Cette étude exhaustive, menée sur 210 patients atteints de sclérose en plaques ayant bénéficié d’une greffe de cellules souches, montre que ce traitement intensif permet un contrôle durable de la maladie chez de nombreux patients. Parmi ceux présentant une forme rémittente-récurrente de SEP, 85,5 % n’ont pas connu d’aggravation de leur handicap après 5 ans, et beaucoup ont même vu leurs scores s’améliorer. Le protocole de conditionnement BEAM+ATG s’est révélé particulièrement efficace, avec des résultats significativement supérieurs observés chez les patients. Bien que le traitement comporte des risques, notamment un taux de mortalité précoce de 1,4 %, aucun décès n’est survenu chez les patients traités après 2007, ce qui témoigne d’une amélioration continue de la sécurité.
Résultats à long terme de la greffe de cellules souches dans la sclérose en plaques : un guide complet pour les patients
Sommaire
- Introduction : pourquoi cette recherche compte
- Méthodologie : comment l’étude a été réalisée
- Résultats clés : données détaillées et chiffres
- Implications cliniques : ce que cela change pour les patients
- Limites de l’étude : ce que la recherche ne montre pas
- Conseils aux patients : recommandations pratiques
- Source de l’étude
Introduction : pourquoi cette recherche compte
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurologique chronique où le système immunitaire attaque par erreur la gaine protectrice des nerfs. Si de nombreux traitements réduisent l’activité de la maladie à court terme, une rémission durable reste difficile à atteindre pour la plupart des patients.
Malgré les thérapies disponibles, plus de la moitié des personnes atteintes de SEP récurrente-rémittente voient leur handicap s’aggraver sur dix ans. Cette évolution est particulièrement préoccupante dans les formes agressives de SEP, marquées par des poussées sévères ou une progression rapide du handicap malgré le traitement.
La greffe autologue de cellules souches hématopoïétiques (GCSH) propose une approche différente. Ce traitement intensif vise à « réinitialiser » le système immunitaire en utilisant les cellules souches du patient. L’objectif est d’éliminer les cellules immunitaires auto-agressives et d’établir une tolérance durable.
Cette étude italienne est l’une des plus vastes et des plus longues à évaluer la capacité de la GCSH à induire une rémission prolongée sans médicament chez des patients atteints de sclérose en plaques agressive.
Méthodologie : comment l’étude a été réalisée
Les chercheurs ont mené une étude observationnelle rétrospective multicentrique incluant 210 patients atteints de SEP, greffés en Italie entre 1997 et 2019. Tous présentaient une forme agressive de la maladie, insuffisamment contrôlée par les traitements conventionnels.
Pour être inclus, les patients devaient disposer de données complètes : âge, type de SEP, score de handicap (EDSS) avant traitement, détails de la greffe et au moins un suivi post-transplantation.
Le traitement comprenait plusieurs étapes :
- Mobilisation des cellules souches à l’aide de cyclophosphamide et filgrastim
- Collecte par leucaphérèse
- Congélation des cellules
- Chimiothérapie de conditionnement pour supprimer le système immunitaire
- Reinjection des cellules souches du patient
Plusieurs protocoles de conditionnement ont été utilisés, le plus fréquent étant BEAM+ATG (74,8 % des patients). Ce schéma associe plusieurs chimiothérapies : carmustine, cytarabine, étoposide, melphalan et globuline anti-thymocyte.
Le suivi moyen était de 6,2 ans (écart-type jusqu’à 5 ans), ce qui en fait l’une des études au suivi le plus long sur la greffe de cellules souches dans la SEP.
Résultats clés : données détaillées et chiffres
L’étude a inclus 210 patients présentant les caractéristiques suivantes :
- 122 patients (58 %) atteints de SEP récurrente-rémittente (SEP-RR)
- 86 patients (41 %) atteints de SEP secondairement progressive (SEP-SP)
- 2 patients (1 %) atteints de SEP primairement progressive (SEP-PP)
- Score EDSS médian initial de 6 (fourchette : 1–9)
- 83,3 % avaient des antécédents détaillés de traitement
Évolution du handicap :
Pour l’ensemble des patients, la survie sans aggravation du handicap était de 79,5 % à 5 ans et de 65,5 % à 10 ans. Ainsi, près de 8 patients sur 10 n’ont pas connu de progression significative cinq ans après le traitement.
Les résultats variaient selon le type de SEP. Les patients atteints de SEP-RR ont obtenu d’excellents résultats :
- 85,5 % de survie sans aggravation à 5 ans (IC 95 % : 76,9 %–94,1 %)
- 71,3 % à 10 ans (IC 95 % : 57,8 %–84,8 %)
- Leur score EDSS s’est même amélioré au fil du temps
- La variation annuelle moyenne de l’EDSS était de –0,09 (IC 95 % : –0,15 à –0,04), une amélioration statistiquement significative (p=0,001)
Les patients atteints de formes progressives ont également bénéficié du traitement :
- 71,0 % de survie sans aggravation à 5 ans (IC 95 % : 59,4 %–82,6 %)
- 57,2 % à 10 ans (IC 95 % : 41,8 %–72,7 %)
- Leur handicap s’est stabilisé sans aggravation significative (p=0,42)
Rechutes et imagerie :
Pour les patients SEP-RR, la survie sans rechute était de 78,1 % à 5 ans et de 63,5 % à 10 ans. Le protocole BEAM+ATG a donné des résultats particulièrement solides : 86,4 % à 5 ans et 77,0 % à 10 ans.
Comparaison des protocoles :
BEAM+ATG s’est montré supérieur pour prévenir l’activité de la maladie. Les patients sous ce protocole avaient un risque réduit de 73 % d’échec du NEDA-3 (mesure composite d’absence d’activité maladie) par rapport aux autres schémas [RR=0,27 (0,14–0,50), p<0,001].
Sécurité :
Trois patients (1,4 %) sont décédés dans les 100 jours suivant la greffe, ces décès étant considérés comme liés au traitement. Aucun décès n’est survenu après 2007, ce qui témoigne d’une amélioration significative des protocoles de sécurité.
Implications cliniques : ce que cela change pour les patients
Cette étude confirme que la greffe de cellules souches peut induire une rémission durable chez de nombreux patients atteints de SEP agressive. Le traitement semble particulièrement efficace dans les formes récurrentes-rémittentes, où il peut non seulement stopper la progression, mais aussi inverser partiellement le handicap.
L’amélioration du score EDSS chez les patients SEP-RR sur dix ans est remarquable. Une réduction moyenne de 0,09 point par an peut sembler modeste, mais elle représente une amélioration fonctionnelle significative lorsqu’elle se maintient sur plusieurs années.
La supériorité du protocole BEAM+ATG souligne l’importance du choix technique. Les patients envisageant ce traitement doivent discuter des détails du protocole avec leur équipe médicale.
Le profil de sécurité s’est nettement amélioré avec le temps : aucun décès n’a été rapporté après 2007. Les centres expérimentés utilisant des protocoles modernes peuvent donc réaliser cette procédure avec un risque acceptable pour les patients bien sélectionnés.
Limites de l’étude : ce que la recherche ne montre pas
Cette étude comporte plusieurs limites importantes. De nature observationnelle et non randomisée, elle ne permet pas d’établir de lien de causalité de manière définitive. Les patients n’ont pas été assignés aléatoirement à la greffe ou à un traitement standard.
Seuls des patients atteints de SEP agressive résistante aux traitements conventionnels ont été inclus. Les résultats pourraient différer pour des formes moins sévères ou à un stade plus précoce.
Les protocoles variaient entre les centres et au fil du temps, ce qui peut influencer les résultats. L’amélioration de la sécurité ces dernières années suggère que l’expérience et l’optimisation des protocoles sont déterminantes.
Les données d’IRM n’étaient disponibles que pour 79,5 % des patients, et la durée du suivi était variable. Des données au-delà de 10 ans seront nécessaires pour confirmer la durabilité de la réponse.
Conseils aux patients : recommandations pratiques
Sur la base de ces résultats, les patients atteints de SEP agressive peuvent considérer les points suivants :
- Vérifier son éligibilité : Si vous avez une SEP agressive résistante aux traitements conventionnels, demandez à votre neurologue si vous pourriez être candidat à une greffe de cellules souches.
- Choisir un centre expérimenté : L’amélioration de la sécurité dans les centres spécialisés souligne l’importance d’un traitement dans un établissement compétent.
- Se renseigner sur les protocoles : Informez-vous sur les schémas de conditionnement, BEAM+ATG ayant montré des résultats supérieurs dans cette étude.
- Agir au bon moment : Un traitement précoce pendant la phase récurrente-rémittente pourrait offrir de meilleurs résultats, avec stabilisation voire amélioration.
- Évaluer risques et bénéfices : Bien que la procédure comporte des risques, le potentiel de rémission durable sans médicament mérite d’être envisagé pour les candidats appropriés.
Il est important d’avoir des attentes réalistes. Si beaucoup connaissent une rémission à long terme, ce n’est pas le cas de tous. Le traitement est intensif et nécessite une réflexion approfondie sur les risques à court terme et les bénéfices potentiels à long terme.
Source de l’étude
Titre original : Long-Term Clinical Outcomes of Hematopoietic Stem Cell Transplantation in Multiple Sclerosis
Auteurs : Giacomo Boffa, Luca Massacesi, Matilde Inglese, Alice Mariottini, Marco Capobianco, Moiola Lucia, Maria Pia Amato, Salvatore Cottone, Francesca Gualandi, Marco De Gobbi, Raffaella Greco, Rosanna Scimè, Jessica Frau, Giovanni Bosco Zimatore, Antonio Bertolotto, Giancarlo Comi, Antonio Uccelli, Alessio Signori, Emanuele Angelucci, Chiara Innocenti, Fabio Ciceri, Anna Maria Repice, Maria Pia Sormani, Riccardo Saccardi, Gianluigi Mancardi pour le groupe d’étude italien BMT-MS
Publication : AperTO - Archivio Istituzionale Open Access dell'Università di Torino
Note : Cet article adapté aux patients s’appuie sur une recherche évaluée par des pairs initialement publiée dans la littérature neurologique. Les informations ont été traduites pour l’éducation des patients tout en conservant les données et conclusions originales.