Le natalizumab (Tysabri®) est un traitement très efficace contre la sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR). Il réduit de 68 % la fréquence des poussées et de 83 % l’apparition de nouvelles lésions cérébrales, mais il présente un risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), une infection cérébrale grave. Cette revue détaillée explique son mécanisme d’action, qui repose sur le blocage de la migration des cellules immunitaires vers le cerveau. Elle précise que le risque de LEMP est estimé à 1 pour 1000 après 18 mois de traitement, et examine comment l’espacement des doses (toutes les 6 à 8 semaines au lieu de 4) et une surveillance immunologique rigoureuse peuvent préserver l’efficacité du traitement tout en atténuant potentiellement les risques. L’article aborde également les effets biologiques, les stratégies de suivi et les implications pratiques pour les patients qui envisagent ce traitement ou le suivent déjà.
Traitement de la Sclérose en Plaques par Natalizumab : Bénéfices, Risques et Surveillance
Sommaire
- Introduction : La Sclérose en Plaques et le Natalizumab
- Mode d’Action du Natalizumab
- Leucoencéphalopathie Multifocale Progressive : Évaluer les Risques
- Surveillance du Traitement : Efficacité et Sécurité
- Anticorps Anti-Médicament : Quand le Traitement Faille
- Conclusion : Bénéfices et Risques à Équilibrer
- Sources
Introduction : La Sclérose en Plaques et le Natalizumab
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune chronique qui touche le système nerveux central (cerveau et moelle épinière), entraînant des lésions de la gaine de myéline protectrice des nerfs. La forme la plus fréquente est la SEP rémittente-récurrente (SEP-RR), caractérisée par des poussées de symptômes suivies de phases de rémission. Certains patients évoluent vers une forme secondairement progressive (SEP-SP), avec une aggravation continue sans récupération.
Le natalizumab (commercialisé sous le nom Tysabri®) est un traitement modificateur de la maladie qui a transformé la prise en charge de la SEP-RR. Cet anticorps monoclonal humanisé cible la chaîne alpha-4 (CD49d) de l’intégrine VLA-4, une protéine facilitant la migration des cellules immunitaires vers les tissus, y compris le cerveau. En bloquant ce mécanisme, le natalizumab réduit significativement les poussées et les lésions actives visibles à l’IRM.
Cependant, ce traitement comporte un risque sérieux : la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), une infection cérébrale rare mais souvent mortelle due au virus JC. Cet article détaille le mode d’action, les bénéfices, les risques et les modalités de surveillance du natalizumab.
Mode d’Action du Natalizumab
Le natalizumab empêche les cellules immunitaires de traverser la barrière hémato-encéphalique et d’atteindre le système nerveux central, où elles causent des dommages dans la SEP. Il bloque l’intégrine VLA-4 à la surface des cellules immunitaires, qui interagit normalement avec la VCAM-1 sur les parois vasculaires pour permettre la migration tissulaire.
Le traitement induit des modifications immunitaires notables :
- Augmentation des cellules sanguines : Les lymphocytes B triplent, les cellules NK doublent et les lymphocytes T augmentent de 1,8 fois par rapport aux taux initiaux.
- Diminution des cellules cérébrales : Réduction des lymphocytes T (notamment CD4+) et des cellules B dans le liquide céphalo-rachidien et le tissu cérébral.
- Baisse des anticorps : Taux d’immunoglobulines (IgM, IgG) et bandes oligoclonales diminués dans le LCR.
- Stabilité des lymphocytes T régulateurs : Leur fonction immunorégulatrice est préservée.
Ces effets apparaissent rapidement et peuvent mettre jusqu’à 6 mois à s’estomper après l’arrêt. L’accumulation de cellules immunitaires activées dans le sang explique pourquoi un tiers des patients présentent une rechute après l’arrêt, parfois plus sévère.
Leucoencéphalopathie Multifocale Progressive : Évaluer les Risques
La LEMP est la complication la plus grave du natalizumab. Cette infection cérébrale rare, due au virus JC généralement latent, peut se réactiver chez les patients immunodéprimés.
Facteurs de risque :
- Durée du traitement : Risque accru après 18-24 mois.
- Antécédents d’immunosuppression : Traitements immunosuppresseurs antérieurs.
- Statut JCV positif : Présence d’anticorps anti-JC.
- Traitement prolongé : Environ 1 cas pour 1000 patients après 18 mois.
Le mécanisme implique l’accumulation de précurseurs hématopoïétiques et de cellules B circulantes, réservoirs potentiels du virus JC. Le natalizumab augmente aussi l’expression de régulateurs transcriptionnels (POU2AF1, Spi-B) dans les cellules B, favorisant la réactivation virale. Parallèlement, il retient les cellules Th1 antivirales dans la circulation, entravant l’élimination cérébrale du virus.
Surveillance du Traitement : Efficacité et Sécurité
Une surveillance régulière est indispensable sous natalizumab.
Taux médicamenteux : Concentrations sanguines variables (de <4 μg/ml à >100-200 μg/ml), mais >90 % des patients maintiennent >10 μg/ml. Dans le LCR, les taux sont 100 fois inférieurs (45-110 ng/ml).
Saturation des récepteurs : Sous posologie standard (4 semaines), saturation à 76-84 %. Avec un intervalle étendu (6-8 semaines), elle baisse à 54-62 % tout en restant efficace.
Expression de CD49d : Réduction d’environ 50 % sous traitement, stable sauf en cas d’anticorps anti-médicament.
La posologie à intervalle étendu (6-8 semaines) maintient l’efficacité tout en réduisant potentiellement le risque de LEMP, sans aggravation clinique.
Anticorps Anti-Médicament : Quand le Traitement Faille
Environ 9 % des patients développent des anticorps anti-natalizumab, dont 6 % des anticorps neutralisants permanents, compromettant l’efficacité et pouvant entraîner une rechute.
Signes d’immunisation :
- Normalisation de l’expression de CD49d
- Disparition du natalizumab circulant
- Reprise des poussées
- Réactions à l’injection chez certains
Dépistage systématique à 6 mois. En cas d’anticorps élevés, changement de traitement. Des recherches visent à développer des anticorps « désimmunisés ».
Pour un arrêt urgent (suspicion de LEMP), l’échange plasmatique élimine 90 % du médicament en une semaine, mais expose à un risque de réactivation et de syndrome inflammatoire de reconstitution immune (IRIS), aggravant le pronostic.
Conclusion : Bénéfices et Risques à Équilibrer
Le natalizumab est l’un des traitements les plus efficaces de la SEP-RR, réduisant de 68 % le taux de poussées et de 83 % les nouvelles lésions. Son risque de LEMP exige une sélection rigoureuse et une surveillance continue.
La posologie à intervalle étendu (6-8 semaines) constitue une avancée majeure, préservant l’efficacité tout en limitant le risque. La surveillance des taux, de la saturation et de l’expression de CD49d permet d’optimiser le traitement pour chaque patient.
Il est crucial de comprendre les bénéfices et les risques, et de collaborer étroitement avec son neurologue pour une surveillance adaptée et une posologie optimisée, afin de maximiser la sécurité sans compromettre le contrôle de la maladie.
Sources
Article Original : "Natalizumab in Multiple Sclerosis Treatment: From Biological Effects to Immune Monitoring"
Auteurs : Kathy Khoy, Delphine Mariotte, Gilles Defer, Gautier Petit, Olivier Toutirais, Brigitte Le Mauff
Publication : Frontiers in Immunology, 24 septembre 2020
DOI : 10.3389/fimmu.2020.549842
Cet article patient, basé sur une publication scientifique évaluée par les pairs, en conserve toutes les données, statistiques et conclusions.