Immunothérapie du cancer du sein : traitements actuels et perspectives d'avenir

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Cette revue explore comment l'immunothérapie, notamment les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, révolutionne la prise en charge du cancer du sein. Les résultats majeurs indiquent que l’ajout de pembrolizumab à la chimiothérapie améliore significativement le pronostic des patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif (TNBC) — avec une augmentation du taux de réponse pathologique complète de 51 % à 65 % dans les formes précoces, et un allongement de la survie dans les cas avancés PD-L1 positifs (23 mois contre 16 mois de survie globale). Pour les cancers du sein hormono-positifs (HR+), les associations d’immunothérapie ont accru les taux de réponse, mais avec des bénéfices variables. Les biomarqueurs, comme le statut PD-L1, sont déterminants pour prédire la réussite du traitement, même si la recherche continue d’affiner la sélection des patientes.

Immunothérapie pour le cancer du sein : traitements actuels et perspectives d’avenir

Table des matières

Introduction

Le cancer du sein demeure l’un des cancers les plus fréquents à l’échelle mondiale et la deuxième cause de décès par cancer aux États-Unis. Malgré les progrès thérapeutiques, les récidives et les réponses variables persistent. Le cancer du sein se classe en sous-types : hormono-positif (HR+), HER2-positif, et cancer du sein triple négatif (TNBC), qui est dépourvu de récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone et à HER2. Le TNBC est particulièrement agressif, représentant 15 à 20 % des cas, avec des taux de survie plus faibles (64 % à 5 ans pour les stades I–III). Traditionnellement considéré comme « immunologiquement froid » (moins sensible aux traitements immunitaires), des essais cliniques récents montrent que l’immunothérapie — en particulier les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICIs) — peut considérablement aider certaines patientes. Le pembrolizumab est désormais approuvé par la FDA pour le TNBC aux stades précoce et avancé lorsqu’il est associé à la chimiothérapie. Cette revue examine le fonctionnement de l’immunothérapie, les patientes qui en bénéficient le plus, et le rôle des biomarqueurs comme PD-L1 dans l’orientation thérapeutique.

Fonctionnement de l’immunothérapie

L’immunothérapie aide le système immunitaire à reconnaître et détruire les cellules cancéreuses. Les principaux types utilisés dans le cancer du sein sont les inhibiteurs de points de contrôle (tels que les inhibiteurs de PD-1/PD-L1) et les anticorps ciblant HER2. Les cellules cancéreuses échappent souvent à la détection en exploitant les protéines de « point de contrôle » (PD-1/PD-L1), qui agissent comme des « freins » sur les cellules immunitaires. Lorsque PD-L1 à la surface des cellules cancéreuses se lie à PD-1 sur les lymphocytes T (un type de cellule immunitaire), il les désactive. Les inhibiteurs de points de contrôle bloquent cette liaison, « libérant les freins » pour permettre aux lymphocytes T d’attaquer les tumeurs. Par exemple, le pembrolizumab bloque PD-1, tandis que l’atézolizumab cible PD-L1. Associer l’immunothérapie à la chimiothérapie renforce cet effet : la chimiothérapie détruit les cellules cancéreuses, libérant des protéines tumorales qui alertent le système immunitaire, tandis que l’immunothérapie active les lymphocytes T pour cibler les cellules cancéreuses résiduelles. Cependant, cette activation immunitaire peut entraîner des effets secondaires tels que des réactions auto-immunes (par exemple, troubles thyroïdiens ou éruptions cutanées), survenant chez 7 à 23 % des patientes dans les essais.

Panorama actuel de l’immunothérapie

Il existe trois catégories d’inhibiteurs de points de contrôle : inhibiteurs de PD-1 (pembrolizumab, nivolumab), inhibiteurs de PD-L1 (atézolizumab, durvalumab), et inhibiteurs de CTLA-4 (ipilimumab). Seul le pembrolizumab est actuellement approuvé par la FDA pour le cancer du sein (spécifiquement le TNBC), suite au retrait de l’atézolizumab après des résultats d’essais décevants. Toutes les patientes ne répondent pas de la même manière — environ 40 à 60 % des patientes TNBC bénéficient du traitement, selon les biomarqueurs. La recherche se concentre sur l’amélioration de la sélection des patientes et l’élargissement de l’utilisation de l’immunothérapie à d’autres sous-types.

Cancer du sein triple négatif (TNBC) : aperçu

Le TNBC est agressif, avec des options de traitement limitées car il ne répond pas aux thérapies hormonales. Il représente 15 à 20 % des cancers du sein et présente des taux de récidive plus élevés (30 à 35 % dans les 3 ans pour le stade II/III). L’immunothérapie fonctionne mieux dans le TNBC que dans d’autres sous-types en raison de sa charge mutationnelle tumorale (TMB) plus élevée — un plus grand nombre de mutations génétiques rend les tumeurs plus visibles pour le système immunitaire. Le pembrolizumab associé à la chimiothérapie est désormais un standard pour le TNBC précoce à haut risque et le TNBC avancé PD-L1 positif. Les principaux essais montrent que l’immunothérapie est plus efficace tôt dans l’évolution de la maladie, avant que le système immunitaire ne soit affaibli par la progression du cancer ou des traitements antérieurs.

Immunothérapie dans le TNBC précoce

Pour le TNBC précoce (stades II–III), l’ajout de pembrolizumab à la chimiothérapie avant la chirurgie (traitement néoadjuvant) améliore significativement les résultats. Dans l’essai KEYNOTE-522 (1 174 patientes), celles recevant pembrolizumab + chimiothérapie ont obtenu un taux de réponse pathologique complète (pCR) de 65 % — signifiant l’absence de cellules cancéreuses détectables après traitement — contre 51 % avec la chimiothérapie seule. Après 5 ans, 81,3 % des patientes sous pembrolizumab étaient exemptes de cancer contre 72,3 % sans, réduisant le risque de récidive de 37 %. Des bénéfices similaires sont apparus dans d’autres essais :

  • IMpassion031 (333 patientes) : Atézolizumab + chimiothérapie a augmenté la pCR à 58 % contre 41 %.
  • I-SPY2 (114 patientes) : Pembrolizumab + chimiothérapie a atteint 60 % de pCR contre 20 %.

Un taux de pCR plus élevé est corrélé à une meilleure survie à long terme. Une méta-analyse portant sur 1 496 patientes TNBC a confirmé que l’immunothérapie augmente les taux de pCR. Cependant, des effets secondaires liés à l’immunité sont survenus chez 9 à 82 % des patientes (grade ≥3 chez 7 à 23 %).

Immunothérapie après chirurgie et chimiothérapie

Les patientes présentant un cancer résiduel après chimiothérapie néoadjuvante ont un risque élevé de récidive (57 % de survie à 5 ans contre 90 % avec pCR). L’immunothérapie après chirurgie (traitement adjuvant) vise à éliminer les cellules cancéreuses restantes. Dans KEYNOTE-522, le pembrolizumab adjuvant a amélioré la survie, en particulier chez les patientes avec maladie résiduelle modérée. Cependant, l’essai ALEXANDRA (atézolizumab après chimiothérapie) n’a montré aucun bénéfice — 12,8 % de récidive avec immunothérapie contre 11,4 % sans. Cela suggère que le pembrolizumab n’est efficace après chirurgie que dans des scénarios spécifiques, soulignant la nécessité d’approches personnalisées.

Immunothérapie pour le TNBC avancé

Pour le TNBC métastatique (mTNBC), l’immunothérapie prolonge la survie chez les patientes PD-L1 positives. Les principaux essais incluent :

  • KEYNOTE-355 (847 patientes) : Pembrolizumab + chimiothérapie a amélioré la survie médiane à 23 mois contre 16 mois chez les patientes PD-L1 positives (CPS ≥10). La survie sans progression (temps sans aggravation du cancer) est passée à 9,7 mois contre 5,6 mois.
  • IMpassion130 (943 patientes) : Atézolizumab + chimiothérapie a prolongé la survie sans progression à 7,5 mois contre 5,3 mois chez les patientes PD-L1 positives. La survie globale tendait à être plus élevée (25,4 contre 17,9 mois) mais n’était pas statistiquement significative.

À l’inverse, IMpassion131 (902 patientes) n’a montré aucun bénéfice avec atézolizumab + paclitaxel. La réponse dépend fortement du statut PD-L1 — seulement 40 à 50 % des patientes TNBC avancées sont PD-L1 positives. Des effets secondaires (grade ≥3) sont survenus chez 5 à 7,5 % des patientes.

Immunothérapie dans le cancer du sein HR-positif, HER2-négatif

Le cancer du sein HR+/HER2- (65 % des cas) est typiquement moins sensible à l’immunothérapie en raison d’une infiltration moindre de cellules immunitaires. Cependant, les sous-types à haut risque (par exemple, index Ki-67 élevé) peuvent en bénéficier. Des essais récents montrent :

  • KEYNOTE-756 (1 278 patientes) : L’ajout de pembrolizumab à la chimiothérapie néoadjuvante a augmenté les taux de pCR à 24,3 % contre 15,6 %. Les bénéfices étaient plus marqués chez les patientes avec faible expression des récepteurs aux œstrogènes (ER 1–9 %), où la pCR est passée à 59 % contre 30,2 %.
  • CheckMate 7FL (521 patientes) : Nivolumab + chimiothérapie a amélioré la pCR à 24,5 % contre 13,8 %, surtout chez les patientes PD-L1 positives (44,3 % contre 20,2 %).

Des effets secondaires de grade 3–4 sont survenus chez 32 à 52,5 % des patientes. Bien que prometteuse, l’immunothérapie n’est pas encore un standard pour le cancer du sein HR+ en dehors des essais cliniques.

Méthodes d’étude : conduite de la recherche

Cette revue a analysé les données des principaux essais cliniques de phase II/III publiés jusqu’en 2024. Des essais comme KEYNOTE-522 (TNBC précoce), KEYNOTE-355 (TNBC avancé), et KEYNOTE-756 (cancer du sein HR+) ont comparé des combinaisons immunothérapie-médicament à des placebos ou à la chimiothérapie standard. Les études incluaient 300 à 1 200+ patientes, suivaient des critères tels que la pCR (réponse pathologique complète), la survie globale (OS), la survie sans progression (PFS), et les effets secondaires. Les biomarqueurs (PD-L1, TMB) étaient évalués par tests sur tissu tumoral. Les résultats étaient validés statistiquement — par exemple, des rapports de risque (HR) inférieurs à 1,0 indiquent un bénéfice du traitement, avec des p-values <0,05 confirmant la significativité.

Principaux résultats : synthèse

  • TNBC précoce : Pembrolizumab + chimiothérapie augmente les taux de pCR de 14 à 40 % (65 % contre 51 % dans KEYNOTE-522) et la survie sans cancer à 5 ans de 9 % (81,3 % contre 72,3 %).
  • TNBC avancé : Pembrolizumab + chimiothérapie prolonge la survie de 7 mois (23 contre 16 mois) chez les patientes PD-L1 positives.
  • Cancer du sein HR+ : L’immunothérapie augmente la pCR de 8,5 à 10,7 % mais les bénéfices sont limités aux sous-groupes à haut risque.
  • Importance des biomarqueurs : Les patientes PD-L1 positives (utilisant CPS ≥10 ou lymphocytes infiltrant la tumeur) répondent le mieux. Les patientes TNBC avec charge mutationnelle tumorale élevée montrent aussi des réponses améliorées.
  • Sécurité : Des effets secondaires liés à l’immunité de grade ≥3 sont survenus chez 5 à 23 % des patientes à travers les essais.

Implications cliniques : signification pour les patientes

Pour les patientes TNBC, le pembrolizumab combiné à la chimiothérapie est désormais une option standard. Les patientes à un stade précoce avec tumeurs à haut risque (stade II/III) devraient discuter du pembrolizumab néoadjuvant + chimiothérapie, qui réduit le risque de récidive de 37 %. Les patientes TNBC avancées avec tumeurs PD-L1 positives (environ 40–50 %) peuvent vivre plus longtemps avec pembrolizumab + chimiothérapie en première ligne. Pour les patientes HR+, l’immunothérapie émerge pour les cas à haut risque avec faibles niveaux de récepteurs hormonaux ou caractéristiques agressives — bien que ce ne soit pas encore routinier. Toutes les patientes devraient être testées pour PD-L1 (via biopsie) pour déterminer l’éligibilité. Celles commençant l’immunothérapie nécessitent une surveillance pour des effets secondaires auto-immuns comme fatigue, éruption cutanée, ou problèmes thyroïdiens.

Limitations de la recherche

Des questions clés restent sans réponse : L’immunothérapie n’aide pas les patientes TNBC PD-L1 négatives, et les biomarqueurs au-delà de PD-L1 (comme la charge mutationnelle tumorale) nécessitent une validation. Les bénéfices dans le cancer du sein HR+ sont modestes et restreints à des sous-groupes. La récidive précoce après chimiothérapie-immunothérapie (dans les 6 mois) n’a pas été étudiée, et les données de survie à long terme pour les nouvelles combinaisons sont limitées. L’immunothérapie adjuvante après chirurgie montre des résultats inconstants — efficace dans certains essais (KEYNOTE-522) mais pas d’autres (ALEXANDRA). Enfin, des effets secondaires comme l’insuffisance surrénale (observée dans I-SPY2) nécessitent une prise en charge attentive.

Recommandations pour les patientes

  1. Discuter du dosage des biomarqueurs : Demandez un test PD-L1 (score CPS) si vous avez un cancer du sein triple négatif ou un cancer du sein HR+ à haut risque.
  2. Envisager l’immunothérapie pour le cancer du sein triple négatif : Si éligible, le pembrolizumab associé à la chimiothérapie offre le meilleur bénéfice de survie pour le cancer du sein triple négatif de stade précoce ou avancé PD-L1 positif.
  3. S’informer sur les essais cliniques : Explorez les essais pour le cancer du sein triple négatif PD-L1 négatif ou la maladie HR+ — de nouvelles combinaisons (par exemple, immunothérapie + thérapies ciblées) sont à l’étude.
  4. Surveiller les effets secondaires : Signalez rapidement tout symptôme comme une fatigue persistante, une toux ou une éruption cutanée pendant le traitement.
  5. Personnaliser les soins post-opératoires : En cas de cancer résiduel après un traitement néoadjuvant, discutez du pembrolizumab avec votre oncologue.