se présente sous des formes génétiques, touchant principalement les nourrissons, et des formes acquises, déclenchées par des infections, des cancers ou des maladies auto-immunes chez l’adulte. Bien que traitable, la HLH reste sous-diagnostiquée à l’échelle mondiale, entraînant de nombreux décès évitables. Une meilleure sensibilisation et un dosage précoce de la ferritine chez les patients présentant des tableaux septiques réfractaires pourraient sauver de nombreuses vies.
Comprendre la lymphohistiocytose hémophagocytaire (LHH) : une affection inflammatoire potentiellement mortelle
Table des matières
- Qu'est-ce que la LHH et pourquoi est-elle importante
- Types de LHH : formes génétiques versus acquises
- Fréquence de la LHH
- Symptômes et caractéristiques cliniques
- Causes sous-jacentes et mécanismes
- Comment la LHH est-elle diagnostiquée
- Approches thérapeutiques
- Points clés pour les patients
- Sources d'information
Qu'est-ce que la LHH et pourquoi est-elle importante
La lymphohistiocytose hémophagocytaire (LHH) est un syndrome grave, potentiellement mortel, caractérisé par une inflammation excessive qui peut entraîner une défaillance multiviscérale et le décès en l’absence d’un traitement rapide et adapté. Cette affection résulte d’une dérégulation profonde du système immunitaire, où l’inflammation persiste de manière incontrôlée, sans les mécanismes normaux d’arrêt.
D’un point de vue biologique, la LHH a permis aux chercheurs de mieux comprendre le fonctionnement immunitaire et les conséquences dangereuses d’une régulation défaillante. Sur le plan clinique, bien que souvent traitable, elle reste largement sous-diagnostiquée à travers le monde, entraînant de nombreux décès évitables qui pourraient être prévenus par une reconnaissance et une intervention précoces.
Cette pathologie concerne de nombreuses spécialités médicales, notamment l’hématologie, l’oncologie, les maladies infectieuses, la pédiatrie, la rhumatologie, les soins intensifs, la neurologie, la gastroentérologie, la génétique et l’immunologie. Cette diversité d’implication souligne l’importance d’une sensibilisation des professionnels de santé pour un diagnostic et une prise en charge rapides.
Types de LHH : formes génétiques versus acquises
La LHH se divise en deux catégories principales, présentant des caractéristiques et des populations distinctes :
- LHH primaire (forme génétique/mendélienne) : Cette forme héréditaire touche principalement les enfants, en particulier les nourrissons, et est causée par des anomalies génétiques spécifiques altérant la régulation immunitaire. La plus courante est la LHH familiale, qui suit une transmission autosomique récessive.
- LHH secondaire (forme acquise/non mendélienne) : Cette forme, plus fréquente chez l’adulte, survient en l’absence de défaut génétique héréditaire. Les déclencheurs les plus courants sont les infections (52 % des cas), les cancers (28 %) et les maladies auto-immunes (12 %). Lorsqu’elle est associée à des maladies auto-immunes, on parle aussi de syndrome d’activation macrophagique (SAM-LHH).
La classification de la LHH inclut de nombreuses conditions et déclencheurs spécifiques détaillés dans la littérature médicale. La LHH primaire peut être déclenchée par une infection, tandis que la LHH secondaire est presque toujours associée à un facteur déclenchant, le plus souvent infectieux, cancéreux ou auto-immun.
Fréquence de la LHH
La prévalence de la LHH varie considérablement selon les pays et les populations. L’incidence de la LHH primaire chez l’enfant en Suède est estimée à environ 1 cas pour 50 000 naissances vivantes. À titre de comparaison, l’incidence de l’immunodéficience combinée sévère est de 1 cas pour 38 500 naissances, ce qui place ces deux pathologies parmi les immunodéficiences héréditaires rapidement fatales les plus fréquentes.
La LHH familiale est plus répandue dans les régions où la consanguinité est courante. L’âge médian d’apparition des formes génétiques se situe généralement entre 3 et 6 mois, ce qui explique pourquoi elle touche surtout les nourrissons et les jeunes enfants.
La prévalence de la LHH secondaire est moins bien documentée. L’incidence globale de toutes les formes de LHH a été estimée à 4,2 cas par million d’habitants en Angleterre en 2018. En Suède, entre 2012 et 2018, l’incidence annuelle de la LHH associée au cancer était d’au moins 6,2 cas par million d’adultes, avec des variations régionales probablement liées aux différences de sensibilisation.
Malgré ces chiffres, la LHH secondaire reste largement sous-diagnostiquée dans le monde, ce qui suggère que les données réelles sont probablement plus élevées.
Symptômes et caractéristiques cliniques
La présentation de la LHH peut varier, mais elle inclut souvent un ensemble caractéristique de symptômes et d’anomalies biologiques utilisés pour le diagnostic.
Présentation de la LHH familiale
Un tableau typique de LHH familiale ressemble à un état septicémique associé à des cytopénies et une hépatosplénomégalie chez un enfant, souvent un nourrisson, présentant une maladie fébrile. Les observations incluent :
- Thrombopénie (baisse des plaquettes), anémie (baisse des globules rouges) et, dans une moindre mesure, neutropénie (baisse des neutrophiles)
- Hépatosplénomégalie et élévation des enzymes hépatiques (aminotransférases) presque constantes
- Ferritine extrêmement élevée
- Hyperbilirubinémie (bilirubine élevée), principalement conjuguée, et augmentation des γ-glutamyl transférases et des lactates déshydrogénases
- Coagulation intravasculaire disséminée, saignements aigus sévères et fibrinogène bas
Environ un tiers des patients présentent des troubles neurologiques au diagnostic, pouvant inclure convulsions, altération de la conscience et signes méningés. Une ataxie et un retard psychomoteur peuvent survenir. Les symptômes neurologiques peuvent être la première manifestation, surtout chez les enfants plus âgés et les adolescents.
Près de la moitié des enfants ont une augmentation modérée des lymphocytes ou des protéines dans le liquide céphalorachidien. L’IRM montre souvent des lésions diffuses et multifocales de la substance blanche, avec une atteinte cérébelleuse.
Présentation de la LHH secondaire
Les signes et symptômes de toutes les formes de LHH sont généralement similaires, rendant difficile la distinction entre formes primaire et secondaire sur la seule clinique. La LHH secondaire se manifeste souvent comme une maladie critique de type sepsis ne répondant pas aux traitements standards.
Parmi 661 adultes gravement malades atteints de LHH, les déclencheurs les plus fréquents étaient les infections (50 %), les cancers (28 %) et les maladies auto-immunes (12 %). Les infections les plus courantes étaient le virus d’Epstein-Barr (EBV) (25 %), les bactéries (20 %) et le cytomégalovirus (7 %).
Parmi les cancers, les lymphomes représentaient 76 % des cas, suivis par les leucémies (8 %). Pour les maladies auto-immunes, le lupus érythémateux disséminé et la maladie de Still de l’adulte étaient les plus fréquents (39 % et 21 % respectivement).
Les symptômes neurologiques sont moins fréquents dans la LHH secondaire que dans la forme familiale, touchant 10 à 25 % des patients dans les grandes études. La moitié de ces patients présentent des anomalies à l’IRM.
Causes sous-jacentes et mécanismes
Le problème central de la LHH réside dans l’incapacité du système immunitaire à réguler et à mettre fin aux réponses inflammatoires, entraînant une cascade d’hyperinflammation dangereuse.
Défauts génétiques dans la LHH primaire
La LHH familiale est causée par des variants bialléliques de quatre gènes : PRF1, UNC13D, STX11 et STXBP2. Ces gènes codent respectivement pour la perforine, Munc13-4, la syntaxine-11 et la syntaxine-binding protein 2 (Munc18-2), responsables des LHH familiales de types 2 à 5.
Le syndrome de Griscelli de type 2 (GS2), étroitement lié, est dû à des variants de RAB27A, codant pour la GTPase Rab27a. Toutes ces protéines sont essentielles au fonctionnement normal des cellules NK et des lymphocytes T cytotoxiques, confirmant que la cause sous-jacente est une cytotoxicité lymphocytaire défectueuse.
La fréquence des variants génétiques varie selon les groupes ethniques, mais les variants de PRF1, UNC13D et STXBP2 sont les plus courants. Bien que la plupart entraînent une maladie sévère et précoce, certains peuvent causer un phénotype plus modéré à début tardif.
Comment le système immunitaire échoue dans la LHH
Lors d’une réponse immunitaire normale, les cellules cytotoxiques (cellules NK et lymphocytes T) éliminent les cellules cibles (infectées ou cancéreuses) via la voie perforine-granzyme. Dans la LHH, ce processus est défaillant en raison d’une production insuffisante de perforine ou d’une sécrétion réduite des granules.
Cette cytotoxicité défectueuse conduit à une expansion incontrôlée des lymphocytes T effecteurs, entretenue par l’incapacité des lymphocytes T CD8+ à éliminer les cellules présentatrices d’antigène et une régulation immunitaire défaillante. Les lymphocytes activés sécrètent de grandes quantités d’interféron-γ, activant à leur tour les macrophages, qui stimulent davantage les lymphocytes T.
Il en résulte un cercle vicieux d’activation immunitaire, pouvant survenir même sans stimulus infectieux apparent. Cette réponse excessive provoque une mort cellulaire pro-inflammatoire, libérant des cytokines et causant des lésions tissulaires dans plusieurs organes, avec un risque élevé de défaillance multiviscérale et de décès.
Mécanismes dans la LHH secondaire
La cause de la LHH secondaire est multifactorielle, associant des facteurs génétiques, une inflammation de fond, une immunosuppression sous-jacente et des déclencheurs infectieux, qui finissent par franchir un seuil où l’inflammation devient incontrôlable.
Les personnes atteintes de LHH secondaire peuvent porter des variants génétiques altérant partiellement la capacité à terminer la réponse immunitaire. Une LHH sévère chez l’adulte peut être corrélée à des variants de gènes liés à la LHH. Le nombre de cellules NK et de lymphocytes T cytotoxiques circulants est souvent réduit, et des défauts qualitatifs de cytotoxicité ont été rapportés.
Comment la LHH est-elle diagnostiquée
Le diagnostic de la LHH repose sur des critères cliniques et biologiques spécifiques permettant de la distinguer d’autres troubles inflammatoires.
Les critères diagnostiques HLH-2004 ont été révisés en 2024 par la Histiocyte Society. Avec les critères originaux, au moins cinq des huit critères doivent être remplis. Les critères révisés retirent l’activité des cellules NK, requérant désormais cinq des sept critères restants.
Les caractéristiques diagnostiques clés incluent :
- Fièvre ≥38,5 °C : Due à des pyrogènes élevés
- Splénomégalie ≥2 cm sous le rebord costal : Par infiltration lymphocytaire et histiocytaire
-
Cytopénie touchant ≥2 lignées : Due à une suppression cytokinique, aux effets de la ferritine et à l’hémophagocytose
- Hémoglobine <90 g/l (<100 g/l chez le nouveau-né)
- Plaquettes <100 × 10⁹/l
- Neutrophiles <10⁹/l
- Hypofibrinogénémie ou hypertriglycéridémie : Fibrinogène ≤1,5 g/l ou triglycérides ≥3,0 mmol/l
- Hyperferritinémie ≥500 μg/l : Résultant de l’activation macrophagique
- Hémophagocytose : Observée dans la moelle osseuse ou d’autres tissus
- CD25 soluble ≥2400 U/ml : Indiquant l’activation des lymphocytes T
D’autres éléments appuyant le diagnostic incluent une activité réduite ou absente des cellules NK, une hépatomégalie, une élévation des enzymes hépatiques, de la bilirubine, des lactates déshydrogénases (témoin de mort cellulaire), des D-dimères (hyperfibrinolyse), une augmentation des cellules ou protéines du LCR, et une immunosuppression sous-jacente connue.
Approches thérapeutiques
Le traitement de la LHH nécessite de prendre en charge à la fois l’inflammation massive et le facteur déclenchant sous-jacent, lorsqu’il est identifié. L’approche diffère entre les formes primaire et secondaire.
Pour tous les patients, la recherche et le traitement du facteur déclenchant sont cruciaux. Chez l’adulte, si celui-ci est difficile à identifier, il s’agit souvent d’un cancer nécessitant un traitement spécifique.
La LHH familiale illustre les progrès de la médecine moderne. Autrefois méconnue et mortelle, elle est aujourd’hui comprise au niveau moléculaire et guérissable grâce à la greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH), qui remplace le système immunitaire défectueux.
Les protocoles de traitement associent généralement des immunosuppresseurs pour contrôler l’inflammation, suivis d’un traitement définitif ciblant la cause sous-jacente. Pour les formes génétiques, cela implique une greffe de cellules souches ; pour les formes secondaires, le traitement se concentre sur l’élimination du déclencheur (infection, cancer ou maladie auto-immune).
Bien que potentiellement mortelle, la LHH est traitable si elle est reconnue précocement. Elle reste cependant sous-diagnostiquée, et une meilleure connaissance de cette pathologie parmi les professionnels de santé et les patients pourrait sauver de nombreuses vies.
Points clés pour les patients
Pour les patients et les familles confrontés à la LHH, plusieurs points essentiels doivent être retenus :
- La LHH est une urgence médicale nécessitant une reconnaissance et un traitement rapides pour prévenir l’insuffisance organique et le décès
- Elle existe sous des formes génétiques (surtout chez les nourrissons) et acquises (plus fréquentes chez l’adulte, déclenchées par des infections, cancers ou maladies auto-immunes)
- Le diagnostic repose sur des critères spécifiques : fièvre persistante, splénomégalie, cytopénies et anomalies biologiques caractéristiques
- Le test génétique est important chez l’enfant pour identifier les formes héréditaires pouvant nécessiter une greffe de cellules souches
- Chez l’adulte, l’identification et le traitement du facteur déclenchant (notamment un cancer occulte) sont essentiels
- La LHH familiale, autrefois mortelle, est aujourd’hui guérissable grâce aux progrès thérapeutiques et à la greffe de cellules souches
- Une meilleure sensibilisation des professionnels de santé et du public est nécessaire pour réduire les retards diagnostiques et prévenir les décès évitables
Les patients présentant un tableau septicémique ne répondant pas à un traitement empirique adéquat doivent être évalués pour une LHH, incluant le dosage de la ferritine, dont les taux sont typiquement très élevés.
Sources d'information
Titre de l'article original : Lymphohistiocytose hémophagocytaire
Auteurs : Jan-Inge Henter, M.D., Ph.D.
Publication : The New England Journal of Medicine, 2025;392:584-98
DOI : 10.1056/NEJMra2314005
Affiliation institutionnelle : Institut Karolinska, Stockholm, Suède
Cet article adapté aux patients s’appuie sur une recherche évaluée par des pairs et vise à rendre accessibles des informations médicales complexes, tout en respectant les faits, données et résultats essentiels de la publication scientifique originale.