Cette analyse exhaustive de la sécurité du traitement par ofatumumab dans la sclérose en plaques récurrente a inclus 1 969 patients suivis jusqu’à 3,5 ans. L’étude a montré que 83,8 % des patients ont présenté au moins un effet indésirable, la plupart étant légers à modérés, avec seulement 9,7 % d’événements graves. Il est important de souligner qu’aucune infection opportuniste ni cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive n’a été observé, et que le risque de tumeurs malignes est resté faible. Les résultats confirment que l’ofatumumab conserve un profil de sécurité favorable lors d’une utilisation prolongée, soutenant ainsi son rapport bénéfice/risque à long terme chez les patients atteints de sclérose en plaques récurrente (SEP-R).
Sécurité à long terme de l’ofatumumab dans la sclérose en plaques récurrente : résultats après 3,5 ans de suivi
Table des matières
- Introduction : Comprendre le traitement par ofatumumab
- Méthodologie de l’étude et population de patients
- Démographie des patients et exposition au traitement
- Principaux résultats de sécurité
- Analyse détaillée des infections
- Évolution des taux d’immunoglobulines
- Signification clinique de ces résultats
- Limites de l’étude
- Recommandations pour les patients
- Informations sur la source
Introduction : Comprendre le traitement par ofatumumab
L’ofatumumab est le premier anticorps monoclonal anti-CD20 entièrement humain approuvé pour le traitement des formes récurrentes de la sclérose en plaques (SEP-R). Contrairement aux autres traitements d’origine animale, il est intégralement conçu à partir de séquences génétiques humaines, ce qui réduit généralement le risque de réactions immunitaires. Son mécanisme d’action repose sur le ciblage des récepteurs CD20 des lymphocytes B, impliqués dans l’inflammation et les lésions caractéristiques de la SEP.
Le traitement consiste en des injections sous-cutanées, avec une phase initiale de charge aux semaines 0, 1 et 2, suivie d’une administration mensuelle de 20 mg. Si son efficacité a été démontrée dans le contrôle de la SEP-R, son innocuité à long terme nécessite un suivi prolongé. Cette analyse présente des données de sécurité complètes sur des patients traités jusqu’à 3,5 ans, offrant ainsi des repères précieux pour ceux envisageant un traitement prolongé.
Méthodologie de l’étude et population de patients
Cette analyse regroupe les données de plusieurs essais cliniques pour évaluer la sécurité à long terme. Les patients ayant achevé les études de phase 3 ASCLEPIOS I/II, l’essai de phase 2 APLIOS ou l’étude de phase 2 APOLITOS ont pu intégrer l’essai d’extension ALITHIOS. Celui-ci, de phase 3b, est un essai ouvert en cours, démarré en novembre 2018 et prévu jusqu’en 2029.
L’analyse de sécurité inclut 1 969 patients répartis en deux groupes : 1 292 ayant poursuivi l’ofatumumab (groupe continu) et 677 passés du tériflunomide à l’ofatumumab (groupe nouvellement switché). Les données recueillies couvrent les événements indésirables, les paramètres biologiques, ainsi qu’une surveillance spécifique des infections, des néoplasies et des taux d’immunoglobulines.
La période d’analyse s’étend de la première dose d’ofatumumab jusqu’à 100 jours après la dernière, avec des données collectées jusqu’au 29 janvier 2021. Cette méthode rigoureuse permet de saisir à la fois les signaux de sécurité immédiats et différés, dressant un tableau complet du profil de sécurité du médicament.
Démographie des patients et exposition au traitement
La population étudiée reflète la démographie typique de la SEP. Les 1 969 patients, d’âge moyen 38,7 ans, comptent 68,3 % de femmes. La majorité (94,9 %) présente une forme récurrente-rémittente, et 5,1 % une forme secondairement progressive. Le délai moyen depuis le diagnostic est de 6,4 ans, avec un niveau modéré d’incapacité (score EDSS moyen de 2,9).
L’exposition au traitement diffère entre les groupes. Le groupe continu présente une durée médiane de traitement de 35,5 mois (environ 3 ans), totalisant 3 253 patients-années d’exposition. Le groupe nouvellement switché affiche une durée médiane de 18,3 mois (environ 1,5 an), pour 986 patients-années. Notons que 92,1 % des patients inclus dans l’extension recevaient encore le traitement au moment de l’analyse, témoignant d’une bonne observance.
Principaux résultats de sécurité
Le profil de sécurité global reste cohérent avec les études antérieures. Sur l’ensemble des 1 969 patients, 1 650 (83,8 %) ont présenté au moins un événement indésirable, majoritairement d’intensité légère à modérée. Seuls 9,0 % ont connu des événements de grade 3 ou 4 (sévères), et 9,7 % des événements graves.
Les taux d’incidence ajustés à l’exposition (pour 100 patients-années) sont :
- 148,7 pour tout événement indésirable
- 4,8 pour les événements indésirables graves
- 5,8 pour les événements entraînant l’arrêt du traitement
Les réactions liées à l’injection, bien que fréquentes, sont généralement gérables. Les réactions systémiques (survenant dans les 24 heures) ont touché 24,8 % des patients, et les réactions locales 11,5 %. Elles sont plus marquées après la première injection et s’atténuent avec les doses suivantes. Seuls six patients ont interrompu le traitement pour cette raison.
Deux décès sont survenus, tous deux dans le groupe continu : l’un dû à une pneumonie COVID-19, l’autre par suicide. Aucun n’a été considéré comme lié à l’ofatumumab par les investigateurs.
Analyse détaillée des infections
Les infections ont fait l’objet d’une surveillance attentive. Au total, 1 070 patients (54,3 %) ont présenté une infection, avec un taux d’incidence ajusté de 44,1 pour 100 patients-années. Les plus fréquentes sont :
- Rhinopharyngite : 16,8 %
- Infections des voies respiratoires supérieures : 10,3 %
- Infections urinaires : 9,8 %
- COVID-19 : 5,8 %
Des infections graves sont survenues chez 58 patients (2,9 %), avec un taux ajusté de 1,4. Les plus fréquentes sont l’appendicite (0,6 %), la pneumonie (0,5 %) et la pneumonie à COVID-19 (0,4 %). Aucune infection opportuniste, réactivation de l’hépatite B ou cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) n’a été identifiée.
Les taux d’infection sont restés stables dans le temps, sans augmentation liée à la durée du traitement, ce qui est rassurant pour un usage prolongé.
Évolution des taux d’immunoglobulines
Les taux d’immunoglobulines ont été suivis de près, l’ofatumumab agissant sur les lymphocytes B producteurs de ces protéines. Les taux moyens d’IgG sont restés stables, tandis que ceux d’IgM ont diminué progressivement tout en demeurant le plus souvent dans les limites normales.
Une baisse des IgM a été observée chez 10,9 % des patients et constitue la principale cause d’arrêt du traitement (53 patients, 46,1 % des interruptions). Le protocole imposait l’arrêt en cas de chute significative, ce qui explique en partie ces décisions.
Fait important, cette diminution n’a pas été associée à un surrisque d’infections graves, suggérant que ces variations pourraient être sans conséquence clinique significative pour la majorité des patients.
Signification clinique de ces résultats
Ce suivi prolongé apporte des données rassurantes sur l’innocuité à long terme de l’ofatumumab. Le profil de sécurité reste constant, sans signal nouveau après 3,5 ans de traitement. La rareté des infections graves et l’absence d’infections opportunistes ou de LEMP sont particulièrement encourageantes.
Pour les patients switchant du tériflunomide, le profil de sécurité est comparable à celui des utilisateurs au long cours, avec même un taux légèrement inférieur d’événements indésirables (77,1 % contre 87,3 %). La transition semble donc bien tolérée.
La stabilité des IgG et la baisse gérable des IgM, sans impact infectieux notable, indiquent que la déplétion des lymphocytes B n’entraîne pas d’immunodéficience cliniquement significative. Ces éléments confortent le rapport bénéfice/risque favorable du traitement dans la prise en charge prolongée de la SEP-R.
Limites de l’étude
Si cette étude fournit des données précieuses, certaines limites doivent être soulignées. Le caractère ouvert de l’essai (patients et médecins non aveuglés) peut influencer la déclaration des événements indésirables, bien qu’il reflète mieux la pratique réelle.
La durée de suivi, bien que substantielle (jusqu’à 3,5 ans), reste insuffisante pour détecter des événements très rares ou tardifs. La poursuite de l’essai ALITHIOS jusqu’en 2029 permettra de compléter ces données.
La population, bien que large et diversifiée (1 969 patients), provient d’essais cliniques avec des critères d’inclusion stricts, et peut ne pas représenter intégralement la population générale des patients atteints de SEP.
Recommandations pour les patients
Au vu de ces résultats, les patients peuvent être rassurés quant à la sécurité à long terme de l’ofatumumab. Plusieurs recommandations pratiques se dégagent :
- Anticipez des réactions injectables gérables : La plupart surviennent après la première dose et s’estompent ensuite. Une prémédication peut aider à les atténuer.
- Surveillez les infections : Bien que rares, les infections graves imposent une vigilance et un signalement rapide à l’équipe soignante.
- Respectez le suivi biologique : La surveillance régulière des taux d’immunoglobulines, entre autres paramètres, est essentielle.
- Le traitement prolongé est envisageable : Le taux élevé de maintien sous traitement (92,1 %) atteste d’une bonne tolérance au long cours.
- Évaluez les transitions thérapeutiques : Le switch depuis d’autres traitements semble bien toléré, avec un profil de sécurité similaire.
Informations sur la source
Titre original de l’article : Safety experience with continued exposure to ofatumumab in patients with relapsing forms of multiple sclerosis for up to 3.5 years
Auteurs : Stephen L Hauser, Anne H Cross, Kevin Winthrop, Heinz Wiendl, Jacqueline Nicholas, Sven G Meuth, Paul S Giacomini, Francesco Saccà, Linda Mancione, Ronald Zielman, Morten Bagger, Ayan Das Gupta, Dieter A Häring, Valentine Jehl, Bernd C Kieseier, Ratnakar Pingili, Dee Stoneman, Wendy Su, Roman Willi, Ludwig Kappos
Publication : Multiple Sclerosis Journal 2022, Vol. 28(10) 1576–1590
Note : Cet article adapté aux patients s’appuie sur une recherche évaluée par des pairs et vise à restituer fidèlement les résultats de l’étude tout en les rendant accessibles aux patients et à leurs proches.