Cette revue complète présente comment l'imagerie avancée par tomodensitométrie (TDM) et par résonance magnétique (IRM) oriente la radiothérapie stéréotaxique corporelle (RSTC) dans le traitement des métastases rachidiennes, de la sélection des patients jusqu’à la planification thérapeutique et au suivi. Les auteurs détaillent comment des protocoles d’imagerie spécialisés permettent une irradiation de haute précision à dose élevée, tout en épargnant les structures nerveuses critiques. La RSTC offre ainsi des taux de réponse antalgique atteignant 74,3 % et un contrôle local de la tumeur de 80 à 95 %. L’article aborde également les systèmes de score essentiels pour déterminer l’éligibilité au traitement et montre comment l’évolution des technologies d’imagerie améliore la sécurité et les résultats chez les patients atteints de tumeurs rachidiennes.
Imagerie avancée en radiothérapie rachidienne : guide du patient pour la tomodensitométrie et l’IRM en traitement ciblé
Table des matières
- Introduction : Comprendre les métastases rachidiennes
- Radiothérapie conventionnelle versus radiothérapie stéréotaxique corporelle
- Rôle de l’imagerie dans la sélection des patients pour la RSC
- Imagerie pré-RSC : préparation au traitement
- Imagerie de planification : cartographie précise
- Sources d’information
Introduction : Comprendre les métastases rachidiennes
Le rachis est le troisième site le plus fréquent de dissémination cancéreuse (métastases), après les poumons et le foie. Les métastases rachidiennes proviennent le plus souvent des cancers du poumon, de la prostate et du sein, bien que presque tous les cancers puissent s’y propager. Selon les études post-mortem, environ 70 % des patients atteints de cancer du sein ou de la prostate développent des métastases rachidiennes.
Cette fréquence élevée s’explique par la présence abondante de moelle rouge dans les vertèbres et par des réseaux vasculaires particuliers qui facilitent la dissémination par voie sanguine. Lorsque le cancer atteint le rachis, il peut provoquer des douleurs dorsales invalidantes et altérer la qualité de vie par plusieurs mécanismes.
La douleur peut résulter de fractures vertébrales par tassement pathologique (affaissement des os fragilisés) ou de compressions nerveuses dues à l’extension tumorale épidurale. Dans jusqu’à 20 % des cas, une compression médullaire métastatique (CMM) peut survenir, constituant une urgence oncologique nécessitant un traitement immédiat en présence de symptômes neurologiques.
Les options thérapeutiques incluent diverses approches de radiothérapie, la chirurgie (ouverte ou mini-invasive), les procédures neuro-interventionnelles et les traitements combinés — notamment la chirurgie de décompression avec stabilisation suivie d’une radiothérapie ciblée.
Radiothérapie conventionnelle versus radiothérapie stéréotaxique corporelle
La radiothérapie bénéficie à la plupart des patients atteints de métastases rachidiennes, avec peu d’exceptions. Les recherches montrent qu’une combinaison de chirurgie et de radiothérapie offre de meilleurs résultats cliniques que la radiothérapie seule chez certains patients présentant une compression médullaire métastatique (CMM).
La radiothérapie stéréotaxique corporelle (RSC) est désormais un traitement établi pour les métastases rachidiennes, avec des preuves croissantes de son efficacité pour le contrôle local des symptômes et de la maladie. Près de 50 % des radio-oncologues l’intègrent aujourd’hui dans leur pratique quotidienne.
La RSC utilise des techniques avancées pour délivrer des doses ablatives (destructrices) au tissu cible tout en épargnant les organes sains avoisinants. Cette approche a démontré des résultats prometteurs en tant que :
- Traitement primaire pour les nouveaux diagnostics
- Traitement après échec de la radiothérapie conformationnelle externe (RCE)
- Traitement des résidus tumoraux après chirurgie
- Prise en charge des tumeurs rachidiennes bénignes
La RSC obtient des résultats impressionnants dans différents scénarios thérapeutiques :
- Taux de réponse antalgique : 74,3 % des patients ressentent un soulagement significatif de la douleur
-
Taux de contrôle local :
- Traitement primaire : 80-95 % de contrôle tumoral
- Traitement post-opératoire : 70-100 % de contrôle tumoral
- Retraitements : 66-93 % de contrôle tumoral
Malgré ces excellents résultats, des récidives locales post-RSC surviennent encore, principalement dans l’espace épidural (autour de la moelle épinière). Le risque d’échec local est fortement corrélé au score de compression médullaire épidurale (ESCC) pré-RSC :
- Aucune maladie épidurale (grade 0) : taux d’échec local de 5 %
- Maladie épidurale de bas grade (grade 1a–c) : taux d’échec local de 19 %
- Maladie épidurale de haut grade (grade 2/3) : taux d’échec local de 30 %
Ces échecs peuvent s’expliquer par la nécessité de sous-doser la maladie épidurale pour respecter les limites de sécurité médullaire, ou par une agressivité biologique accrue des métastases avec extension épidurale.
La radiothérapie conformationnelle externe (RCE) délivre typiquement jusqu’à 5 Gy par fraction, tandis que la RSC administre des doses biologiquement plus efficaces en 1 à 5 fractions sur une cible plus précise. La géométrie distinctive et les gradients de dose abrupts de la RSC contribuent significativement à ses effets thérapeutiques par rapport à la radiothérapie conventionnelle.
Bien que ces gradients épargnent les zones hors champ, des variations positionnelles d’un millimètre seulement peuvent affecter les tissus critiques. Pour cette raison, la RCE reste préférée pour les patients en mauvais état général et pronostic, incluant ceux présentant une maladie métastatique symptomatique étendue, de très faibles scores fonctionnels (indice de Karnofsky ≤40), ou une espérance de vie inférieure à 2 mois.
Rôle de l’imagerie dans la sélection des patients pour la RSC
Après évaluation du pronostic global et de la charge tumorale, les lésions métastatiques candidates à la radiothérapie sont évaluées selon l’algorithme MNOP, qui examine :
- Stabilité mécanique
- Risque neurologique
- Paramètres oncologiques
- Traitement préféré
Pour évaluer la stabilité rachidienne, les cliniciens utilisent les critères du score d’instabilité néoplasique rachidienne (SINS), incluant six caractéristiques d’imagerie et cliniques notées de 0 à 18 :
- Type de douleur (aucune, non mécanique, ou mécanique)
- Localisation du segment rachidien atteint
- Densité osseuse (blastique, mixte, ou lyrique)
- Étendue de l’atteinte vertébrale
- Atteinte postérolatérale (unilatérale ou bilatérale)
- Alignement rachidien
Pour des scores SINS de 12 ou plus, une consultation neurochirurgicale est indiquée pour évaluer la nécessité d’une stabilisation avant RSC. Le rôle de la chirurgie pour les scores intermédiaires fait l’objet de recherches, mais une consultation est recommandée.
Le risque neurologique est évalué à l’aide du score de compression médullaire épidurale (ESCC), échelle en six catégories basée sur l’imagerie mesurant l’empiètement médullaire. Ce système aide à déterminer si la RSC peut être utilisée comme traitement primaire avec un risque limité de lésion médullaire.
Le système de grading ESCC inclut :
- Grade 0 : Aucune maladie épidurale macroscopique
- Grade 1a : Extension tumorale à l’espace épidural sans empreinte sur le sac dural
- Grade 1b : Tumeur provoquant une empreinte sur le sac dural sans contact médullaire
- Grade 1c : Contact médullaire sans compression
- Grade 2 : Compression médullaire sans obliteration complète de l’espace liquidien
- Grade 3 : Compression médullaire avec obliteration complète de l’espace liquidien
Combiné aux caractéristiques cliniques et histopathologiques, le score ESCC guide la thérapie des métastases rachidiennes. Les scores ESCC ≤1b représentent les candidats optimaux pour une RSC primaire. La prise en charge des cas ESCC 1c-3 est spécifique à chaque situation, tandis que les scores 2 ou 3 peuvent justifier une intervention chirurgicale préalable pour éviter les complications neurales, selon la radiosensibilité tumorale.
Pour les cancers très sensibles à la radiothérapie et/ou aux thérapies systémiques (lymphome, myélome), la radiothérapie conformationnelle externe (RCE) est recommandée. Inversement, les tumeurs radio-résistantes (sarcome, mélanome, carcinome rénal) bénéficient grandement des doses ablatives de RSC, surtout si la charge tumorale est limitée.
Les patients ne pouvant subir une IRM pour la planification pré-RSC ou le guidage ne sont pas de bons candidats. En résumé, la RSC pour métastases rachidiennes est préférée pour les patients avec un bon pronostic global, incluant :
- Maladie systémique limitée (oligométastatique)
- Atteinte rachidienne réduite (limitée à 1-3 niveaux contigus)
- Maladie épidurale limitée (selon le score ESCC)
- Colonne vertébrale relativement stable (selon les critères SINS)
En pratique, les radiologues rapportent à la fois les scores SINS et ESCC pour tous les examens en coupe des métastases rachidiennes afin de guider l’urgence et les approches thérapeutiques. Pour le SINS, ils indiquent généralement le niveau avec le score le plus élevé en cas d’atteinte multiple, tandis que pour l’ESCC, chaque niveau avec maladie épidurale est rapporté.
Imagerie pré-RSC : préparation au traitement
La planification thérapeutique avec imagerie pré-RSC et délinéation tumorale est cruciale pour cibler précisément les doses ablatives et éviter le surdosage des tissus sains. Ceci nécessite un positionnement patient précis et reproductible.
Par exemple, un surdosage médullaire peut survenir avec des mouvements minimes (d’un millimètre) ou si une tumeur épidurale touche ou comprime la moelle épinière. La myélite radio-induite (inflammation médullaire), bien que rare (0,4 %), est l’une des complications tardives les plus redoutées et invalidantes.
Dans la plupart des institutions, les patients subissent une imagerie pré-RSC dans la semaine précédant le traitement, idéalement au plus près de la date de traitement. Le groupe SPINE response assessment in Neuro-Oncology (SPINO) recommande d’utiliser à la fois la tomodensitométrie et l’IRM conventionnelle.
La tomodensitométrie est supérieure pour visualiser le remodelage ou l’érosion osseuse et est nécessaire pour le scoring SINS, mais elle a une précision limitée pour l’infiltration des tissus mous et de la moelle osseuse. Les recommandations SPINO préconisent une épaisseur de coupe tomodensitométrique d’au moins ≤2 mm, idéalement ≤1 mm, pour la planification.
L’IRM est la modalité de référence pour détecter et caractériser les métastases rachidiennes et est recommandée pour l’imagerie pré-RSC. Une IRM rachidienne complète est conseillée, même pour les métastases isolées, car la découverte de lésions supplémentaires n’est pas rare.
Les scanners IRM 1,5-Tesla et 3-Tesla sont couramment utilisés. Les séquences recommandées pour la planification RSC sont l’imagerie volumétrique pondérée T1 et T2 sans contraste. Les séquences sagittales pondérées T1 et STIR sont généralement les plus informatives pour la détection des métastases.
Les acquisitions IRM volumétriques isotropiques tridimensionnelles facilitent la fusion avec la tomodensitométrie pour la planification. Des reconstructions multiplanaires peuvent être réalisées sans perte de qualité. Les méthodes récentes d’accélération IRM 3-D, comme le compressed sensing et les reconstructions par IA, ont démontré les avantages de l’IRM 3-D sur l’IRM 2-D pour la planification RSC.
Imagerie de planification : cartographie précise
Le groupe SPINO conseille d’incorporer à la fois la tomodensitométrie et l’IRM conventionnelle dans l’imagerie de planification pour la RSC afin d’assurer une évaluation complète de l’atteinte osseuse et des tissus mous. Pour maintenir l’irradiation des tissus critiques à des niveaux tolérables, les organes à risque doivent être précisément délinéés.
La planification thérapeutique implique la définition de plusieurs volumes spécifiques :
- Volume Tumoral Macroscopique (VTM) : Comprend la tumeur métastatique et ses extensions épidurales/paraspinales telles qu’elles apparaissent sur l’IRM.
- Volume Cible Anatomoclinique (VTC) : Inclut l’ensemble du compartiment anatomique contenant le VTM ainsi que les compartiments adjacents pour couvrir une invasion microscopique potentielle.
- Volume Cible Prévisionnel (VCP) : Ajoute une marge de tissu sain au VTC pour compenser les mouvements, y compris cardiorespiratoires et les déplacements du patient.
L’inclusion du corps vertébral pathologique entier dans le VTC a été associée à un meilleur contrôle local post-stéréotaxie. Différents centres anticancéreux considèrent une expansion de 0 à 3 mm pour le VCP.
Chez les patients opérés présentant une récidive ou un résidu, le VTC doit inclure la totalité de la zone d’envahissement tumoral osseux et épidural pré-thérapeutique, ainsi que les structures osseuses environnantes à risque. La délimitation du VTC en contexte postopératoire peut être guidée par les schémas d’échec épidural observés antérieurement.
La radiothérapie stéréotaxique nécessite un positionnement et une localisation précis du patient et des volumes cibles pour assurer une couverture complète du VTC tout en réduisant l’irradiation des organes à risque. Les déplacements du patient peuvent être compensés en élargissant le VCP de 1,5 mm au-delà du VTC et en utilisant des dispositifs d’immobilisation quasi-rigides.
Sources d’information
Titre original de l’article : The Role of CT and MR Imaging in Stereotactic Body Radiotherapy of the Spine: From Patient Selection and Treatment Planning to Post-Treatment Monitoring
Auteurs : Javid Azadbakht, Amy Condos, David Haynor, Wende N. Gibbs, Pejman Jabehdar Maralani, Arjun Sahgal, Samuel T. Chao, Matthew C. Foote, John Suh, Eric L. Chang, Matthias Guckenberger, Mahmud Mossa-Basha, Simon S. Lo
Publication : Cancers 2024, 16(21), 3692
Note : Cet article vulgarisé s’appuie sur une recherche évaluée par les pairs et vise à rendre accessibles des informations médicales complexes aux patients éduqués et à leurs familles.