Transplantation de cellules souches dans la sclérose en plaques : Guide complet à l'intention des patients.

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La transplantation autologue de cellules souches hématopoïétiques (TASCH) offre des résultats prometteurs dans le traitement de la sclérose en plaques sévère, notamment dans sa forme rémittente-récurrente. La procédure vise à réinitialiser le système immunitaire en utilisant les cellules souches du patient lui-même. Des études montrent une stabilisation significative du handicap, voire une amélioration chez de nombreux patients. Les meilleurs résultats sont observés chez des sujets plus jeunes, avec une durée de maladie plus courte et un niveau de handicap moins avancé au moment du traitement. Bien qu’efficace, cette approche comporte des risques, dont l’apparition tardive de maladies auto-immunes, et exige une sélection rigoureuse des patients.

Greffe de cellules souches hématopoïétiques dans la sclérose en plaques : guide complet pour les patients

Table des matières

Introduction : Comprendre la SEP et l'évolution des traitements

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurologique complexe qui résulte d'une prédisposition génétique associée à des facteurs environnementaux. Elle provoque un dysfonctionnement du système immunitaire, dans lequel les cellules immunitaires attaquent par erreur la gaine protectrice des nerfs du système nerveux central (cerveau et moelle épinière).

Ces 28 dernières années ont vu des avancées remarquables dans le traitement de la SEP, en particulier pour sa forme rémittente-récurrente (SEP-RR). Les premières thérapies modifiant la maladie (TMM), approuvées dans les années 1990, étaient les interférons bêta et l'acétate de glatiramère. Elles ont montré que cibler les cellules immunitaires permettait de contrôler efficacement les poussées.

La recherche a identifié plusieurs cellules immunitaires clés impliquées dans l'évolution de la SEP, notamment les lymphocytes T (en particulier les cellules Th1 et Th17), les lymphocytes B, les cellules tueuses naturelles (NK) et les lymphocytes T régulateurs (Treg). Le développement récent de traitements ciblant les lymphocytes B a confirmé le rôle central du dysfonctionnement immunitaire dans la SEP.

Les approches thérapeutiques actuelles incluent la stratégie d'escalade (commencer par des traitements légers et passer à des options plus fortes si nécessaire) et l'approche « frapper fort et tôt », qui utilise d'emblée des traitements très efficaces pour les formes agressives. Le choix dépend des caractéristiques individuelles du patient et de sa maladie.

Qu'est-ce que l'autogreffe de cellules souches hématopoïétiques ?

L'autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (aGCSH) est une procédure en plusieurs étapes visant à réinitialiser le système immunitaire des patients atteints de SEP. Elle comprend cinq phases principales :

  1. Optimisation pré-greffe : Bilan de santé complet, prévention des infections et préparation (comme une hydratation thérapeutique)
  2. Mobilisation des cellules souches : Collecte des cellules souches hématopoïétiques du patient dans son sang
  3. Conditionnement : Administration d'une chimiothérapie, avec ou sans anticorps thérapeutiques, pour éliminer les cellules immunitaires défectueuses
  4. Reinjection des cellules souches : Réinjection des cellules souches collectées pour reconstruire le système immunitaire
  5. Soins post-greffe : Surveillance étroite et soins de soutien pendant la convalescence

Les protocoles de conditionnement varient en intensité et sont classés par la Société européenne de greffe de moelle osseuse (EBMT) en quatre catégories :

  • Haute intensité : Destruction complète de la moelle osseuse, nécessitant une greffe de cellules souches (utilisant une irradiation corporelle totale à forte dose ou du busulfan)
  • Myéloablatif d'intensité intermédiaire : Inclut BEAM + ATG (carmustine, étoposide, cytarabine, melphalan avec globuline anti-thymocyte)
  • Lymphoablatif d'intensité intermédiaire : Inclut CY + ATG (cyclophosphamide avec globuline anti-thymocyte) ou CY + ALEM (cyclophosphamide avec alemtuzumab)
  • Faible intensité : Chimiothérapie sans anticorps thérapeutiques

Proposée initialement en 1995 uniquement pour les stades terminaux de SEP progressive, l'aGCSH est aujourd'hui étudiée pour une utilisation plus précoce chez les patients atteints de formes agressives n'ayant pas suffisamment répondu aux traitements conventionnels.

Aperçu des études de recherche

La recherche examinée incluait les données de 2 574 patients provenant de 46 études menées entre 1999 et 2022. Ces études comprenaient à la fois des essais cliniques et des études observationnelles ou rétrospectives, réalisées dans plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Italie, le Brésil, le Canada, les Pays-Bas et d'autres.

Parmi ces patients, 831 (32,3%) ont participé à 28 essais cliniques, tandis que 1 743 (67,7%) étaient inclus dans 18 études rétrospectives ou observationnelles. Les études différaient sensiblement par leur conception, leurs populations de patients et leurs méthodes de compte-rendu, ce qui rend les comparaisons directes difficiles.

Les durées de suivi allaient de 6 mois à 11,3 ans, avec des résultats rapportés à différents moments selon les études. Le critère d'évaluation le plus fréquent était la survie sans progression (SSP), fournie par seulement 24 des 46 études (52,2%).

Les caractéristiques des patients variaient selon les études, mais incluaient généralement des personnes atteintes d'une maladie active ayant progressé dans l'année précédant la greffe et ayant essayé au moins une thérapie modifiant la maladie conventionnelle sans réponse satisfaisante.

Résultats des essais cliniques : régimes myéloablatifs

Quatorze essais cliniques ont utilisé des protocoles de conditionnement myéloablatifs, dont quatre de haute intensité et dix d'intensité intermédiaire. Tous étaient des études de phase précoce (phase I, II ou I/II), non randomisées et non contrôlées.

Les régimes de haute intensité incluaient principalement des patients atteints de SEP secondairement progressive (SEP-SP), à une exception près (l'essai Atkins et al. 2016) qui incluait un nombre égal de patients SEP-RR et SEP-SP. Ces patients présentaient généralement des scores de handicap plus élevés, avec des scores EDSS initiaux entre 6 et 7.

L'essai Atkins 2016 a montré les meilleurs résultats parmi les régimes de haute intensité, avec 70% des patients atteignant une maladie stable. D'autres essais ont rapporté des taux de stabilité de 54% (Nash et al. 2003), 19% (Burt et al. 2003) et 21% (Samijn et al. 2006). Les taux d'amélioration variaient de 4% à 14% selon les études.

Notamment, l'essai Nash et al. a suivi les patients le plus longtemps (suivi médian de 12 ans), fournissant des données précieuses sur les résultats à long terme. Ces résultats suggèrent que, bien que les régimes de haute intensité puissent être bénéfiques, ils pourraient convenir davantage à des populations spécifiques de patients.

Résultats des régimes lymphoablatifs

Les essais randomisés contrôlés ont fourni des preuves de meilleure qualité pour les régimes lymphoablatifs. L'essai Burt et al. 2019 a comparé l'aGCSH utilisant du cyclophosphamide et de l'ATG aux thérapies modifiant la maladie conventionnelles chez 110 patients atteints de SEP rémittente-récurrente.

Cette étude a montré des résultats remarquables : après trois ans, 94,5% des patients greffés sont restés stables ou se sont améliorés, contre seulement 25,9% dans le groupe sous traitement conventionnel. Le score EDSS moyen est passé de 2,3 à 1,3 dans le groupe greffe, tandis qu'il s'est aggravé de 2,3 à 2,9 dans le groupe témoin.

Les essais non randomisés avec régimes lymphoablatifs ont également montré des résultats prometteurs. L'essai Burt et al. 2009 a rapporté que 100% des patients étaient stables ou améliorés à trois ans, avec l'EDSS passant de 3,1 à 1,3. D'autres études ont montré des taux d'amélioration allant de 32,1% à 90,5%.

Ces résultats démontrent systématiquement que les régimes lymphoablatifs d'intensité intermédiaire peuvent entraîner des améliorations cliniques significatives, en particulier chez les patients atteints de SEP rémittente-récurrente et présentant des scores de handicap initiaux bas.

Études utilisant des régimes de conditionnement mixtes

Certaines études ont utilisé des protocoles de conditionnement hétérogènes, incluant différentes intensités. Elles ont apporté des éclairages supplémentaires sur la façon dont l'intensité du traitement influence les résultats selon les types de SEP.

L'essai Fassas et al. 2002 incluait des patients atteints de SEP progressive et rémittente, utilisant des régimes de haute et moyenne intensité. Ils ont constaté que 44% des patients se sont améliorés et 44% sont restés stables, avec un taux de survie sans progression de 75% à 3,5 ans.

L'étude Fassas et al. 2011, avec un suivi plus long (15 ans), a montré que 6% des patients se sont améliorés et 20% sont restés stables, avec une survie sans progression de 25% à 15 ans. Cela indique que, bien que les bénéfices puissent être durables, la progression de la maladie peut encore survenir sur de longues périodes.

Ces études à protocoles mixtes soulignent que l'efficacité du traitement ne dépend pas uniquement de l'intensité du conditionnement, et que la sélection des patients pourrait être un facteur déterminant plus important.

Conclusions des études observationnelles et rétrospectives

Les études observationnelles et rétrospectives incluaient un plus grand nombre de patients et fournissaient des données en vie réelle sur les résultats de l'aGCSH. Elles ont confirmé les conclusions des essais cliniques tout en apportant des insights pratiques issus d'une pratique clinique élargie.

L'étude Mariottini et al. 2018 portant sur 125 patients a montré que 22% se sont améliorés et 22% sont restés stables, avec des résultats particulièrement bons pour les patients atteints de SEP rémittente-récurrente. L'étude multicentrique Muraro et al. 2017 sur 281 patients a constaté une réduction possible du handicap chez 66% des patients, 73% ne présentant aucun signe d'activité maladie à deux ans.

L'étude Boffa et al. 2022 sur 210 patients a démontré que l'EDSS moyen a diminué de 0,90 point par an chez les patients atteints de SEP rémittente-récurrente après la greffe. Cela représente une amélioration fonctionnelle significative, susceptible d'avoir un impact substantiel sur la qualité de vie.

Ces études en vie réelle apportent des preuves solides que l'aGCSH peut être efficace en dehors des conditions strictement contrôlées des essais, bien qu'une sélection rigoureuse des patients reste cruciale pour des résultats optimaux.

Principales conclusions et facteurs de succès

La recherche a systématiquement identifié plusieurs facteurs associés à de meilleurs résultats après l'aGCSH. Les patients qui en ont le plus bénéficié présentaient généralement :

  • Des scores de handicap initiaux plus bas : Des scores EDSS inférieurs à 5,5-6,0 prédisaient de meilleurs résultats
  • Une SEP rémittente-récurrente : Les patients SEP-RR répondaient mieux que ceux atteints de formes progressives
  • Un âge plus jeune : Généralement moins de 45 ans
  • Une durée de maladie plus courte : Moins d'années depuis le diagnostic
  • Une maladie inflammatoire active : Preuve d'une activité maladie récente

Ces facteurs correspondent aux critères de sélection des patients proposés par la Société européenne de greffe de moelle osseuse (EBMT). Les preuves suggèrent qu'une intervention plus précoce dans l'évolution de la maladie, avant l'accumulation d'un handicap significatif, offre les meilleures chances de succès thérapeutique.

Il est intéressant de noter que certaines études ont également rapporté des résultats prometteurs pour les patients atteints de SEP secondairement progressive (SEP-SP), en particulier ceux présentant une maladie active. Cela suggère que l'aGCSH pourrait être envisagée pour certains patients atteints de SEP progressive continuant à montrer une activité inflammatoire.

Risques de maladies auto-immunes après la greffe

Une observation importante à travers plusieurs études est le développement de nouvelles maladies auto-immunes après l'aGCSH. Une proportion significative de patients a développé des affections auto-immunes après le traitement, ce qui représente un élément important à prendre en compte dans l'évaluation des risques et bénéfices.

Le risque semblait le plus élevé avec les protocoles contenant de l'alemtuzumab. Les complications auto-immunes comprenaient des troubles thyroïdiens, une thrombopénie immune et d'autres affections. Celles-ci sont généralement apparues plusieurs mois à plusieurs années après la greffe.

Ce phénomène suggère que si l'aGCSH peut efficacement réinitialiser le système immunitaire pour réduire l'activité de la SEP, elle peut aussi révéler ou déclencher d'autres tendances auto-immunes chez les personnes prédisposées. Une surveillance régulière à long terme est essentielle pour détecter et traiter ces complications potentielles.

Le risque de complications auto-immunes doit être mis en balance avec les bénéfices potentiels du traitement, en particulier pour les patients atteints d'une SEP agressive n'ayant pas répondu aux thérapies conventionnelles.

Implications pour les patients

Pour les patients atteints d'une SEP récurrente-rémittente très active n'ayant pas suffisamment répondu aux traitements conventionnels, l'aGCSH représente une option thérapeutique potentiellement transformative. La procédure offre la possibilité d'un contrôle à long terme de la maladie sans médicament continu, de nombreux patients ne présentant aucune activité maladie pendant des années après le traitement.

Les données suggèrent qu'une intervention précoce, avant l'accumulation d'un handicap significatif, donne les meilleurs résultats. Les patients avec des scores EDSS plus bas (généralement inférieurs à 5,5-6,0), un âge plus jeune et une durée de maladie plus courte ont tendance à mieux répondre au traitement.

Bien qu'étudiée principalement dans la SEP récurrente-rémittente, certains patients atteints de SEP secondairement progressive active peuvent également bénéficier de l'aGCSH. Ceci est particulièrement pertinent pour les patients progressifs qui continuent à présenter des poussées ou une activité inflammatoire à l'IRM.

Le traitement comporte des risques significatifs, notamment des infections pendant la reconstitution immunitaire, l'infertilité et le développement d'autres maladies auto-immunes. Ces risques doivent être soigneusement discutés avec les professionnels de santé lors de l'évaluation des options thérapeutiques.

Limitations et considérations des études

Les données actuelles présentent plusieurs limites importantes que les patients doivent comprendre. La plupart des études n'étaient pas randomisées ni contrôlées, ce qui signifie qu'elles manquaient de groupes de comparaison recevant d'autres traitements. Il est donc difficile d'établir définitivement une supériorité par rapport aux autres thérapies à haute efficacité.

Il existait une hétérogénéité significative dans les protocoles de conditionnement, les populations de patients et les méthodes de compte-rendu entre les études. Cette variabilité rend difficile la comparaison directe des résultats et l'identification du protocole optimal.

Les données à long terme au-delà de 10-15 ans sont limitées, de sorte que les effets très à long terme de l'aGCSH restent mal compris. De plus, la plupart des études se sont concentrées sur des patients jeunes (généralement moins de 45 ans), donc la sécurité et l'efficacité chez les patients plus âgés atteints de SEP sont moins établies.

Enfin, les études excluaient généralement les patients présentant des comorbidités significatives ou un handicap avancé, de sorte que les résultats peuvent ne pas s'appliquer à tous les patients atteints de SEP. Davantage d'essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour établir des recommandations thérapeutiques définitives.

Recommandations pour les patients

Si vous envisagez une aGCSH pour la SEP, voici les étapes importantes à suivre :

  1. Consultez dans un centre spécialisé : Recherchez des centres ayant une expérience étendue dans la prise en charge de la SEP et la greffe de cellules souches
  2. Obtenez une évaluation complète : Assurez-vous d'un bilan approfondi de votre sous-type de SEP, de l'activité maladie, du niveau de handicap et de votre état de santé général
  3. Discutez du timing : Évaluez si une intervention précoce pourrait être plus bénéfique qu'une attente jusqu'aux stades plus avancés de la maladie
  4. Comprenez les risques : Examinez attentivement les complications potentielles, notamment les infections, l'infertilité et les complications auto-immunes
  5. Envisagez les alternatives : Discutez d'autres thérapies modifiant la maladie à haute efficacité qui pourraient convenir à votre situation
  6. Prévoyez la convalescence : Préparez-vous à une période de récupération prolongée et aux systèmes de soutien nécessaires
  7. Organisez le suivi à long terme : Assurez-vous que des plans sont en place pour une surveillance continue après le traitement

L'aGCSH représente une option thérapeutique prometteuse mais sérieuse, qui nécessite une réflexion attentive et des soins médicaux spécialisés. Bien qu'elle ne convienne pas à tous les patients atteints de SEP, elle peut offrir des bénéfices significatifs aux personnes soigneusement sélectionnées présentant une maladie agressive n'ayant pas répondu aux traitements conventionnels.

Informations sur la source

Titre original de l'article : The current standing of autologous haematopoietic stem cell transplantation for the treatment of multiple sclerosis

Auteurs : A. G. Willison, T. Ruck, G. Lenz, H. P. Hartung, S. G. Meuth

Publication : Journal of Neurology (2022) 269:3937–3958

Reçu : 4 février 2022 / Révisé : 2 mars 2022 / Accepté : 3 mars 2022 / Publié en ligne : 11 avril 2022

Cet article adapté aux patients est basé sur une recherche évaluée par les pairs publiée dans le Journal of Neurology. Il conserve toutes les données et conclusions originales tout en rendant l'information accessible aux patients et aux aidants.