Comprendre le cancer du col de l'utérus : Prévention, dépistage et traitements disponibles.

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Le cancer du col de l’utérus demeure un enjeu de santé mondial majeur, mais il est hautement évitable grâce à la vaccination et au dépistage régulier. Cette synthèse approfondie souligne que l’infection par le papillomavirus humain (HPV) est responsable de la majorité des cas, les sous-types à haut risque provoquant des altérations cellulaires susceptibles d’évoluer vers un cancer sur une période de 10 à 15 ans. Les avancées majeures incluent des vaccins anti-HPV très efficaces, des méthodes de dépistage améliorées telles que le test HPV primaire, et des protocoles de traitement optimisés pour les stades précoces et avancés, intégrant désormais l’immunothérapie, ce qui contribue à améliorer le pronostic des patientes.

Comprendre le cancer du col de l’utérus : prévention, dépistage et traitements

Table des matières

Impact mondial et épidémiologie

Le cancer du col utérin touche des femmes partout dans le monde, avec des disparités régionales marquées. En 2020, on estimait à 604 127 le nombre de nouveaux cas et à 341 831 le nombre de décès liés à cette pathologie. La charge de la maladie pèse particulièrement sur les régions à faibles ressources, comme l’Amérique latine, l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud-Est (notamment l’Inde), où l’accès aux soins et aux programmes de dépistage reste limité.

On observe une corrélation nette entre le niveau socioéconomique et l’issue de la maladie. Plus l’Indice de Développement Humain d’un pays est élevé, plus les taux d’incidence et de mortalité diminuent. Dans les pays développés, les chiffres sont plus bas mais restent significatifs : les États-Unis anticipaient 13 820 nouveaux cas et 4 360 décès pour 2024, tandis que l’Union européenne s’attendait à 58 169 cas (dont 56 % en Europe centrale et orientale) et 22 989 décès.

L’âge médian au diagnostic est de 50 ans, ce qui signifie que la maladie affecte surtout les femmes d’âge mûr. Toutefois, le processus pathologique débute bien plus tôt : les infections à papillomavirus humain (HPV) surviennent généralement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte et mettent plusieurs années à évoluer vers une transformation cancéreuse.

Facteurs de risque et causes

La plupart des facteurs de risque du cancer du col sont liés aux comportements sexuels et à l’exposition au HPV. On retient notamment :

  • Un premier rapport sexuel précoce
  • Des partenaires ayant eu de multiples partenaires
  • L’absence de dépistage régulier
  • Des antécédents de frottis anormaux
  • Une infection antérieure à HPV
  • Une dysplasie cervicale (lésion précancéreuse)
  • Des antécédents d’infections sexuellement transmissibles

D’autres facteurs comme le tabagisme ou la prise prolongée de contraceptifs oraux semblent agir de concert avec le HPV pour majorer le risque, plutôt que d’être cancérigènes par eux-mêmes.

Biologie du HPV et mécanismes cancéreux

Le papillomavirus humain (HPV) est un virus à ADN double brin qui infecte les cellules du col utérin. Il existe de nombreux sous-types, aux risques variables :

Les sous-types à faible risque (souvent les types 6 et 11) peuvent provoquer des condylomes mais évoluent rarement vers un cancer. Les sous-types à haut risque (16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58 et 59) portent des oncogènes capables de déclencher une cancérisation.

Le processus cancéreux débute lorsque le virus s’intègre à l’ADN des cellules hôtes. Cette intégration perturbe la protéine régulatrice E2, entraînant une surproduction des protéines virales E6 et E7. Ces dernières neutralisent les suppresseurs de tumeurs de l’organisme (p53 et pRb), favorisant une prolifération cellulaire anarchique qui peut aboutir au cancer.

Stratégies de dépistage et de prévention

Le HPV est très fréquent — la majorité des personnes sexuellement actives seront infectées à un moment donné. L’enjeu est de savoir si l’infection est transitoire ou persistante. Chez les femmes de plus de 30 ans présentant une infection persistante à HPV à haut risque, une néoplasie intraépithéliale cervicale (dysplasie) peut apparaître. Cette lésion précancéreuse met généralement 10 à 15 ans à évoluer vers un cancer invasif, offrant une large fenêtre pour la détection et l’intervention.

La vaccination prophylactique est très efficace si elle est administrée avant l’exposition. Le CDC recommande :

  • De 11 à 14 ans : deux doses, espacées de 6 à 12 mois
  • De 15 à 26 ans : trois doses (deuxième dose 1 à 2 mois après la première, troisième 6 mois après)
  • De 27 à 45 ans : vaccination possible si elle n’a pas été réalisée plus tôt

Trois vaccins sont disponibles aux États-Unis : bivalent (types 16, 18), quadrivalent (6, 11, 16, 18) et nonavalent (6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58). La vaccination des hommes contribue aussi à réduire la transmission.

La performance du dépistage varie selon la méthode :

  • Frottis (test de Papanicolaou) : sensibilité de 55,4 % et spécificité de 96,8 % pour les dysplasies modérées à sévères
  • Test HPV : sensibilité de 94,6 % et spécificité de 94,1 %

Une étude menée en Inde rurale auprès de 34 126 femmes a montré que le test HPV réduisait la mortalité par cancer du col de 48 % par rapport à l’absence de dépistage (rapport de risque 0,52 ; IC 95 % 0,33–0,83).

L’U.S. Preventive Services Task Force recommande :

  • Avant 21 ans : pas de dépistage
  • De 21 à 29 ans : frottis seul tous les 3 ans
  • De 30 à 65 ans : frottis tous les 3 ans, co-test (HPV + frottis) tous les 5 ans, ou test HPV primaire tous les 5 ans
  • Après 65 ans : arrêt du dépistage si antécédents rassurants

Diagnostic et stadification

En cas d’anomalie au dépistage, une colposcopie (examen du col sous grossissement avec application d’acide acétique) permet de repérer les zones suspectes. Une biopsie confirme le diagnostic.

Le traitement des lésions préinvasives repose sur :

  • Techniques ablatives : laser CO₂ ou cryothérapie
  • Techniques excisionnelles : résection à l’anse diathermique ou conisation

L’inspection visuelle à l’acide acétique suivie d’une cryothérapie immédiate, validée par l’OMS pour les régions à faibles ressources, a permis de réduire de 30 % la mortalité dans un essai indien.

Une régression spontanée survient dans 50 à 75 % des dysplasies légères à modérées (CIN 1 ou CIN 2), autorisant une simple surveillance dans certains cas.

La stadification suit les critères FIGO 2018, incluant l’évaluation ganglionnaire pathologique ou radiologique. Les patientes atteintes d’un cancer précoce sont souvent asymptomatiques, tandis que les formes avancées peuvent se manifester par :

  • Saignements anormaux
  • Douleurs pelviennes
  • Lombalgies (en cas d’hydronéphrose)
  • Œdème des membres inférieurs
  • Thrombose veineuse profonde
  • Hématurie ou rectorragies

Le bilan diagnostique comprend un examen clinique, des analyses sanguines et urinaires, et des examens d’imagerie. La TEP/TDM améliore la détection des métastases ganglionnaires para-aortiques, et l’IRM précise l’extension aux organes de voisinage.

Traitement des stades précoces

Pour les stades IA à IB₂, le traitement repose sur la chirurgie ou la radiothérapie. La chirurgie permet de préserver les ovaires (source d’hormones) et parfois la fertilité (via une FIV).

L’hystérectomie radicale avec lymphadénectomie pelvienne consiste à retirer l’utérus, le vagin supérieur, les paramètres et les ganglions pelviens. Les complications (hémorragie, TVP, lymphocèle, lymphœdème, lésion urétérale) surviennent dans moins de 5 % des cas.

L’essai LACC a comparé l’hystérectomie radicale mini-invasive à la laparotomie : la première donnait de moins bons résultats (récidives plus fréquentes, survie sans maladie à 3 ans de 91,2 % vs 97,1 % ; RR 3,74 ; IC 95 % 1,63–8,58). La FDA et le NCCN déconseillent désormais la technique mini-invasive.

Pour les femmes souhaitant préserver leur fertilité, la trachélectomie radicale (ablation du col et des paramètres, conservation de l’utérus) est une option. Si plus de 60 % des patientes parviennent à une grossesse, environ 30 % accouchent prématurément. L’essai SHAPE suggère qu’une chirurgie moins radicale pourrait suffire pour les petites tumeurs.

La technique du ganglion sentinelle (marquage au bleu de méthylène, technétium-99 ou vert d’indocyanine) pourrait réduire les complications par rapport à la lymphadénectomie complète, mais les données de survie sont encore attendues.

Traitement des formes localement avancées

Pour les stades IB₃ à IVA, le traitement associe généralement chimioradiothérapie et curiethérapie. Cinq essais randomisés ont montré que l’ajout de chimiothérapie à la radiothérapie réduisait de moitié le risque de récidive, malgré une hausse des effets secondaires hématologiques et digestifs de grades 3–4.

Le protocole standard associe cisplatine hebdomadaire (40 mg/m²) à une radiothérapie pelvienne quotidienne (1,8–2,0 Gy/j, total 45,0–50,4 Gy), suivie d’une curiethérapie à haut débit de dose. La planification radiothérapique est désormais guidée par scanner (techniques conformationnelles 3D), épargnant mieux les organes sains.

La radiothérapie avec modulation d’intensité a réduit la toxicité digestive (OR 0,55) et génito-urinaire (OR 0,31) de grades 3–4 dans une méta-analyse de plus de 1000 patientes, sans altérer la survie à 3 ans.

Pour les stades III–IVA sélectionnés, l’immunothérapie améliore la survie. En cas de récidive ou de métastases, une chimiothérapie associée à l’immunothérapie ± bévacizumab peut être proposée. Les conjugués anticorps-médicament offrent une nouvelle option en cas de progression.

Situations particulières

La grossesse complique la prise en charge. La dysplasie survient dans environ 1 grossesse sur 1000. Une biopsie cervicale au premier ou début du deuxième trimestre est sûre pour exclure un cancer invasif, mais le curetage endocervical doit être évité. Une surveillance trimestrielle par colposcopie experte est recommandée, avec report du traitement après l’accouchement.

Certaines données suggèrent que l’accouchement vaginal favorise la régression des dysplasies. Pour les cancers précoces (IA–IB₁) sans saignement important, une surveillance est possible. La césarienne avec hystérectomie extrafasciale vers 34 semaines (après corticothérapie fœtale) évite les risques de l’accouchement vaginal (hémorragie, dystocie, dissémination).

Pour les maladies localement avancées en début de grossesse, une chimiothérapie néoadjuvante après le premier trimestre peut permettre de gagner du temps tout en contrôlant la tumeur.

Implications cliniques pour les patientes

Cette synthèse met en lumière plusieurs messages clés. D’abord, le cancer du col est largement évitable grâce à la vaccination anti-HPV et au dépistage. Les vaccins sont très efficaces avant les premiers rapports, et le test HPV améliore la performance du dépistage.

En cas de lésion précancéreuse, plusieurs traitements efficaces existent, et beaucoup régressent spontanément. Pour les cancers invasifs, les approches se sont affinées, permettant de mieux cibler les traitements agressifs ou, au contraire, de préserver la fertilité.

La moindre efficacité de la chirurgie mini-invasive pour l’hystérectomie radicale est une information cruciale pour le choix thérapeutique. Elle rappelle que la technique opératoire influence directement le pronostic.

Pour les maladies avancées, l’immunothérapie ouvre de nouvelles perspectives, de même que les thérapies ciblées comme les conjugués anticorps-médicament.

Limites de l’étude

Cette revue synthétise les données disponibles, mais comporte certaines limites. Les recommandations s’appuient sur des essais cliniques, dont les résultats peuvent différer en pratique courante.

Les disparités géographiques et socioéconomiques rappellent que l’accès à la prévention, au dépistage et aux traitements reste inégal. Toutes les stratégies décrites ne sont pas disponibles partout.

Certaines recommandations (comme la biopsie du ganglion sentinelle ou les nouvelles techniques chirurgicales) attendent des données de survie supplémentaires. Les décisions doivent être individualisées en fonction du contexte et des préférences de la patiente.

Les avancées rapides dans la prise en charge impliquent que les recommandations évoluent. Un dialogue continu avec les soignants est essentiel.

Conseils aux patientes

Sur la base de cette revue, les patientes peuvent envisager les actions suivantes :

  1. Vaccination : Discutez de la vaccination anti-HPV avec votre médecin, idéalement avant les premiers rapports. Elle est recommandée pour les filles et garçons de 11–12 ans, et possible dès 9 ans et jusqu’à 45 ans dans certains cas.
  2. Dépistage : Respectez les recommandations par âge :
    • 21–29 ans : frottis tous les 3 ans
    • 30–65 ans : frottis tous les 3 ans, ou test HPV tous les 5 ans, ou co-test tous les 5 ans
    • Après 65 ans : évaluez avec votre médecin la nécessité de poursuivre
  3. Réduction des risques : Limitez les partenaires multiples et les premiers rapports précoces. Évitez le tabac, facteur de risque avéré.
  4. Vigilance symptomatique : Consultez rapidement en cas de saignements anormaux, douleurs pelviennes ou autres symptômes inquiétants.
  5. Choix thérapeutiques : En cas de diagnostic, discutez de toutes les options, y compris les risques de la chirurgie mini-invasive, les possibilités de préservation de la fertilité et les nouvelles thérapies pour les formes avancées.
  6. Deuxième avis : N’hésitez pas à demander un deuxième avis, surtout pour les cas complexes ou si vous souhaitez préserver votre fertilité.

Source

Titre original : Cervical Cancer
Auteur : Krishnansu S. Tewari, M.D.
Publication : The New England Journal of Medicine, 2025;392:56-71
DOI : 10.1056/NEJMra2404457
Note : Cet article adapté aux patientes s’appuie sur une publication du New England Journal of Medicine évaluée par les pairs et en reprend l’intégralité du contenu scientifique.